L’argent est au cœur de la dynamique entrepreneuriale. C’est à la fois le carburant de l’entreprise dont la disponibilité permanente est une condition de survie, mais c’est aussi une des mesures principales du succès de la prise de risque entrepreneuriale.
Sur un plan plus personnel, le rapport de l’entrepreneur à l’argent en dit long sur sa capacité à réussir. Avec un peu de méthode et un travail scientifique rigoureux, on pourrait, je pense, établir une corrélation entre la réussite entrepreneuriale et le type de rapport à l’argent du fondateur.
Jusqu’ici, j’ai peu abordé ce thème dans cette Newsletter. Peut-être parce que je l’ai traité dans mon livre de 2018 intitulé “9 attitudes à adopter pour entreprendre”, livre qui est offert en téléchargement à tout nouvel abonné à cette Newsletter.
Conscient que tout le monde n’a pas forcément lu ce livre, je reprends dans cet article avec quelques amendements le passage du livre consacré à l’argent. J’espère que celles et ceux qui l’ont déjà lu ne m’en voudront pas.
Nous arrivons dans le temps de l’été. Contrairement à l’habitude, je prendrai cette année mes congés mi-juillet. Avant cela, j’ai trois déplacements de prévus qui compliqueront ma possibilité d’écrire un nouvel article dans 2 semaines.
Cette année, Un pas dans l’inconnu va donc faire un break de 2 mois. Le numéro 114 paraitra donc le 29 août.
En attendant, je vous souhaite une excellente période estivale et espère vous retrouver à la rentrée en grande forme.
Devenir entrepreneur, c’est devoir apprendre beaucoup de choses nouvelles : faire un business-plan, s’associer, prendre des décisions stratégiques, embaucher, lever des fonds, pivoter, et bien d’autres encore.
Une des choses les plus importantes qu’il faut apprendre à gérer, c’est le rapport à l’argent, qui comprend de nombreux aspects : émotionnel, culturel, technique, stratégique.
En effet, pratiquement toute décision dans la vie d’une entreprise est liée de près ou de loin à l’argent. Il est donc essentiel de comprendre et de maîtriser son rapport à l’argent pour prendre les meilleures décisions possibles.
Chacun a depuis son enfance un rapport à l’argent issu de son origine, de son éducation, de son histoire, qui impacte fortement nos actions et nos décisions quotidiennes. La première chose à faire en tant qu’entrepreneur est de prendre conscience de cela, d’analyser ce rapport, de le comprendre et de voir comment l’utiliser ou s’en méfier.
Tous les jours dans l’entreprise, des décisions concernant l’argent doivent être prises et le rapport à l’argent inscrit au fin fond de la personnalité de l’entrepreneur agit le plus souvent comme un réflexe.
Il est donc essentiel pour l’entrepreneur de réfléchir en amont aux conséquences de sa vision de l’argent, pour pouvoir mettre en place des mécanismes de décision qui puissent contrebalancer les biais négatifs liés à cette vision.
J’ai identifié 5 grands types de rapport à l’argent, dont au moins 4 posent problème s’ils perdurent dans la gestion d’une entreprise. J’ai aussi catégorisé 7 types d’argent qu’il convient d’utiliser à bon escient.
En croisant les types d’argent et les types de rapport à l’argent, on obtient des clés de lecture et des bonnes pratiques de gestion d’une entreprise.
Rapport à l’argent #1 : l’argent est tabou
Dans certaines familles, l’argent est tabou : on ne doit pas parler d’argent avec les gens proches car cela détruit les relations, l’argent brûle les doigts et il faut s’en méfier.
Si tel est votre cas, il va falloir faire un sérieux travail sur vous-même, car tout entrepreneur doit entretenir des relations d’argent avec ses associés, ses actionnaires, ses salariés, ses fournisseurs et ses clients, autrement dit avec tous les gens que l’entrepreneur fréquente.
Être entrepreneur, c’est vivre avec l’argent et ceci n’est pas possible si on pense que l’argent est tabou.
Rapport à l’argent #2 : l’argent est malsain
Depuis votre enfance, on vous répète peut-être que l’argent ce n’est pas bien, que gagner de l’argent c’est mal, que l’argent n’est pas le but de la vie.
Si tel est le cas, il va falloir rapidement y remédier, car soyons clair, qu’on le veuille ou non, le premier but d’une entreprise est de gagner de l’argent, car sinon, c’est sa continuité qui est menacée.
Rapport à l’argent #3 : l’argent est un fantasme
Celles et ceux qui ont grandi dans une famille où l’argent a toujours manqué, celles et ceux qui toute leur vie ont dû se serrer la ceinture, maîtriser leurs désirs, ont certainement un avantage au moment de créer leur entreprise.
Cet apprentissage de l’enfance sera utile, car au lancement d’une entreprise, l’argent est plutôt rare et il convient d’être très économe.
Mais au moment où le succès est là, il faudra alors être vigilant à ne pas tomber dans le travers de ceux qui se croyant arrivés dépensent sans compter. Après avoir été privés, le fait de disposer de beaucoup d’argent peut monter à la tête.
Rapport à l’argent #4 : l’argent n’est pas un problème
A contrario, celles et ceux qui ont été élevés dans une famille aisée, qui n’ont jamais rencontré le fond de leur porte-monnaie, qui ont toujours eu ce qu’ils désiraient, vont devoir apprendre à compter, prioriser, vivre chichement, car l’entreprise a rarement trop d’argent à ses débuts.
Rapport à l’argent #5 : l’argent est un moyen
Si depuis toujours, vous avez une vision équilibrée de l’argent, car on vous a appris à le gérer, à l’économiser, à l’investir dans des objets durables, et à en profiter sainement, vous n’aurez aucun problème à gérer votre entreprise.
Il faudra juste apprendre à changer d’échelle, ce qui peut être difficile pour certains.
L’argent n’a pas d’odeur, mais il a une couleur
A moins d’avoir déjà créé ou géré une entreprise, l’entrepreneur qui se lance doit apprendre les règles de la gestion et de la comptabilité. Au final c’est assez simple (en tous cas ce qu’il faut savoir pour s’en sortir), mais je voudrais ici en donner une version colorée.
Un proverbe bien connu dit que l’argent n’a pas d’odeur. J’ai l’habitude de dire que par contre il a une couleur.
La bonne gestion de l’entreprise revient en fait à ranger l’argent par couleur et ensuite s’assurer qu’on a assez d’argent de chaque couleur.
L’argent blanc : c’est l’argent personnel, celui qui vous appartient en dehors de l’entreprise. C’est au fond l’argent le plus précieux, l’argent dont il faut absolument être certain de ne jamais être démuni. C’est celui dont il faut prendre le plus soin.
L’argent vert : Ce n’est pas du dollar dont je veux parler ici. L’argent vert est celui qui sert à préparer l’avenir, qui permet d’investir, car il est impossible de créer une entreprise innovante ambitieuse sans d’abord investir. Il a cette couleur verte car il porte l’espoir de lendemains réussis. Il est d’abord constitué de l’argent blanc mis au capital initial de la société par les fondateurs. Il va servir à démarrer, à investir dans les premiers outils, à créer le premier produit ou service. S’il est insuffisant, il faudra l’augmenter avec l’apport d’investisseurs (famille, proches, business angels ou fonds d’investissement). En terme comptable, l’argent vert est en haut du bilan et constitue une bonne partie de ce qu’on appelle les fonds propres. Il existe aussi une autre source d’argent vert, qui se fait de plus en plus rare : les subventions publiques, comme la bourse Frenchtech, ou les subventions régionales, nationales ou européennes liées à des projets d’innovation.
A noter que l’argent vert est généralement le seul disponible au jour 1 de l’entreprise. Il ne peut jamais redevenir de l’argent blanc tant que la société existe: l’argent vert ne redevient de l’argent blanc que si les parts de l’entreprise détenues par le fondateur sont vendues, ce qui peut arriver en particulier à l’occasion de l’entrée d’un nouvel investisseur au capital.
L’argent bleu : Comme souvent l’argent vert est rare et ne permet pas de faire tout ce qui est nécessaire pour préparer l’avenir, les banquiers ont donc inventé l’argent bleu. Il s’agit de prêts liés à un projet précis : un investissement de matériel, et beaucoup plus rarement un projet immatériel.
L’argent bleu n’est accordé que si le banquier a une contrepartie qu’il peut récupérer en cas de dépôt de bilan de l’entreprise. L’argent bleu se situe dans le bas du bilan.
Il est difficile de faire rentrer de l’argent vert ou bleu dans l’entreprise et cela demande souvent une action très importante à certains moments de la vie de l’entreprise, qui peuvent prendre jusqu’à 80% du temps des fondateurs.L’argent vert et l’argent bleu doivent être très bien anticipés dans le business plan, car ce sont des formes d’argent qu’on met du temps à obtenir : entre 3 et 9 mois pour de l’argent vert, et entre 2 et 6 mois pour de l’argent bleu.
L’argent gris : Comme au début de la vie de l’entreprise ou dans les périodes compliquées de celle-ci, l’argent vert et l’argent bleu sont difficiles à trouver, il est prévu par la loi, la possibilité pour les actionnaires de mettre de l’argent blanc dans l’entreprise sous la forme d’un prêt que l’entreprise rembourse ensuite avec des intérêts.
Si le fondateur a beaucoup d’argent blanc, il n’est pas utile de tout transformer en argent vert au moment de la création. Il vaut mieux en garder pour le transformer en argent gris par la suite, puisque l’argent gris rapporte, augmentant ainsi le montant d’argent blanc disponible. Contrairement à l’argent vert, l’argent gris peut à tout moment être restitué en argent blanc si l’entreprise en a les moyens. L’argent gris est ainsi nommé car il est neutre, et n’a pas d’affectation particulière: c’est l’argent à tout faire.
L’argent rouge : C’est l’argent des clients qui achètent les produits et services. C’est l’argent le plus important. Quand on le regarde de près, l’argent rouge a deux fonctions.
La première c’est d’assurer le quotidien : payer le loyer, l’électricité, le chauffage, les déplacements, les frais bancaires, le comptable, mais aussi les salaires et les charges des employés des services support, etc., ce qu’on appelle les frais généraux. Au début bien sûr, avant les premiers clients, l’argent rouge est puisé dans la caisse verte, puisque c’est la seule qui existe. Toutefois, il est aussi possible d’alimenter la caisse rouge avec de l’argent gris et cette option est préférable lorsqu’on le peut, car l’argent vert est destiné à construire l’avenir, ce qui n’est pas la vocation de l’argent rouge.
La deuxième fonction de l’argent rouge est de payer les fournisseurs et les prestataires, mais aussi les salariés qui produisent les produits ou services pour les clients.L’argent rouge devient de plus en plus facile à gérer au fur et à mesure que l’entreprise grandit, car il devient plus facile de prédire le flux futur en regardant le passé. Une fois atteint le régime de croisière de l’entreprise, on est capable de prévoir très exactement l’argent rouge nécessaire pour une année en regardant l’argent rouge dépensé l’année d’avant. L’argent rouge doit venir exclusivement des clients. Si ce ne sont pas les clients qui payent le fonctionnement de l’entreprise et la production des biens et services, c’est que l’entreprise n’est pas viable.
Le premier objectif en tant que chef d’entreprise au lancement de l’entreprise doit être le plus vite possible de faire en sorte que les clients apportent l’argent rouge suffisant au fonctionnement. C’est le fameux point mort.L’argent rouge est appelé ainsi car c’est le sang de l’entreprise. S’il est insuffisant, l’entreprise meurt par asphyxie, car elle ne peut plus payer son train de vie, ni produire pour ses clients. Bien sûr, s’il reste de l’argent vert, bleu ou gris, on va alors le détourner pour alimenter la caisse rouge si celle-ci est vide et qu’on lutte pour la survie de l’entreprise. Si c’est une situation autre que très passagère, ce transfert des caisses vertes et bleues vers la caisse rouge signifie l’arrêt de la préparation de l’avenir et donc une descente rapide vers un cercle infernal.
L’argent rouge doit être surveillé comme le lait sur le feu car il est très volatile. L’argent rouge est plus difficile à faire rentrer que l’argent vert ou bleu, car cela nécessite une action continue et permanente, et non seulement une action faite à certains moments bien précis. Au-delà de l’action commerciale qui évidemment est destinée à faire rentrer l’argent rouge, l’entrepreneur néglige souvent l’action de recouvrement (faire que les clients payent les factures) qui est pourtant tout aussi cruciale.
L’argent violet : Entre le bleu et le rouge, il y a le violet. Si l’entreprise est bien établie et présente un passé stable et bien lisible, le banquier peut prendre de l’argent bleu pour le transformer en argent rouge pendant un temps bref. Ce sont les prêts de trésorerie court-terme, ou sous une autre forme l’affacturage, qui permettent de payer les fournisseurs pour fabriquer les produits et services avant que les clients ne les aient payés. L’argent violet sert à couvrir le besoin en fonds
de roulement. A noter que l’argent violet est inaccessible aux jeunes sociétés qui n’ont pas encore de passé positif à présenter. Les startups ou sociétés à forte croissance ont de très forts besoins en argent violet. C’est pourquoi il n’est pas rare de voir des sociétés qui réussissent, croissent vite, et déposent malgré tout le bilan. La solution pour remplir la caisse violette d’une société en forte croissance consiste souvent à faire appel à de l’argent vert, au travers d’une augmentation de capital.
L’argent doré : L’argent doré est, comme son nom l’indique, le plus sympathique : c’est celui qui reste à la fin de l’année dans la caisse rouge, quand l’argent violet et la part à rendre de l’argent bleu et de l’argent gris, ont été rendus. C’est ce que l’entreprise a gagné ! Il y a, à ce moment-là, plusieurs usages possibles de l’argent doré. En premier, l’État se sert au travers de l’impôt sur les sociétés. Ensuite, il est possible de remercier les actionnaires qui ont permis la création de l’entreprise en leur distribuant des dividendes, mais aussi les salariés qui ont permis l’obtention de ce résultat en leur versant un intéressement. C’est aussi grâce à l’argent doré que les fondateurs peuvent récupérer de l’argent blanc. Enfin, et c’est la solution choisie par les startups au début de leur vie, l’argent doré peut alimenter la caisse verte : l’argent doré est réinvesti dans l’entreprise pour qu’elle continue à se développer.
L’entreprise qui réussit
En résumé, une entreprise qui réussit est celle qui transforme
un peu d’argent blanc et gris des fondateurs,
beaucoup d’argent vert des investisseurs,
de l’argent bleu et violet des banquiers,
et un peu d’argent rouge de beaucoup de clients
en
des produits et services (c’est la fameuse valeur ajoutée),
encore plus d’argent bleu pour les banquiers,
de l’argent blanc pour les salariés,
et de l’argent doré qui rémunère
l’argent vert des investisseurs
et l’argent blanc des fondateurs,
de l’argent pour l’État pris
sur l’argent rouge (TVA)
et sur l’argent doré (IS).
Comment se comporter avec l’argent ?
Nous avons vu qu’il existait plusieurs rapports à l’argent : il peut être tabou, malsain, il peut être un fantasme, il peut ne pas être un problème, et on peut aussi le considérer comme un moyen.
Nous avons ensuite vu les différentes couleurs de l’argent : l’argent blanc (l’argent personnel), l’argent vert (celui des investisseurs), l’argent bleu (celui des banquiers), l’argent gris (l’argent neutre, sans affectation particulière), l’argent rouge (celui des clients), l’argent violet (celui qui sert à couvrir les besoins en fonds de roulement) et l’argent doré (celui qu’on a gagné).
Les nouveaux entrepreneurs ont très souvent tendance à mélanger les couleurs et donc à mal employer l’argent. Les erreurs les plus fréquentes sont les suivantes :
Utiliser l’argent rouge au lieu de l’argent vert : L’erreur la plus répandue des jeunes entrepreneurs est d’utiliser l’argent rouge pour financer les investissements en R&D, car le besoin en argent vert et bleu a été insuffisamment estimé. Il est facile de tomber dans ce piège quand l’entreprise vend bien, car l’argent rouge rentre, et l’entrepreneur pris par les clients et le développement de son produit n’a pas le temps de se consacrer à rechercher de l’argent vert et de l’argent bleu. Il est donc tenté de puiser dans l’argent rouge qui est immédiatement disponible. L’entreprise rentre alors dans une situation de tension de trésorerie, qui l’oblige à revoir ses dépenses de fonctionnement et ses achats fournisseurs, ce qui peut conduire à une réduction de la qualité de ses produits et une fuite des clients. Ce cercle vicieux conduit généralement au dépôt de bilan.
Prendre de l’argent rouge ou vert en lieu et place de l’argent blanc : Une erreur qu’il ne faut absolument pas commettre, car c’est un délit, c’est de confondre l’argent de l’entreprise, qu’il soit rouge, vert ou bleu avec son propre argent. Payer son loyer
avec l’argent de l’entreprise, sous prétexte qu’on fait beaucoup d’efforts pour l’entreprise est un délit appelé abus de bien social, qu’il faut éviter même de façon temporaire.
Employer l’argent vert au lieu de l’argent bleu : Après avoir levé des fonds, l’entrepreneur a envie de revenir à son business et va donc rapidement faire les investissements nécessaires à son développement avec l’argent vert qu’il vient d’obtenir. Grave erreur : c’est lorsqu’on a beaucoup d’argent vert, qu’il est le plus facile d’obtenir de l’argent bleu, qui sert à faire les investissements. Avoir de l’argent sur son compte n’est pas une raison de le dépenser !
Brûler son argent blanc au lieu de chercher de l’argent vert : Au début de l’entreprise, quand il est difficile de convaincre, il peut paraître plus simple de vendre sa maison et mettre son argent blanc dans l’entreprise. Même si ceci peut être nécessaire, il faut quand même y réfléchir à deux fois et voir s’il ne faut pas travailler un peu plus pour trouver de l’argent vert. Trouver de l’argent vert est un signe que les gens croient au projet, là où partir seul peut parfois signifier qu’on est le seul à y croire, ce qui est dangereux.
Le rapport à l’argent va aussi influencer l’usage de l’argent de différente couleur.
Quels vont donc être les comportements les plus classiques des chefs d’entreprises en fonction de leur rapport à l’argent ?
Comportement #1 : Les entrepreneurs pour qui l’argent est tabou.
Ils transforment tout leur argent blanc en argent vert, car ils n’osent pas demander à leurs proches ou même à des investisseurs. Comme ils n’osent pas non plus parler d’argent avec leurs fournisseurs, ils dépensent beaucoup d’argent rouge, car ils ne négocient pas les prix. Et comme, en même temps, ils n’osent pas facturer ou encore moins réclamer l’argent à leurs clients, ils ne rentrent pas assez d’argent rouge et s’enfoncent ainsi dans un cercle infernal.
Comme l’argent est tabou, ils n’osent pas non plus parler avec des personnes de confiance de la situation difficile de l’entreprise. Résultat le plus probable de ce comportement = dépôt de bilan, par manque de trésorerie.
Comportement #2 : Les entrepreneurs pour qui l’argent est malsain.
Ceux-là ne veulent pas faire appel à de l’argent vert car ils soupçonnent le mal de la part des investisseurs qui veulent leur prendre leur entreprise. Ils essayent donc de faire fonctionner leur entreprise avec le seul argent rouge. Ils vivotent sans jamais gagner d’argent doré, confortant ainsi leur croyance que le but dans la vie n’est pas de gagner de l’argent. Résultat le plus probable de ce comportement = petite entreprise non rentable.
Comportement #3 : Les entrepreneurs pour qui l’argent est un fantasme.
Ils demandent peu d’argent vert par peur de le dépenser, et économisent l’argent rouge au point de parfois étrangler le bon fonctionnement de leur entreprise. Les premières années gérées sur ce mode peuvent permettre de gagner de l’argent doré. Résultat le plus probable de ce comportement = petite entreprise rentable. A ce moment, le risque sera alors d’ouvrir les vannes et de changer de comportement en dépensant de l’argent vert et de l’argent rouge pour le «paraître». Le résultat le plus probable de ce nouveau comportement = dépôt de
bilan.
Comportement #4 : Les entrepreneurs pour qui l’argent n’est pas un problème.
Ceux-là ont généralement beaucoup d’argent blanc et trouvent très facilement de l’argent vert dans leur entourage, et donc ensuite de l’argent bleu. Puis ils dépensent beaucoup d’argent vert et d’argent rouge sans se préoccuper de gagner de l’argent doré, puisqu’ils peuvent remettre facilement de l’argent vert, bleu ou gris dans l’entreprise. L’entreprise va croître rapidement au début puis s’écrouler comme un château de cartes, quand l’entourage finira par perdre confiance. Résultat le plus probable de ce comportement = grosse entreprise non
rentable = dépôt de bilan.
Comportement #5 : Les entrepreneurs pour qui l’argent est un moyen.
Ils comprennent comment ne pas mélanger les différentes couleurs, gèrent précieusement chacune d’elles, et au final gagnent suffisamment d’argent doré pour mener la vie qu’ils souhaitent.
Résultat le plus probable de ce comportement = réussite.
La maîtrise des différentes couleurs de l’argent et la compréhension du bon usage de chacune des couleurs va aider l’entrepreneur à compenser les biais liés à son rapport naturel à l’argent. Au lieu de principalement réagir de façon spontané, il pourra appliquer les règles d’usage de chaque couleur d’argent et ainsi progressivement apprendre la bonne façon de gérer son entreprise.
Pour conclure cet article sur l’argent et l’entreprise, un dernier point concernant les montants : ce qui surprend le plus les jeunes entrepreneurs qui n’ont géré que leur argent blanc, ce sont les montants en jeu dans l’entreprise.
Il faut très vite que l’entrepreneur apprenne à raisonner avec d’autres ordres de grandeur que ceux de l’argent de poche. Là où le créateur (surtout s’il est jeune) n’a jamais géré plus que quelques milliers d’euros et où “cher” veut dire 100 €, il va falloir rapidement apprendre à gérer quelques dizaines de milliers d’euros, puis très vite quelques centaines de milliers d’euros, et “cher” voudra dire 1000 € puis très vite 10 000 €.
Même s’il faut garder la même fébrilité qu’à titre personnel en signant un chèque de l’entreprise, il faut malgré tout s’habituer à manipuler d’autres ordres de grandeur, sous peine de constamment paniquer et mal dormir. A l’inverse, il ne s’agit pas non plus de perdre le sens des réalités et de dépenser 10 000 € comme on dépense 10 € à titre personnel. C’est donc tout un équilibre pas toujours si évident que le nouvel entrepreneur devra rechercher en demandant des conseils au début.
Avoir un rapport sain à l’argent, bien gérer les différentes couleurs d’argent permet de développer son entreprise et faire du pas dans l’inconnu de la création d’entreprise un succès.
Merci Christian pour ce précieux article!
Très instructif, comme d'habitude, et très original. Je n'avais jamais entendu parler de, et encore moins vu, les couleurs de l'argent. Mention spéciale pour cet article à la fois très descriptif et très illustratif. Merci Christian !