Enfant, je détestais l’exercice de la rédaction. A chaque fois que l’institutrice nous donnait un sujet, je suais à grosses gouttes. Je me souviens d’une rédaction de rentrée scolaire où il fallait raconter la cueillette des champignons. N’ayant pas encore eu cette expérience bien qu’habitant à la campagne, je ne savais pas quoi dire.
Comment raconter quelque chose que je n’avais pas vécu? Etait-ce mentir? Quand ma mère m’a dit que je devais utiliser mon imagination et inventer l’histoire, j’étais au fond du trou. J’avais hâte de passer à l’exercice de mathématiques.
Être créatif! Est-ce une capacité innée ou cela peut-il s’apprendre? Est-ce donné à tout le monde? On entend régulièrement des personnes se désoler de ne pas être créatives, de ne pas avoir d’idées. Cela pourrait donc nous faire penser que la créativité est un talent réservé à certains? Qu’en est-il vraiment? La créativité peut-elle se développer?
Avant de commencer
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Nous naissons tous créatifs
Répondons d’emblée à la question! Nous sommes tous potentiellement créatifs, car nous naissons avec cette capacité. Vous en doutez? Connaissez-vous un jeune enfant normal qui sèche devant une feuille blanche?
Cette créativité brute, spontanée, est certes un peu débridée et tous azimuts. Elle ne s’inscrit pas forcément dans une recherche de l’esthétique ou de l’efficacité, mais participe à un processus d’apprentissage cognitif.
Avec nos parents d’abord, puis à l’école ensuite, nous apprenons petit à petit les codes, les usages, les normes, les vérités, les conventions, les règles, les lois qui sont autant de de limites et d’orientations données à notre créativité. (Voir la fameuse conférence TED de Ken Robinson sur ce sujet).
Suivant la rigueur de nos éducateurs, suivant notre propre force de caractère pour résister au cadre, notre créativité débridée est plus ou moins mise sous cloche.
Pour peu que des expériences sociales désagréables comme la moquerie, voire plus graves comme le harcèlement viennent casser l’expression de nos différences créatives, et nous voilà arrivés à l’age adulte avec une créativité bien timide.
A l’école primaire, ma créativité enfantine avait déjà été bien entamée. Adolescent, je voulais pourtant être architecte, métier hautement créatif, signe que j’aspirais à autre chose que de rentrer dans le rang de la norme. Au lycée, les professeurs et mon entourage m’ont découragé de poursuivre mon rêve, car j’étais bien moins bon en dessin qu’en mathématiques.
Aujourd’hui, j’ai la réputation d’être plutôt créatif. Comment en suis-je arrivé là? En essayant d’analyser cette situation et d’en comprendre les raisons, j’ai identifié quelques façons de développer sa créativité, qui je l’espère pourront vous aider aussi.
Mais au fait c’est quoi la créativité?
La créativité, c’est la capacité à “faire pousser” (c’est le sens étymologique) des idées nouvelles face à une situation donnée.
L’acte créatif consiste à connecter des idées, des images, des sons, des odeurs à d’autres apparemment sans lien. De ce rapprochement mental, émerge une nouvelle idée, une nouvelle image, un nouveau son.
En pratiquant cet acte créatif de façon répétée, sur des sujets variés, une personne fait de sa créativité, une caractéristique de sa personnalité.
Cette créativité peut ensuite être matérialisée en une œuvre par le truchement d’une technique apprise et maintes fois répétée. Les artistes, les chercheurs, les graphistes, les architectes et bien d’autres professionnels des métiers créatifs sont des personnes qui maîtrisent une technique pour exprimer leurs idées créatives.
La technique s’apprend dans les écoles spécialisées ou sur Youtube en mode autodidacte, mais quid de la créativité intrinsèque?
Les techniques et méthodes de créativité sont très nombreuses et peuvent donc être apprises. Mais ce n’est pas cet apprentissage-là que je veux aborder ici. Je veux partager avec vous quelques conditions favorables au développement de la créativité spontanée, disponible à chaque instant et sans techniques particulières.
La créativité est une réponse à un problème ou une question
La créativité ne s’exprime pas ex-nihilo (en tous cas, pas chez moi), alors que le cerveau ne pense à rien. L’image de l’ampoule qui s’allume, illustrant l’apparition soudaine d’une idée, véhicule cette hypothèse erronée que les idées tombent du ciel.
La créativité est avant tout la réponse à une interrogation, la résolution d’un problème qu’on se pose, ou la concrétisation d’une émotion ressentie.
Devenir créatif demande donc de savoir poser des questions et se laisser interpeller émotionnellement par le monde qui nous entoure.
Pour ma part, c’est lors de mes 15 années de recherche que j’ai commencé à développer cette capacité à poser des questions. Face à un inconnu non documenté, le seul outil de l’esprit est le pourquoi. Mais la formulation du pourquoi n’est pas si évidente. A force d’entrainement et de répétition, on comprend que bien formuler le pourquoi, c’est déjà avoir une grande partie de la réponse.
La méthode des 5 pourquoi illustre bien le fait qu’un simple pourquoi est insuffisant pour comprendre un problème et donc trouver une solution. Face à une situation donnée, savoir poser plusieurs pourquoi revient à regarder le problème de plusieurs angles différents. Cette capacité petit à petit développée de voir la situation sous plusieurs angles de vue et donc en relief, est d’un grand support dans l’émergence créative de solutions.
Lorsque j’ai changé de carrière pour basculer dans le conseil aux entrepreneurs, j’ai continué de poser des questions. Au lieu de questionner un problème comme dans la recherche, il s’agit là de questionner une personne pour comprendre sa situation.
La question s’enrichit de l’écoute émotionnelle. En plus d’essayer de comprendre rationnellement la situation, nos émotions tentent de capter ce que disent les émotions de l’interlocuteur. Ce sont ces questions enrichies d’émotions qui permettront de trouver une réponse créative.
Apprendre à poser les questions et interroger les émotions, sont deux préalables indispensables à l’exercice fécond de la créativité.
La créativité nécessite de la ténacité et un peu d’égo
J’ai quelques souvenirs douloureux de moments dans mon passé de chercheur, où j’étais bloqué dans un problème dont je ne trouvais pas la solution. Le matin, j’arrivai au travail, avec l’espoir régénéré par une bonne nuit, que j’allais résoudre le problème.
Une fois assis au bureau, tel un alpiniste qui s’attaque à un sommet inconnu, je cherchais une voie d’accès. Au bout de plusieurs jours, puis de plusieurs semaines, il fallait encore trouver de nouvelles voies car toutes les précédentes s’étaient avérées sans issues. Parfois cette répétition pouvait durer plusieurs mois! Je peux vous garantir que ça fait beaucoup de pistes à imaginer!
Après plusieurs jours infructueux, il est très tentant d’abandonner. C’est seulement la ténacité, l’envie de réussir et il faut bien l’avouer un certain égo, qui permettent de continuer à remettre le tapis à l’ouvrage.
La fameuse pomme de Newton qui lui permis de comprendre la gravité, est tout sauf une fulgurance. Elle est seulement la matérialisation de l’instant où après une intense réflexion sur un problème, pris sous tous les angles, apparait enfin la porte de la solution. Comme dans un immense labyrinthe, après avoir essayé de nombreuses combinaisons, on trouve enfin la sortie.
Ce moment se produit souvent à l’occasion d’un changement d’activité qui réoxygène l’esprit. C’est d’ailleurs ce qu’explique en détail Tim Harford dans sa conférence TED. En décortiquant les exemples d’Einstein ou de Darwin, il montre comment ces grands scientifiques pratiquaient ce qu’il appelle le “multitâche au ralenti”, source de leur créativité.
Il sera difficile d’être créatif si face à la moindre question, au moindre problème, l’absence de solutions évidentes nous fait conclure à l’impossibilité. Au contraire, en pensant et repensant au problème, en le regardant sous un œil nouveau, un jour l’idée créative apparaîtra parfois même comme une évidence.
La créativité demande de remettre en cause l’ordre établi
Les artistes sont souvent des rebelles. Ils enfreignent les règles de leur art, ou même parfois les lois pour explorer de nouveaux champs d’expression.
Celui ou celle qui accepte sans rechigner les règles qu’on lui donne, la situation telle qu’elle lui ai présentée, les faits tels qu’ils sont rapportés, a peu de chance d’exercer sa créativité. En effet, le postulat que les choses sont comme cela et ne peuvent être autrement, débranche instantanément le processus créatif.
C’est comme si sur la route nationale, toutes les routes secondaires la croisant étaient fermées. Un seul chemin est possible. Impossible d’explorer un chemin de traverse et de se laisser surprendre par une découverte inattendue.
Pour ma part, je n’admet presque rien comme étant un fait acquis. En toute situation, je questionne le pourquoi de cet état de fait. Rien ne m’énerve plus que lorsqu’on me rétorque “de toutes façons, c’est comme çà, on ne peut rien faire”. Je cherche toujours à comprendre le pourquoi, et lorsqu’il n’y a pas d’explications rationnelles convaincantes, je cherche comment contourner la situation. Même si je ne réussis pas souvent, je continue d’entrainer ma créativité à imaginer d’autres chemins.
Pour l’esprit créatif, il n’y a pas de choses impossibles ou imposées. Toute situation est un champ des possibles à écrire, même celles qui sont déjà balisées par des règles bien visibles.
Il n’y a pas de créativité sans curiosité
La curiosité est la qualité (oui, oui!) de s’intéresser à tout. Nous sommes tous naturellement attirés par des sujets qui nous intéressent plus que d’autres.
Personnellement, je n’ai jamais été intéressé par les voitures. Je dois même dire que je ne comprenais pas les passionnés de la chose automobile. Un jour, j’ai regardé “Vintage Mecanic” sur RMC Découverte, et j’ai trouvé cela intéressant. Voir des passionnés exercer avec autant de savoir-faire, réaliser des prouesses techniques, maîtriser chaque détail, m’a rendu ce sujet attractif.
En fait, tous les sujets sont intéressants. Notre désintérêt pour quelque chose vient souvent de notre méconnaissance, de notre incompréhension, ou d’une vision erronée que nous en avons. La curiosité sert à vaincre ses réticences, en creusant un sujet que nous méconnaissons, en posant des questions, en interrogeant des experts.
J’ai la chance en accompagnant des entrepreneurs de tous secteurs de devoir m’intéresser à énormément de domaines différents, que pour la plupart je ne connais pas. Je déteste les chats, c’est physique et lié à une très mauvaise expérience chez mes parents avec un chat épileptique. Quand nous avons accompagné Mathilde Blanche, lorsqu’elle a créé Homycat, je me suis même intéressé à l’univers des amateurs et passionnés de chats!!
La créativité est le processus de connexion neuronale entre deux éléments sans rapport évident, venant parfois de 2 univers différents. Connaître beaucoup de secteurs différents, être éclectique dans ses centres d’intérêts, être curieux pour s’intéresser à ce que l’on ne connaît pas, est un terreau fertile pour développer sa créativité.
Être créatif, c’est ne pas avoir peur des moqueries
Les bonnes idées sont rares. Il ne faut donc pas s’attendre à n’avoir que des bonnes idées, ou attendre d‘avoir une bonne idée pour la partager.
Le processus créatif s’auto-entretient. Plus vous générez d’idées, plus c’est facile. Plus vous entrainez votre cerveau à prendre les chemins de traverse, plus ceux-ci deviennent des routes départementales, puis des routes nationales.
En générant plus d’idées, vous augmentez statistiquement vos chances d’obtenir quelques fois des bonnes idées et de temps en temps, des idées exceptionnelles. Cependant, cela signifie aussi que vous produisez beaucoup d’idées farfelues, stupides ou impraticables, c’est le prix à payer. Vos collègues ou vos employés vont surement sauter sur ces mauvaises idées, pour se moquer de vous, vous ridiculiser ou aller plus loin s’ils sont méchants.
Si vous prenez ces moqueries mêmes gentilles, comme des offenses, elles vont brider votre créativité. Pour devenir créatif, vous devez passer outre les remarques désobligeantes et garder votre confiance.
Alors, vous voulez devenir créatifs?
Vous en avez marre de souvent vous trouver à cours d’idées devant un problème, d’avoir l’impression en réunion avec vos collègues d’être celui ou celle qui a toujours l’idée la plus banale, vous voudriez être plus spontané dans la recherche de solutions, vous souhaiteriez évoluer vers un métier créatif, c’est possible.
Voici quelques pistes concrètes pour réussir en quelques années cette évolution.
appliquez systématiquement la méthode 5 pourquoi, dès que vous ne comprenez pas quelque chose.
lorsque vous êtes face à un problème dont vous n’avez pas la solution, reprenez-le au moins 3 fois, au lieu d’abandonner dès le premier échec.
refusez d’accepter une situation contraignante, sans poser au moins une question, et sans proposer au moins un contournement.
lisez chaque jour au moins un article de fond sur un sujet qui vous est étranger et pour lequel vous n’avez pas une appétence particulière, et notez sur un carnet au moins un étonnement que cela a suscité en vous. Une bonne façon de faire cela est de suivre sur Twitter quelques comptes de référence dans des domaines que vous ne connaissez pas. Apparaitront alors dans votre timeline de bons articles sur ces sujets.
inscrivez-vous à une activité créative artistique de votre choix
osez proposer des idées dans votre environnement professionnel et ne craigniez pas les remarques négatives.
Devenir créatif, c’est s’ouvrir la possibilité d’une idée qui change la vie, d’une idée qui demande de faire “Un pas dans l’inconnu”.
Bienvenue dans le monde merveilleux de la créativité prolixe!
Pour aller plus loin
une excellente video de Karim Duval, qui explique de façon humoristique l’importance de la diversité des profils dans l’entreprise
conférence TED de Tim Harford: Une méthode infaillible pour libérer sa créativité naturelle
conférence TED de Ken Robinson: l’école tue la créativité (plus de 67 millions de vues)