“J’ai eu une idée géniale, je vais créer ma boîte”. “Je voudrais entreprendre, mais je n’ai pas d’idée”. “J’ai peur de me faire voler mon idée”.
Quel est le lien entre idée et entrepreneuriat? Une idée est-elle nécessaire pour entreprendre ? Une idée conduit-elle à entreprendre? Une idée suffit-elle pour entreprendre? L’envie d’entreprendre précède souvent l’idée de business à développer. Mais, il est aussi des cas de figures où l’idée donne envie de se lancer, alors que ce n’était pas envisagé auparavant.
Je reçois très souvent des personnes qui viennent d’avoir une idée et qui veulent se lancer pour la développer sous forme d’un business. La plupart du temps, ils sont fiers de leur idée, ils ont peur de se faire voler cette idée et pensent qu’ils sont les premiers à l’avoir eue.
Je vais essayer de clarifier les relations entre idée et entrepreneuriat, et de donner quelques ingrédients pour transformer son idée en entreprise.
L’idée ne vaut rien, seule l’action compte.
En soi, une idée ne vaut rien. Avec un peu d’entrainement, il est aisé de produire une grande quantité d’idées. Les idées ne sont pas des denrées rares, et selon le vieil adage, elles ne peuvent donc être chères. Personne n’est jamais devenu riche avec une idée.
Dans les années 1990, j’ai observé que suivant les jours, lorsque mon réveil sonnait, j’étais plus ou moins en forme. Après avoir lu quelques articles expliquant le cycle du sommeil, j’ai compris qu’un réveil qui nous réveillerait, non à une heure précise, mais à la fin du dernier cycle précédant l’heure impérative de lever, permettrait d’être toujours en forme. J’ai cherché s’il existait un tel réveil intelligent et je n’ai pas trouvé. J’ai continué à penser à ce projet en me disant que ce serait une super innovation. Je réfléchissais souvent aux technologies qui seraient nécessaires pour le développer et j’avais conclu que ce serait faisable.
En 2011, soit plus de 15 ans après mon idée, est apparu le UP de Jawbone, le premier bracelet connecté doté d’un réveil calé sur le cycle du sommeil. Depuis, de nombreux produits existent comme ceux de Dreem, Whitings ou Iwaku.
J’avais eu l’idée 15 ans avant sa sortie. J’avais les compétences nécessaires pour le développer. L’idée ne m’a pas rendu riche. Seule l’action compte.
L’idée n’est pas unique, il faut aller vite
Lorsqu’une idée survient, il est normal de penser que nous sommes les premiers à l’avoir. Le premier réflexe doit être de vérifier si c’est le cas. Aujourd’hui avec internet, c’est très facile. Dans la plupart des cas et en quelques minutes, il est facile de trouver. Je me souviens d’un entrepreneur qui avait eu une idée en lien avec un problème détecté dans son travail et s’était inscrit à un de nos programmes. A la deuxième séance, nous avons découvert que le produit, exactement comme il l’imaginait, existait. Il a aussitôt stoppé son projet. Il aurait bien fait de vérifier avant de s’inscrire.
Cependant, si l’idée est innovante, il s’avère souvent que la recherche sur internet ne donne rien. L’entrepreneur croit alors aisément qu’il est le seul à avoir cette idée.
Lors de chaque démarrage de programmes d’accompagnement avec des nouveaux entrepreneurs, je prend quelques minutes pour expliquer qu’au même moment, ailleurs dans le monde, quelqu’un ou plusieurs personnes sont en train de développer la même idée. Malgré l’incrédulité des entrepreneurs, cette prophétie s’est toujours réalisée.
En 2016, les fondateurs d’Artify suivaient un de nos programmes. Le deuxième mois, nous étions à Londres pour une session de travail de recherche documentaire à la British Library. Nous avons alors découvert une startup californienne qui s’était lancé quelques semaines avant avec la même idée, exprimée au mot près de la même façon. Ce fut un choc.
Pourquoi, est-il impossible d’être le seul à avoir une idée? Une idée n’est que le fruit d’une connexion neuronale entre différentes informations. Nous sommes des milliards d’êtres humains à recevoir tous les jours des informations identiques. Suivant la complexité du problème, et le nombre d’informations à connecter, le nombre d’individus étant en position d’avoir cette idée diminue, mais il reste toujours très significatif. Même dans les sujets de recherches très pointus, il y a dans le monde quelques centaines de chercheurs ayant les mêmes informations. Il est donc statistiquement quasiment impossible d’être le seul à avoir une idée.
Au final, et même si cela peut faire mal à l’égo, il est peu important que d’autres aient la même idée, puisque celle-ci ne vaut rien. Par contre, lorsque l’idée s’est traduite en action et que plusieurs personnes essayent de la mettre en œuvre, il faut aller vite.
En 2011, nous accompagnions un entrepreneur qui avait développé une interface graphique conviviale à base d’icônes pour les tablettes tactiles. Alors qu’il s’apprêtait à se lancer, Apple sortait l’Ipad. Son projet a dû pivoter du jour au lendemain.
L’idée doit s’enrichir, il faut en parler
L’erreur la plus répandue des entrepreneurs qui viennent d’avoir une idée et imaginent se lancer, est d’être tétanisés à l’idée de parler de leur idée et de se la faire voler. En effet, une idée est au départ très fugace et doit vite être renforcée pour s’ancrer durablement dans le cerveau. En parler, permet de formaliser son idée et lui donne une existence propre. En parler plusieurs fois permet de renforcer les connexions neuronales autour de cette idée, et de l’enrichir en réfutant ou intégrant les objections des interlocuteurs. Arrivé à un certain point de clarté, il faut l’écrire pour la rendre transférable. C’est à partir de ce moment là que l’idée passe au stade de concept.
Un entrepreneur que je rencontrai récemment et qui avait travaillé quelques temps sur une idée, en en ayant beaucoup parlé, était dépité de voir que quelqu’un d’autre avait développé l’idée et lancé une boite. Il se demandait s’il n’avait pas fait une erreur d’en parler et si ce n’était pas lui qui avait donné l’idée à l’autre. Je l’ai rassuré en lui expliquant, ce que j’ai dit plus haut, qu’une idée n’est pas unique. Il ne devait pas culpabiliser, car il n’était pour rien dans le fait que quelqu’un d’autre avait eu la même idée.
Peu d’idées tiennent après en avoir parlé à de nombreuses personnes. Dès sa conception, l’idée semble extraordinaire. Au fur et à mesure des partages successifs, soit elle s’enrichit et confirme son potentiel, soit elle perd très vite de sa force et peut rapidement être abandonnée.
Parler de son idée est un excellent moyen de filtrer les bonnes des mauvaises idées et de les enrichir.
L’idée est nécessaire car l’opportunité n’est pas suffisante
Même si l’idée ne vaut rien et qu’elle n’est pas unique, cela ne signifie pas qu’elle n’est pas nécessaire. Le fait d’être confronté à une situation, d’avoir des informations avant les autres ne suffit pas à donner un avantage concurrentiel.
En 1989, Tim Berners-Lee invente au CERN le World Wide Web. A cette époque, je travaillais dans un laboratoire de recherche en lien étroit avec le CERN, avec qui je collaborais régulièrement. Très tôt, dès 1991, j’ai eu l’occasion de naviguer sur le premier site web info.cern.ch, avant même qu’il existe un navigateur graphique. Un peu plus tard, j’utilisais quotidiennement internet alors qu’il n’existait que quelques centaines de sites dans le monde, et je me souviens bien du confort qu’a procuré le navigateur Mosaic (ancêtre de Nestcape et de Firefox) dès sa sortie en 1993. J’ai donc connu, utilisé largement et bénéficié des avantages du web avant Jeff Bezos. Comment se fait-il que je n’ai pas profité de cet avantage, que je n’ai pas eu l’idée de vendre des livres sur internet?
Il ne suffit pas d’avoir une information avant les autres, d’être dans une situation favorable, de bénéficier d’une opportunité, pour savoir ce qu’il faut faire. Il faut avoir l’idée qui tire avantage des situations particulières que nous pouvons vivre. L’idée est nécessaire à l’entame de la démarche entrepreneuriale.
Le problème ne suffit pas, il faut l’idée.
Il est maintenant bien admis et bien compris, que pour réussir, une entreprise doit répondre à un vrai besoin.
Tous les hivers, lorsque le thermomètre descend près de zéro, et que je gratte le parebrise avant de démarrer ma voiture, je rêve d’une solution de dégivrage quasi instantanée, simple et peu onéreuse. L’acte de dégivrage manuel étant tellement désagréable, je suis convaincu que celui qui trouvera une solution aura un marché. Chaque année, je cherche donc une idée.
Cet exemple illustre le fait que le problème ayant beau être clair, la solution peut être tout sauf évidente. Trouver une idée de solution peut prendre beaucoup de temps. Il existe fort heureusement des outils et méthodes pour rechercher une idée, solution d’un problème donné. Même avec ces outils, il peut s’avérer difficile de trouver une idée. L’idée reste la première étape de la solution d’un problème.
Tout remettre dans l’ordre
Le lien entre entrepreneuriat et idée est réel et fort. Pour éviter de s’illusionner, il suffit juste de remettre les étapes dans le bon ordre:
s’exposer à l’environnement et aux informations relatives au domaine dans lequel on veut entreprendre.
identifier un problème important non encore résolu de façon satisfaisante
trouver une idée de solution, et vérifier que cette idée n’est pas déjà largement utilisée
partager son idée pour la valider et l’enrichir
passer de la réflexion à l’action
aller vite
Prises dans le bon ordre, ces 6 étapes constituent la bonne façon de se lancer dans une démarche entrepreneuriale et de faire “un pas dans l’inconnu” ayant une chance d’aboutir.
Je vous souhaite beaucoup de plaisir dans la concrétisation de vos idées entrepreneuriales!
Pour aller plus loin
La naissance des idées, TEDx de Cédric Villani et la version longue ici
On a créativé pendant 2 jours, on a survécu, Charlotte Duval
La minute d’informations
Je me permets de partager ici des informations ou activités sans liens avec le thème de l’article, mais dans lesquelles je suis impliqué.
Conférence de Gilles Babinet sur la TRANSFORMATION DIGITALE
le 6 février, à l’occasion du West Data Festival
Entrepreneur, Vice-président du Conseil National du Numérique et Digital Champion pour la France à la Commission Européenne.
La révolution digitale s'accélère plus vite aujourd'hui qu'au siècle passé. Ce qui n'est pas sans conséquences sur les processus organisationnels et technologiques des entreprises.
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