Au sortir d’une semaine passée au salon Laval Virtual, j’ai publié un article sur Medium décryptant comment nous (Laval Mayenne Technopole) avions saisi cette opportunité offerte par les organisateurs du salon transposé cette année dans le monde virtuel. Au vu de l’intérêt qu’il a suscité et exceptionnellement, je me permets de le reposter ici (avec quelques modifications et ajouts) pour vous les abonnés qui ne l’avaient pas forcément vu, puisque vous n’êtes pas tous mes followers sur les réseaux sociaux. En effet, au delà du compte-rendu, il y a quelques réflexions plus générales pour mieux comprendre comment les outils que nous utilisons ne sont pas neutres et peuvent impacter la qualité de notre travail, et comment l’innovation peut s’immiscer par effraction dans notre vie.
Depuis le 16 mars, nous sommes confinés et le quotidien professionnel des télétravailleurs, dont vous êtes sans doute, est fait de successions de réunions sur Skype, Teams, GotoMeeting, et autres Zoom, entrecoupées de quelques coups de fils.
Nous sommes privés d’évènements, de networking et de rencontres imprévues.
Laval Virtual, le plus grand salon de la réalité virtuelle au monde, nous a offert une respiration d’un genre nouveau. La XXIIème édition a dû être annulée dans sa version physique, mais en un temps record les équipes de Laval Virtual ont proposé une version en ligne dans un monde virtuel.
S’éloignant des paysages de la Mayenne, le salon s’est transporté dans un monde virtuel au bord de mer ! Il s’est aussi nettement agrandi, puisque le virtuel a cet avantage que le terrain ne coûte rien. Des grands amphithéâtres pour les conférences, des espaces privatifs de réunion, des espaces conviviaux extérieurs et intérieurs, un terrain de football et une plage, autant de lieux différents à explorer. On peut même faire un tour en bateau.
Chacun crée son avatar, en choisissant ses vêtements et accessoires. Après quelques minutes pour se familiariser avec les commandes pour circuler et effectuer quelques mouvements comme applaudir, lever la main, s’asseoir, danser ou même faire un salto arrière, nous voilà fin prêt pour assister à des conférences, participer à des réunions, échanger au hasard des rencontres et se promener dans le monde virtuel.
Laval Mayenne Technopole qui a lancé le salon Laval Virtual en 1999, profite chaque année de celui-ci pour réunir ses partenaires, organiser des sous-évènements, promouvoir ses startups et faire du networking avec le désormais mythique dîner-croisière sur la Mayenne. Il a fallu rapidement repenser notre programme pour s’adapter à la situation.
Nous avons donc réservé une grande salle privative, que nous avons “décoré” à nos couleurs en communiquant sur les deux projets européens qui nous ont permis de financer cette opération.
Une semaine bien chargée
Dès lundi matin, nous avons organisé la réunion hebdomadaire de l’équipe de Laval Mayenne Technopole dans notre salle virtuelle. C’est là que nous avons découvert les avatars de nos collègues et appris à les reconnaître.
Leçon 1: malgré la liberté laissée par le système, chacun a choisi un avatar à son image et s’est habillé un peu comme dans la vraie vie. Cela participe beaucoup au sentiment de présence et à la convivialité. Il y a même un côté émouvant à voir ces petits avatars qui sont plus proches de Playmobil que de figurines photoréalistes.
Après quelques séances de préparation de nos réunions et de répétitions pour bien maîtriser la technique et affiner les visuels à présenter, nous voilà fin prêts pour la première réunion mercredi matin.
Dans le cadre de notre projet européen DEVISE, nous réunissons une petite dizaine de personnes pour préparer un plan d’action sur la digitalisation des entreprises. Celui qui parle est facilement identifié, par une petite bulle qui apparait au dessus de sa tête (voir photo). La spatialisation du son permet un rendu réaliste du positionnement des participants dans la salle.
Leçon 2: sur le plan technique, la plateforme utilisée (VirBELA) demande une installation locale d’une application assez lourde, ce qui prend un peu de temps. Il est donc indispensable d’avoir prévenu ses invités, afin qu’ils se préparent à l’avance. De plus, ils doivent avoir les droits d’installation sur leur machine et celles-ci doit être assez puissante, car en action le programme utilise plus d’un gigaoctet de mémoire vive. Il y a donc un risque de perdre quelqu’un. Moins de 10% de nos invités étaient dans ce cas.
Mercredi soir, c’est la traditionnelle soirée des Awards de Laval Virtual. Le grand amphi, le présentateur dynamique, le discours du Maire de Laval (il a même remercié Laval Mayenne Technopole !), la remise des prix, la montée sur scène, les discours de remerciements, les applaudissements, tout y est. Il y a plus de 200 personnes présentes et tout est assez fluide.
Avant le début de la cérémonie, j’expérimente les échanges informels avec un des startuppers que nous accompagnons. Voilà plus de 6 semaines que je n’avais plus échangé avec quelqu’un rencontré par hasard.
Leçon 3: les rencontres au hasard sont essentielles à la vie sociale, au sentiment de vivre avec ses moments inattendus. Les systèmes classiques de visioconférence ne permettent pas cela. L’immersion virtuelle le rend possible très facilement et c’est un vrai plus.
Jeudi matin, rebelote mais avec des entrepreneurs cette fois. Nous souhaitons recueillir leurs attentes sur les sujets des données et de l’intelligence artificielle. Les gens ne se connaissent pas tous, ne sont pas tous de l’univers tech, mais la réunion se déroule pourtant de façon fluide. Nous sommes assis autour d’une grande table, et il est simple de faire un tour de table (il y a une table et l’ordre est donc naturel). Nous projetons un power-point sur un grand écran et chacun peut choisir de le voir depuis la salle ou en mode plein écran sur son ordinateur. La réunion se déroule très bien, est très efficace et se termine à l’heure!
Leçon 4: les réunions dans le monde virtuel ressemblent à des vraies réunions car la configuration spatiale participe au sentiment d’être à égalité. Seul face à 15 vignettes vidéo dans Zoom, çà ressemble plus au mode professeur devant sa classe.
Je ne pourrai malheureusement assister aux quelques conférences que j’avais prévues jeudi après-midi, ayant à tourner une vidéo pour lancer notre programme de formation en ligne pour les entrepreneurs. Je les suivrai en replay sur la chaine youtube de Laval Virtual, car elles ont été filmées. Elles étaient aussi “lifestreamées”.
Vendredi matin, nous avons organisé notre Wake-up de l’incubateur. Tous les mois, nous réunissons la trentaine d’entrepreneurs de l’incubateur pour un petit-déjeuner de networking.
La salle est ouverte dès 8h45 et chacun arrive au fur et à mesure. Chaque participant est accueilli par un membre de l’équipe LMT, puis les discussions s’engagent. Je remarque que les collègues que j’avais vus la veille ont pour certain (certaines surtout en fait) changé de vêtements, ce qui participe au côté vivant de la plateforme. Nous avons enlevé la table (en 1 clic bien sûr) et chacun peut donc circuler pour se rapprocher de celui à qui il veut parler. Dans ce mode, l’administrateur peut choisir de limiter la portée de la voix à l’environnement proche de celui qui parle, ce qui permet d’avoir plusieurs conversations simultanées.
Au bout d’une demie-heure, nous lançons une activité: un jeu en équipe qui oppose les entrepreneurs aux salariés de LMT. Chacun est invité à rejoindre un côté ou l’autre de la salle. Les questions sont affichées sur l’écran, la concertation s’engage au sein du groupe jusqu’à ce que la réponse émerge. L’animatrice attribue les points, les applaudissements fusent.
Leçon 5: un évènement de networking totalement impossible sur ZOOM ou Skype est ici très naturel et très plaisant.
Ensuite détour sur Gotomeeting pour une réunion à 19 sur un autre projet européen. Celle-ci étant importante et comme nous n’avions jamais expérimenté la plateforme virtuelle avant cette semaine, nous avions joué la sécurité, mais après coup je le regrette. Revenir à Gotomeeting après Virbela, c’est comme regarder aujourd’hui la TV des années 80.
Heureusement, en fin de matinée nous revenons dans le monde virtuel, pour une nouvelle expérience dans le cadre du projet européen 4HCREAT. Nous avons proposé à Artify, une startup de notre incubateur d’organiser une de ses séances ArtiHours qu’elle propose en présentiel, en visioconférence, et donc pour la première fois dans le monde virtuel. Il s’agit d’une expérience interactive de médiation culturelle autour d’un tableau d’un peintre célèbre. Aujourd’hui, il s’agit de la Nature morte à la guitare de Juan Gris. Simon Cau, cofondateur d’Artify anime la séance de main de maître. Il permet à chacun des 20 participants de se présenter, puis de participer en prenant la parole oralement ou via le tchat. Son style très chaleureux, très inclusif passe très bien, et son aisance dans le maniement de son avatar le rend vivant. Voir un extrait dans cette vidéo tournée par un participant.
La séance avançant, Simon projette d’autres œuvres sur des tableaux qui descendent comme des écrans déroulants, sur d’autres murs de la salle. Muni de son pointeur laser, il montre des détails. Comme dans une visite guidée d’exposition, les participants se déplacent d’un tableau à l’autre. On s’y croirait. C’est totalement bluffant. J’avais déjà vécu une séance avec Google Hangout, rien à voir.
Leçon 6: le monde virtuel permet des animations dynamiques absolument impossibles avec les outils de visioconf classiques et la qualité expérientielle de ces animations est assez proche du réel.
Le festival RectoVRso organisé par Laval Virtual a aussi été transposé dans le monde virtuel. Voir la visite vidéo de cette exposition artistique.
Après un détour dans le monde réel pour faire les courses de la semaine, me voilà de retour pour assister à la grande conférence terminale organisée par le département de la Mayenne avec Gilles Babinet, Michel Lévy-Provencal, Nicolas Dufourcq via une vidéo pré-enregistrée et deux extraordinaires entrepreneurs de la French Fab, Damien Marc de JPB System et Bruno Bouygues de Gys. Plus de 200 personnes sont présentes, l’amphi est plein, les intervenants au top et les applaudissements nourris.
C’est déjà la fin et il est temps de se retrouver sur la plage pour le feu d’artifice. Un nouveau moment de networking incroyable. En déambulant, j’entendais des discussions entres des américains qui venaient de se rencontrer et qui parlaient de leurs travaux respectifs (et oui, chez eux, c’est le matin, et la journée de travail bat son plein), des discussions en espagnol, et des discussions entre des parents qui racontaient leur vie de confinés. Quant à moi, un bel échange avec ma voisine d’en face (dans le monde réel), qui est aussi une entrepreneure issue de notre incubateur. Je rencontre aussi l’ancien directeur de Laval Virtual avec qui j’évoque nos discussions d’il y a 15 ans, quand, au moment de la bulle Second Life, nous parlions déjà d’un Laval Virtual virtuel. Enfin deux brefs échanges avec mon prédécesseur à la direction de la technopole, celui qui a été la cheville ouvrière de la naissance de Laval Virtual, et avec Simon Richir, le directeur scientifique de Laval Virtual.
Leçon 7: il est vraiment possible de networker, de rencontrer des gens et d’échanger avec de vieilles connaissances, en se baladant dans le monde virtuel! Et tout cela, avec un réel plaisir !
Et puis vint le feu d’artifice ! Une bien belle semaine.
Merci à Laval Virtual et à Laurent Chrétien son directeur, de nous avoir permis de vivre cette expérience. Merci aux équipes de Laval Mayenne Technopole qui se sont emparé de cette opportunité pour organiser rapidement un programme riche. Merci à tous ceux qui ont participé aux évènements que nous avons organisé.
Avant cela, je dois avouer que j’étais sceptique sur l’apport réel d’avatars par rapport à la simple visioconférence. J’avais tort. Le sentiment de présence, les émotions, l’ergonomie, la concentration et l’efficacité sont nettement augmentés.
Que tirer de cette expérience pour l’avenir ?
Nous sommes passés du jour au lendemain au télétravail total, sans avoir pu se préparer et réfléchir aux outils utilisés et à leur conséquence sur notre façon de travailler et sur notre efficacité. Au fur et à mesure, nous commençons à déceler tout ce que cela implique. Il est certain qu’il y a là, matière à de belles thèses sur la sociologie du travail !
Nous avons saisi l’opportunité qui nous a été offerte par Laval Virtual de tester un nouvel outil. Au départ, nous n’avions pas d’objectifs précis, si ce n’est montrer notre soutien à notre partenaire historique, et il faut bien l’avouer tester cet outil ludique. Comme souvent, nous avons dans le peu de temps imparti, joué le jeu à fond.
Au vu de l’expérience, ces efforts ont payé, et il y aura certainement des retombées durables, et je l’imagine, car j’ai déjà quelques idées à ce sujet, des services nouveaux et innovants naîtront dans l’avenir. Il en sera assurément de même pour Laval Virtual et pour d’autres acteurs ayant vécu cette expérience.
J’en tire une leçon plus générale.
Leçon 8: l’innovation ne résulte pas toujours d’une démarche calculée. Les opportunités, si elles sont saisies sans trop réfléchir, peuvent révéler des innovations, et permettre de comprendre ce qu’il faut faire. L’essai pragmatique, l’expérimentation, l’observation des usages sont souvent de bien meilleures façons d’innover que les études et conceptualisations théoriques.
Lorsque nous avons décidé de faire “un pas dans l’inconnu” du monde virtuel, nous n’imaginions pas ce que nous allions vivre. Nous n’avons pas été déçus !
Dans le monde incertain dans lequel nous entrons, je vous invite aussi à saisir demain les opportunités qui vous seront proposées ! Vous en tirerez des innovations que vous n’aviez pas imaginées !
Pour aller plus loin
Virtual Worlds and Conference organization: une comparaison des plateformes virtuelles pour ceux qui voudraient se lancer.
La minute d’informations
Je me permets de partager ici des informations ou activités sans liens obligatoires avec le thème de l’article, mais dans lesquelles je suis impliqué.
Webinaire: Et s’il vous fallait tout réapprendre de vos client.e.s ?
Mercredi 29 avril de 11h à 12h
Confinement oblige, nous nous retrouvons toutes et tous à devoir rester à la maison, à limiter nos déplacements, à adapter nos modes de vie et façons de travailler, … cela vaut pour vous, vos proches, votre entreprise et ses partenaires, vos client·e·s …
Et si c’était justement le bon moment pour vous et votre entreprise de préparer l’après ?
Pour collecter de l’information dès aujourd’hui sur votre clientèle (si pour cela il vous faut sortir de chez vous, commencer à les planifier #stayathome) ?
Et surtout pour identifier et anticiper les potentielles évolutions des attentes et motivations/habitudes d'achat de vos client·e·s post-crise sanitaire ?
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