#36 Payez-vous la statue de la Liberté
Attention, c'est seulement possible si vous respectez quelques principes!
Un million de dollars en 30 minutes, deux millions en moins d’une heure, et finalement plus de 20 millions collectés sur Kickstarter par la montre connectée Pebble. Le crowdfunding fait rêver tous les créateurs d’entreprises qui pensent trouver là un moyen miraculeux de financer leur projet.
La réalité est beaucoup moins glamour! Réussir une campagne de financement participatif est un vrai travail et demande un savoir-faire important.
Est-ce le bon choix pour financer mon projet? Pourquoi le crowdfunding sera plus difficile que j’imagine? Comment réussir ma campagne de financement? Voilà quelques questions auxquelles je vais répondre pour tenter de lever les mystères qui plannent sur ce sujet.
Avant de commencer: Merci de répondre au questionnaire
Merci à tous ceux qui ont déjà répondu au questionnaire lancé il y a deux semaines. Je le laisse encore ouvert cette semaine, et cela m’aiderait beaucoup que vous preniez une minute pour y répondre.
D’avance “Un grand merci”. C’est ici.
De quoi s’agit-il? Pour Noël, j’envisage de sortir un livre en reprenant une bonne partie des articles publiés au cours de l’année. Que pensez-vous d’une telle initiative? Seriez-vous intéressé.e? Pour vous? Pour offrir?
Afin de m’aider dans ce projet, je suis très friand de vos avis. Merci de prendre 30 secondes pour répondre à ce questionnaire. Si le livre sort, un code promo sera donné à ceux qui le complètent.
Mais c’est quoi exactement le crowdfunding?
Faire appel à son entourage pour financer un projet est une pratique très ancienne, à l’exemple des tontines chinoises qui remontent au 2ème siècle.
Faire appel à la foule pour financer un projet est aussi une pratique ancienne. La statue de la Liberté a été financée par les français et son socle par les américains, sous forme de contributions volontaires faisant l’objet de nombreuses contreparties: photos, reproductions, repas, spectacles, …
Le crowdfunding ou financement participatif moderne a pris son essort grâce à internet. En rendant accessible à tout un chacun la possibilité de découvrir les projets à financer, les plateformes ont fait du crowdfunding une alternative à d’autres formes de financement plus classiques. Au départ réservé à des projets musicaux ou cinématographiques, le crowdfunding s’est rapidement ouvert à tous types de projets.
On distingue 4 grands types de financement participatif:
le don, pour soutenir des projets associatifs, des causes, ou tout simplement faire des cadeaux. Les principales plateformes pour ce type de projets sont Helloasso, qui a démarré dans notre incubateur, spécialisée dans le financement des associations, Leetchi dédiée aux cagnottes et Tipeee pour les pourboires. Le donateur peut parfois être remercié au travers d’une contre-don symbolique.
le don avec contrepartie, pour soutenir des projets créatifs ou innovants, artistiques ou entreprenariaux. Le don s’assimile alors à une avance faite à l’auteur du projet, pour lui permettre de mener à bien sa réalisation. Une fois le projet terminé, les donateurs reçoivent leur contrepartie correspondant au montant de leur don. Les premiers niveaux de dons, sont parfois du type “don simple” pour soutenir le projet, car la contrepartie est symbolique. Le leader mondial des plateformes de ce type est Kickstarter, les deux principales plateformes françaises sont Ulule et Kisskissbankbank. Indiegogo est une autre plateforme internationale utilisée par les créateurs français.
le prêt, pour financer les entreprises, les projets d’énergies renouvelables, les projets immobiliers en prêtant avec intérêt une somme d’argent. Il existe de très nombreuses plateformes dont les plus connues sont Lendopolis, Anaxago, et October.
la prise de participation (equity), pour investir au capital des entreprises. Les principales plateformes françaises sont Wiseed, Sowefund, Finple et Anaxago.
Pour chaque type de financement, j’ai cité les plateformes principales qui sont généralistes. Dans chaque catégorie, il existe aussi des plateformes spécialisées sur un secteur d’activité, un type de projets ou une zone géographique donnée.
On peut aussi trouver d’autres types de financement plus maginaux comme le financement par royalties (Wedogood), ou le mécénat (Commeon).
Pour s’y retrouver, Bpifrance a créé un métamoteur de recherche appelé Tous nos projets qui inclue les projets de 31 plateformes.
Quand se tourner vers le crowdfunding?
A quel moment et dans quelles circonstances un entrepreneur peut-il se tourner vers le crowdfunding pour financer son projet?
Tordons tout de suite le cou à une croyance très répandue chez les entrepreneurs. Le financement participatif est tout sauf de l’argent facile. Il n’est pas plus aisé de financer son projet de cette façon que via un prêt bancaire, ou une levée de fonds.
Se tourner vers le crowdfunding est une démarche qui doit être réfléchie et correspondre à une vraie stratégie.
Le financement par don ne concerne pas les entreprises. Le prêt participatif n’est accessible qu’aux entreprises stables et ayant un solide historique financier. Pour les jeunes entreprises qui sont les plus attirées par le financement participatif, reste donc le choix entre le financement par don avec contrepartie et le financement en capital.
Voici les deux cas de figures qui correspondent à ces deux types de financement:
Vous voulez lancer un nouveau produit BtoC (le crowdfunding ne marche pas bien pour les services ou les offres BtoB) et vous avez besoin de fonds pour l’industrialiser ou lancer une série. Vous avez déjà un prototype, vous avez une grosse communauté sur les réseaux sociaux (plusieurs milliers de personnes), vous savez précisément le montant dont vous avez besoin, vous maîtrisez le délai de production une fois l’argent récolté, alors, vous pouvez surement envisager une campagne de financement de don avec contrepartie.
Votre jeune entreprise a fait ses preuves en sortant son premier produit, en réussissant un très bon démarrage commercial et a besoin de lever des fonds pour accélérer le déploiement commercial et finaliser une deuxième version du produit. Vous connaissez précisément le montant dont vous avez besoin, vous avez dans votre réseau des personnes capables d’apporter au moins 30% de la somme recherchée, vous êtes très bons en communication, et vous voulez faire connaître largement votre entreprise, alors vous pouvez envisager une campagne de financement en equity.
Si vous n’êtes pas dans un des cas décrits ci-dessus ou si vous ne cochez pas toutes les cases d’un des deux cas, votre chance de réussir votre crowdfunding est proche de zéro, et vous avez certainement d’autres solutions moins difficiles pour lever des fonds. Alors ne perdez pas de temps et oubliez le crowdfunding.
Le crowdfunding, c’est de la communication
Que ce soit bien clair: une campagne de crowdfunding n’est qu’une campagne de communication.
Si vous n’êtes pas bon en communication, si vous n’aimez pas cela, si vous n’avez pas une grosse communauté sur les réseaux sociaux, le crowdfunding n’est sans doute pas pour vous.
Le premier acte de communication consiste à créer la page de votre campagne sur la plateforme retenue. Véritable site web dédié à votre campagne, cette page doit être très attractive, extrêmement claire sur la proposition de valeur de votre produit et les bénéfices qu’il procure.
Elle doit aussi raconter une histoire, être originale et personnelle. Vous vendez autant votre produit que votre histoire.
Une vidéo de démonstration doit être réalisée afin de montrer le produit dans son environnement. C’est pour cela qu’il faut avoir un prototype ou a minima un design en image de synthèse. Pour cette vidéo et les photos qui vont avec, il est conseillé de faire appel à un professionnel, à moins d’être soi-même très doué dans ce domaine.
Alegory, une marque de chaussures innovantes que nous avions accompagnée, a réussi une belle campagne sur Indiegogo. Sa page est un bon exemple avec une très belle vidéo, des explications techniques du produit, une histoire et des références presse pour asseoir la crédibilité.
Dans un tout autre style, plus technique et plus sérieux, une campagne de levée de fonds en cours sur Wiseed par Enerfox, une startup BtoB que nous accompagnons. Il s’agit là de rassurer sur la maîtrise technique du produit, le potentiel de marché et le sérieux de l’équipe.
Mener une campagne de crowdfunding, c’est avant tout préparer une campagne de communication. Chaque détail doit être méticuleusement considéré pour séduire le client, le rassurer et attiser sa curiosité, de façon à le convaincre de s’engager.
La réussite d’une campagne se joue sur les réseaux sociaux
Une fois la page créée, un deuxième acte de communication tout aussi important commence: faire en sorte que la page soit vue par le plus grand nombre. Tous les moyens de communication sont utiles et doivent être utilisés: presse écrite, radio, TV, les blogs, youtube, et les réseaux sociaux.
C’est là que l’existence d’une communauté est primordiale.
Si vous avez seulement 50 followers sur Twitter ou Facebook, il est évident que twitter ou mettre des posts Facebook ne sert à rien. Ce n’est qu’à partir de plusieurs milliers de followers, que les réseaux sociaux ont une utilité. Il est donc essentiel, dès avant même le lancement de son entreprise, de travailler à la constitution de sa communauté.
Si vous n’arrivez pas à capter du trafic sur votre site e-commerce, il est inutile de vous lancer dans une campagne de crowdfunding, car le travail, les méthodes et le savoir-faire nécessaires sont exactement les mêmes.
J’entends quelquefois des entrepreneurs qui pensent que ce sera plus facile de faire venir du trafic sur leur page Ulule que sur leur site web, car croient-ils, Ulule est un site très visité, avec une grosse communauté de membres. Ceci est vrai, mais il ne faut pas oublier qu’il y a sur Ulule ou toute autre plateforme des milliers de projets. Seuls quelques dizaines sont mis en avant par les plateformes. Les autres sont totalement invisibles.
Si votre page est excellente, si vous avez une grosse communauté qui assure un traffic important dès les premiers jours sur cette page, et si vous avez fait en sorte que 48 h après l’ouverture de la page, vous avez déjà atteint 30 à 50% de l’objectif, alors vous avez une chance que la plateforme repère votre projet et le mette en avant.
Une chose importante à comprendre: ce n’est pas la plateforme qui travaille pour vous en vous amenant du trafic, c’est vous qui travaillez pour la plateforme en lui apportant votre communauté!!
Avant de gagner de l’argent, il faut en dépenser
Une campagne de financement participatif est souvent perçue par les entrepreneurs comme un moyen facile de gagner de l’argent. Sauf si vous êtes dans le cas très rare, où vous explosez vos objectifs, vous gagnerez très peu d’argent avec une campagne de don avec contrepartie et l’argent levé sera assez cher dans le cas d’une campagne en equity.
Les frais à engager peuvent être assez conséquents: réalisation de la vidéo et des shooting photos, attaché de presse, achat de publicités sur Facebook, soit une facture qui peut vite monter à quelques milliers d’euros.
Si la campagne est un succès, il faudra aussi compter avec les frais induits: coût des contreparties, frais d’envoi, et frais de commission de la plateforme. Ce dernier point souvent oublié est à regarder au moment du choix de la plateforme.
Et bien sûr, par dessus tout cela, il ne faut pas mésestimer le temps important que vous allez passer pour préparer la campagne, l’animer, interagir avec les participants, réaliser les contreparties et les expédier.
Une fois tout déduit, le reste en main est souvent assez faible, en espérant même qu’il ne soit pas négatif. Pour une campagne en levée de fonds, le solde est bien sûr plus important, mais il y aura quand même des frais bien supérieurs à une approche directe des investisseurs.
Une leçon issue de l’étude de 50 000 campagnes
Amitava Chattopadhyay, professeur à l’INSEAD et 3 autres co-auteurs ont étudié 50000 campagnes Kickstarter lancées entre 2009 et 2017, à la recherche des mots favorisant le succès.
La présence du mot “nouveau” augmente les chances de réussir de 200%, alors que la mention de l’”utilité” la renforce de 1200%. Là où les résultats sont surprenants, c’est que lorsque les deux mots sont présents, les chances de réussir sont réduites de 26%.
Les clients cherchent l’utilité, aiment la nouveauté, mais se méfient des promesses trop belles pour être vraies de produits innovants et utiles! A bon entendeur, salut!
Une campagne de crowdfunding est un excellent moyen de faire connaître un produit, de tester l’appétence des consommateurs, de lancer une pré-série, de renforcer sa communauté et accessoirement de financer son projet.
Si vous avez bien conscience de tout cela, lancez-vous! Vous n’êtes pas à l’abri d’exploser vos objectifs! Bonne chance!
Pour aller plus loin
Quelques campagnes inspirantes:
PowerUp 3.0 - Smartphone Controlled Paper Airplane : 1 232 612 $ pour faire voler un avion en papier
COOLEST COOLER: 21st Century Cooler that's Actually Cooler: 13 285 226 $ pour une glacière à tout faire
Potato Salad: 55 492 $ pour une salade de pomme de terre (pour rire!)
Flow Hive: Honey on Tap Directly From Your Beehive: 11 344 918 € pour une ruche à robinet
The World's First Full HD 360° Camera: 1 419 068 $ pour une caméra 360°, plus grosse réussite française sur Kickstater
Homycat: La déco pour mon chat et moi: 8000 € pour un griphoir à chat, un projet de notre incubateur.
Le décryptage d’une campagne très réussie: celle de Vilebrequin, une chaine youtube dédiée à l’univers de l’automobile: 600 000 € sur Kisskissbankbank
La minute d’informations
Je me permets de partager ici des informations ou activités sans liens avec le thème de l’article, mais dans lesquelles je suis impliqué.
Laval Mayenne Technopole a été sélectionné pour être un des incubateurs du programme Frenchtech Tremplin. Ce programme vise à accompagner des entrepreneurs issus d’une population sous-représentée dans l’écosystème tech, bénéficiaire des minimas sociaux (RSA, AAH…), étudiant bénéficiaire ou anciennement bénéficiaire d’une bourse d'enseignement supérieur sur critères sociaux (BCS), réfugié (statut reconnu par l’OFPRA), résident d’un quartier prioritaire de la ville (QPV), titulaire d’une lettre de recommandation de l’une des associations partenaires ou d’un accord d’éligibilité de principe de la Mission French Tech.
Vous avez un projet s’appuyant sur le numérique, vous avez déjà créé votre entreprise, alors candidatez au programme Frenchtech Tremplin avant le 15 octobre. Si vous êtes lauréat, vous bénéficierez:
d’un an d’incubation financé
d’une bourse de 30 000 € pour financer votre projet.
Si vous connaissez un entrepreneur ou une entrepreneure répondant aux critères de participation, transmettez-lui l’info. Merci d’avance.
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