Pendant plus de 20 ans, nous avons acheté nos ordinateurs chez le même distributeur. Les ordinateurs sont des commodités et le service du distributeur n’était ni pire ni meilleur qu’un autre.
Pourquoi donc continuer à nous fournir chez lui ? Par habitude, par facilité (ses bureaux étaient à 100 m des nôtres) mais aussi par fidélité.
Puis un jour, ils ont fermé leur bureau et rapatrié les commerciaux au siège dans une métropole de la région. La réactivité a diminué, la qualité du service a baissé. Des demandes de devis sont restées sans réponses. J’ai acheté mes deux derniers ordinateurs chez ce fournisseur il y a deux ans avec une extension de garantie. L’un d’eux est récemment tombé en panne. En contactant le distributeur puis le constructeur, j’ai découvert que l’extension de garantie n’avait jamais été activée, et le distributeur a découvert lui qu’il ne m’avait jamais envoyé la facture !
Il y a quelques jours sans autres excuses, j’ai reçu la facture incluant l’extension de garantie pourtant non activée !
La fidélité du client est très souvent trompée par le fournisseur qui prend sa position pour acquise ! Il finit pas perdre son client !
Comment gagner la fidélité du client mais surtout ne pas la perdre ?
Je partage ici quelques principes tirés de mes expériences en tant que client qui peuvent aider les entrepreneurs qui démarrent et qui ont besoin de construire une relation avec leur clientèle.
Fidéliser plutôt que conquérir
Neuf fois sur dix, lorsqu’une startup fait un pitch devant des investisseurs, ceux-ci posent la question des revenus récurrents.
Ils regardent les indicateurs tels que le MRR (Monthly Recurring Revenue) ou le ARR (Annual Recurring Revenue).
Ils savent qu’il est difficile de conquérir un nouveau client et qu’il est plus facile de le fidéliser pour lui vendre régulièrement quelque chose.
L’idéal est bien sûr qu’il s’abonne, ce qui explique l’engouement croissant pour les logiciels en mode SaaS, où plutôt que de vendre une licence, les éditeurs vendent un abonnement.
Les équipements nécessitant du consommable propriétaire sont aussi un modèle économique très favorable à l’entreprise. Qui n’a jamais pesté en achetant sa cartouche d’encre un tiers du prix de l’imprimante ?
Ces modèles ne laissent pas vraiment le choix au client. Il est fidélisé de force.
Même si certains acteurs essayent de proposer des cartouches d’encre ou des capsules de café génériques moins chères que celles de la marque, le consommateur prudent est toujours tenté de rester sur les consommables officiels. HP prend bien soin d’indiquer au consommateur à chaque changement de cartouche qu’il s’agit bien d’une cartouche originale, laissant sous-entendre par là que c’est beaucoup mieux ainsi, tout en induisant un doute sur l’usage des cartouches génériques ou recyclées.
Lorsque le client a paramétré son CRM et rentré toute sa base de contacts, il est peu probable qu’il soit enclin à refaire cet effort pour changer rapidement de logiciel. Le coût du changement est élevé et constitue une barrière à l’entrée pour le concurrent et un facteur de fidélisation pour l’entreprise en place.
L’abonnement ou les consommables sont d’excellents modèles économiques pour fidéliser un client, puisqu’il n’a d’autres choix que d’ouvrir régulièrement son porte-monnaie pour la marque.
Mais est-ce bien de la fidélité ? Pas totalement, car le client ayant fait un choix initial, n’a ensuite plus trop d’options. Sa fidélité n’est acquise que par une dimension contractuelle (il s’est engagé au travers d’un contrat à long terme) ou une nécessité économique (il a acheté une machine et il doit la rentabiliser en achetant les consommables).
Acquérir la vraie fidélité, choisie et sincère demande autre chose qu’un modèle économique basé sur la récurrence.
Ne pas abuser des modèles récurrents
Je suis actuellement en discussion avec un fournisseur pour équiper nos salles de réunion avec un système de vidéo conférence, et notre salle d’accueil d’un écran pour afficher des messages et du contenu.
Le commercial m’envoie un devis en m’expliquant que son offre est uniquement en location car cela permet de faire évoluer le contrat dans le temps. Un calcul vite fait me montre qu’en cinq ans, j’aurai payé a minima 25% plus cher qu’en l’achetant !
Le modèle de location n’est ici clairement pas justifié, puisqu’il n’y a aucun service associé et que le matériel est peu onéreux et se déprécie très vite.
La location n’est intéressante pour le client que si l’investissement initial est élevé et s’il y a un service additionnel. C’est le cas par exemple pour les véhicules. La location sur cinq ans représente en gros le prix du véhicule à l’achat, mais elle inclut le service d’entretien. Le loueur gagne sur la revente du véhicule à la fin de la location.
Si la location n’est pas justifiée ou s’il est trop facile de comprendre qu’elle n’est intéressante que pour le vendeur, le client ne sera pas convaincu. Le modèle choisi devient un repoussoir au lieu d’être un argument de vente.
S’il se laisse malgré tout convaincre par un bon vendeur, il y a de grandes chances que le client le vive amèrement ensuite, et ne revienne plus une fois libéré du contrat.
Le modèle de location ne peut être durable que s’il est gagnant-gagnant.
Anticiper l’attente du client
Les systèmes de vidéo surveillance fonctionnent aussi en location. Cela se justifie car le coût est de l’installation est élevé et le service indispensable (maintenance et télésurveillance).
Les sociétés proposant ce service se battent pour conquérir de nouveaux clients et les garder. Le coût d’acquisition pour elles est élevé, car une fois gagné un nouveau client, il faut généralement refaire une installation complète. Le premier contrat de cinq ans sera peu rentable. Une fois le matériel amorti, le suivant le sera par contre beaucoup plus.
Récemment, soit un an avant la fin du contrat, notre fournisseur a pris contact pour parler du renouvellement du contrat. Il a finalement proposé d’upgrader le système tout en réduisant le loyer !
En devançant notre demande et en anticipant nos attentes, il a facilement gagné notre fidélité.
Gagner la fidélité d’un client, c’est ne lui laisser aucune opportunité de regarder ailleurs. Anticiper sa demande, devancer ses attentes participe de cette démarche qui consiste à empêcher le client d’aller voir ailleurs.
Aller au delà de ce qui est attendu
Je n’aime pas perdre du temps à laver ma voiture. J’apprécie donc grandement le geste du garagiste qui m’offre un lavage chaque fois que je mets ma voiture en révision.
Cette pratique est peut-être courante chez tous les concurrents. Je n’en sais rien, car je suis fidèle au même garage depuis plus de 15 ans.
Faire plus, offrir quelque chose qui fait plaisir, ôter une épine du pied du client sont autant de gestes qui contribuent à le fidéliser. En l’habituant à ce service supplémentaire, vous ancrez chez votre client l’idée que vous êtes irremplaçable.
Reconnaître son client
Depuis plus de dix ans, je réserve tous mes hôtels sur Booking. Alors, oui, je sais, les commissions sont élevées et les hôteliers indépendants préfèrent les réservations directes.
Au delà du produit qui est incroyable, Booking prend soin de ses clients avec ses programmes de fidélité et ses avantages.
L’an dernier, Booking m’a proposé le taxi gratuit entre l’aéroport de Vilnius et mon hôtel. En sortant du terminal et en voyant le chauffeur de taxi qui m’attendait avec une pancarte à mon nom, j’avoue que le sentiment d’être un client reconnu était agréable.
De même il y a quelques années, une serveuse à la boulangerie avait attiré mon attention par les efforts qu’elle mettait à connaître personnellement ses clients et à se souvenir de leurs choix. Ce sentiment d’être reconnu était très agréable. Je lui avais même proposé de travailler pour nous à l’époque où nous avions aussi une boutique. A contrario et dans la même boulangerie, les serveuses actuelles me demandent chaque semaine si je mets du sucre dans mon café. Cela donne vraiment l’impression d’être un anonyme qui vient pour la première fois.
En prêtant attention au client et en lui offrant un service personnalisé qui s’apparente à du premium et qui pourtant ne coûte pas forcément très cher, vous montrez que vous le reconnaissez comme important. Le client aura plus de mal à aller ailleurs au risque de se retrouver un client anonyme.
Attention au ridicule
Les consultants ont tellement répété aux grandes enseignes qu’il fallait être à l’écoute du client, que certaines appliquent ce principe bêtement.
Les logiciels sont programmés pour envoyer des questionnaires de satisfaction au bout d’un certain nombre d’achats.
Je bricole beaucoup et je suis donc un fidèle client de Leroy-Merlin. L’envoi d’un questionnaire de satisfaction après l’achat d’un sac de ciment ou d’une boite de vis est franchement ridicule. Mettre un peu d’intelligence dans le logiciel pour lui faire comprendre qu’un questionnaire de satisfaction n’a de sens que sur un produit complexe permettrait de moins agacer le client.
Toujours dans le domaine du bricolage, (mais ce n’est pas l’apanage de ce secteur), j’ai acheté sur une plateforme en ligne un tamiseur électrique.
Le lendemain de la livraison, je reçois un questionnaire me demandant de noter l’appareil. Il était toujours dans le carton et deux mois plus tard, je ne l’ai toujours pas essayé car j’attends les beaux jours. Là aussi, un peu plus de pertinence dans le timing de l’envoi du questionnaire permettrait de recueillir des avis plus pertinents et éviterait à l’entreprise de paraître à côté de la plaque.
Dans la rédaction même des questionnaires, il y aurait beaucoup à redire. On a souvent l’impression, que ceux-ci existent parce que c’est à la mode, mais pas vraiment pour prendre l’avis des clients avec un objectif d’améliorer le service ou le produit. Les questions sont souvent banales et ne permettent pas une réponse en texte libre qui autoriserait un avis original. Le client est alors enclin à abandonner ou à répondre un peu n’importe quoi, ce qui diminue la portée de l’enquête.
Prendre l’avis du client est utile, à condition d’être sincère sur la volonté d’être à l’écoute, d’être intelligent dans la façon de faire le questionnaire et d’être pertinent sur le timing et l’objet de celui-ci.
Ne pas privilégier les nouveaux clients
Les opérateurs télécoms se livrent une bataille acharnée pour conquérir de nouveaux clients. Ils dépensent des fortunes à ennuyer tout le monde avec leur appels au lieu de s’occuper de leurs clients historiques.
Pire même. Ils inventent des offres nouvelles pour prendre les clients à la concurrence et “oublient” de les proposer à leurs anciens clients. C’est pourquoi, on découvre régulièrement en repassant en boutique, qu’il existe des abonnements plus avantageux dont on aurait pu bénéficier plus tôt !
Mais pourquoi, ces nouveaux abonnements ne sont pas proposés automatiquement aux anciens clients pour les remercier de leur fidélité ? A l’inverse, on a plutôt l’impression que les anciens clients sont traits pour payer le coût d’acquisition des nouveaux.
J’ai aussi cette même expérience avec nombre de consultants. Au début de la relation, tout est toujours formidable. Le consultant est à l’écoute du client, répond aux demandes particulières et adapte ses outils à la situation. Après quelques contrats, lorsqu’il connaît bien le client, l’attention diminue, les outils se répètent et l’intensité de la relation baisse. On sent bien que pensant le client acquis, il préfère investir son énergie sur de nouveaux clients. Il sait aussi que changer représente un coût et un risque pour le client. Lorsque finalement, insatisfait d’avoir perdu l’attention du début, le client annonce la rupture, cela se finit parfois mal, car le consultant ne comprend pas là où il a fauté.
Fidéliser un client, c’est le considérer comme au premier jour, lui faire bénéficier des meilleurs plans et ne pas le reléguer derrière les nouveaux clients.
Attention aux tue-l’amour
Il est des comportements qui dès qu’on les croise agissent comme des tue-l’amour dans la relation avec le client.
Pour ma part, il en est un particulièrement répulsif. Les gens obsédés par l’argent, qui ne considèrent l’acte de vente que comme le moyen de récupérer de l’argent. Ils se remarquent à quelques indices bien distincts.
Ce sont les seuls qui insistent sur les conditions de paiement avant la signature, histoire de bien être sûr que le client a compris qu’il allait passer à la caisse.
Ce sont les seuls à envoyer leur RIB et une facture d’acompte le jour même de la signature du devis et à rappeler 3 jours après s’ils n’ont pas encore reçu leur paiement.
Ce sont les seuls qui envoient la facture finale avant le livrable.
Bref, vous avez compris. Ils ne font pas confiance au client et le soupçonnent avant même d’avoir commencé la relation d’être un mauvais payeur.
Chacun a sans doute ses irritants dans sa relation avec ses fournisseurs, en lien avec sa propre personnalité et sa propre histoire. Le commercial qui veut engager une relation de longue durée avec un client, veillera à comprendre à qui il a affaire et tâchera de s’adapter.
Avoir un produit incroyable
Bien sûr toutes les méthodes ci-dessus ne valent rien si vous ne vendez pas un bon produit.
La meilleure façon de fidéliser un client est de vendre des produits incroyables. Je n’ai jamais rencontré de clients ayant laissé tombé Apple suite à une déception.
Le produit incroyable en qualité, ergonomie et expérience client est juste irrésistible. Une fois que vous l’avez trouvé, pourquoi iriez-vous ailleurs ?
J’ai une grosse bibliothèque sur mesure à fabriquer. Après des heures de comparaison, entre une dizaine de sites proposant ce type de meubles, je décide de m’engager avec Tikimob. La diversité des finitions proposées, l’ergonomie du configurateur, et le rapport qualité-prix me semblent bons.
J’ai reçu récemment les 900 kg de meubles en kit ! J’ai passé mes deux derniers WE à commencer l’assemblage. La qualité est vraiment là, l’emballage est parfait, le système d’assemblage très facile, et le rendu est excellent. C’est sûr, s’il me faut un autre meuble, je n’irai pas chercher ailleurs.
Je joue à Sorare, le jeu de fantasy football de la licorne française éponyme. Le jeu est addictif et donc un excellent moyen de fidéliser le client. Cependant, comme toute startup qui cherche son modèle, Sorare fait sans cesse évoluer son gameplay. La dernière évolution est majeure et je me suis retrouvé dans l’impossibilité de jouer comme avant compte-tenu des nouvelles règles. Joueur fidèle, je suis me retrouvé exclu.
Avoir un produit incroyable est un game changer pour gagner la fidélité des clients. Il faut toutefois être très prudent avec les évolutions et bien mesurer les conséquences de celles-ci sur les clients au risque de tout perdre.
A quoi sert la fidélité ?
On l’a bien compris, la fidélité d’un client est du pain béni pour une entreprise.
Mais pourquoi la fidélité est aussi intéressante pour le client ?
La fidélité présente de nombreux avantages et constitue un confort appréciable.
La fidélité facilite les décisions, gagne du temps, limite les risques, simplifie la vie.
La fidélité implique la confiance, nourrit la relation et bâtit un écosystème partenarial.
La fidélité est une construction dans la durée, un investissement pour l’avenir et une assurance contre les aléas.
De même que le client choisit ses fournisseurs et leur donne sa fidélité en échange d’un service irréprochable et d’une relation de confiance, l’entreprise durable recherche des clients fidèles pour travailler dans la durée.
Le client volage est rarement intéressant. Il est principalement préoccupé par le prix, prêt à changer de fournisseur sous n’importe quel prétexte et généralement assez peu fiable. Il est souvent préférable de ne pas trop prendre de temps pour le conquérir, car la victoire est souvent éphémère.
Des deux côtés, la fidélité coûte, mais bien entretenue, elle rapporte gros !
La minute d’informations
Je me permets de partager ici des informations ou activités sans liens obligatoires avec le thème de l’article, mais dans lesquelles je suis impliqué.
Mardi 9 avril 2024, de 8h à 10h
à la Maison de la Technopole, Laval
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