Tout entrepreneur ou entrepreneure démarre avec un rêve. Rêve de liberté. Rêve de reconnaissance. Rêve de richesse. Rêve de voir son idée se réaliser. Rêve de ressusciter un patrimoine… Il y a autant de rêves que d’entrepreneurs. Il y a les grands rêves qui veulent changer le monde, et les rêves plus modestes mais tout aussi importants.
La naissance d’un rêve est une alchimie complexe. Il y a les rêves traçables qui remontent à un fait marquant de la vie, les rêves subconscients construits sur des ressentis profonds et les rêves de revanches.
Beaucoup a déjà été écrit sur la force des rêves et leur pouvoir d’entraînement. Mais est-ce toujours le cas ? Les rêves peuvent-ils aussi être un frein, voire un écueil?
“I have a dream”
Martin Luther King est devenu une icône, un modèle absolu de tous ceux qui ont un rêve de changer le monde. Une vision forte, un objectif clair et un discours simple: tout entrepreneur ambitieux rêve de ce triptyque, et tout investisseur cherche désespérément l’entrepreneur capable de cette synthèse.
La mythologie de l’écosystème entrepreneurial de la Silicon Valley se nourrit des légendes d’entrepreneurs mus par leurs rêves. Dans tous les incubateurs et tous les accélérateurs du monde, les jeunes entrepreneurs cherchent désespérément et parfois de façon ridicule à formuler leur projet sous forme d’un rêve de changer le monde.
Il est évident que les rêves sont de puissants moteurs de l’action. Toutefois, ceci n’est vrai que pour les rêves profondément ancrés et portés de façon viscérale. Par contre, les rêves fabriqués et bien “marketés” pour appâter les investisseurs s’apparentent plus à un moteur deux temps qu’à un turbo.
Lors du premier épisode de la nouvelle émission de M6, “Qui veut être mon associé?”, qui met en scène des entrepreneurs face à des investisseurs, Sarah Da Silva Gomes, la fondatrice de Constant&Zoé a crevé l’écran par la sincérité de son rêve: rendre plus facile la vie de millions de personnes handicapées, en proposant des vêtements adaptés.
Il est préférable de mettre en avant une envie réelle d’entreprendre et d’atteindre des objectifs factuels, que de vouloir à tout prix plaquer un rêve artificiel à son projet pour lui donner un vernis plus attractif.
La sincérité et la simplicité l’emportent toujours.
Quand le rêve désaligne
J’aime le premier rendez-vous avec un entrepreneur au tout début de son projet. En une heure, en écoutant le récit du projet, on comprend les moteurs profonds qui l’ont poussé à se lancer, même sans poser la question. Au détour d’une phrase, d’une attitude, du séquencement de la présentation, l’auditeur attentif peut deviner ce qui se cache derrière la démarche.
Il y a quelques années, lors de ce premier rendez-vous, un entrepreneur s’était levé au bout de quelques minutes pour dessiner au tableau l’organigramme de sa future startup, et avait insisté sur le fait qu’il aurait une secrétaire. Rêve de pouvoir, qui s’apparentait en l’occurrence à un fantasme. Certains rêves centrent l’attention sur des futilités ou des détails accessoires.
Un autre entrepreneur m’avouait au bout de plusieurs années qu’il avait commis des erreurs. Jeune ingénieur, il rêvait d’avoir une usine. Dès que son prototype fut au point, il chercha un local assez grand pour monter une usine et il embaucha plusieurs salariés pour la faire tourner. Il n’a jamais réussi à la remplir au delà du quart de sa capacité. Au bord de la rupture, il s’en est séparé pour repasser à une entreprise “fabless” beaucoup plus rentable. Son rêve a failli lui coûter sa boite.
Des rêves mal alignés avec les objectifs de l’entreprise sont souvent nocifs et peuvent être létaux. Ce sont des rêves dont il faut se débarrasser le plus rapidement possible.
Quand le rêve devient un piège
Kathryn Minshew a essuyé 148 refus avant de lever 30 M$ pour sa startup The Muse. La persévérance est souvent indiquée parmi les qualités recherchées chez les entrepreneurs. Pourtant, trop d’entêtement peut être fatal.
J’ai accompagné un entrepreneur dont le rêve était profond, sincère et grand. On percevait la force de ce rêve et cela lui a permis de convaincre beaucoup de personnes de l’aider. Après quelques années, dans la mise en place de son projet, face à des difficultés, il n’a pas su infléchir sa vision pour trouver les solutions adaptées. Il voulait absolument réaliser son rêve tel qu’il l’avait rêvé. Cela lui a coûté son entreprise, son mariage, son logement, ses amis et sa santé mentale. Le prix de l’entêtement peut-être très élevé.
Des rêves trop forts ou une trop grande inflexibilité, peuvent se refermer tel un piège, sur le destin de leur auteur.
Quand le rêve limite
J’ai souvent vu des associés qui s’entendaient bien, étaient complémentaires et étaient plutôt efficaces dans le lancement de leur projet. Une fois passés les premiers temps difficiles où il faut se serrer les coudes, le début du succès arrive. Paradoxalement, c’est alors que les discordes apparaissent: l’un veut commencer à profiter du succès pour se payer mieux, travailler moins et s’installer dans un confort relatif, alors que l’autre souhaite continuer à prendre des risques, investir et développer l’entreprise. Les rêves ne sont pas alignés, la séparation est quasi inévitable, car ces deux chemins sont incompatibles.
Quand deux personnes s’associent, il est essentiel de vérifier dès le début que leurs rêves individuels sont compatibles.
Certains entrepreneurs sont des passionnés d’un métier, d’une technologie, d’un savoir-faire. Leur rêve est de pratiquer ce métier à leur façon et sans la contrainte d’un patron. Ils vont consacrer l’essentiel de leur temps sur les aspects techniques de leur projet. Cette situation est fréquente avec les fondateurs techniques de startups. Ils sont souvent seulement intéressés par la technique, le développement de leur produit. Si ceci est nécessaire au départ, le moment où le produit est fini arrive, et la technique devient secondaire. Le succès de l’entreprise dépend alors du commerce, du management et de la finance. Le fondateur tech doit à ce moment, soit s’intéresser à ces sujets, soit avoir un associé qui s’en occupe.
Faire grandir une entreprise passe aussi par la nécessité de s’ouvrir et de s’intéresser à autre chose qu’à sa passion pour un sujet technique.
Comprendre l’essence de ses rêves
Il nous semble souvent qu’un rêve ne peut être assouvi que littéralement. En réalité, il y a souvent de nombreuses façons de réaliser ses rêves et d’assouvir ses passions, si l’on en comprend l’essence.
A 10 ans, je voulais être architecte. Je passais du temps à faire des maquettes et j’aidais mon père à rénover la maison. J’ai malheureusement été dissuadé par mes professeurs de me lancer dans cette carrière. Même si je garde un fort intérêt pour l’architecture, j’ai compris plus tard que ce qui m’intéressait vraiment dans l’architecture était la création à partir d’une feuille blanche. Et j’ai pu vivre cette passion dans bien d’autres domaines. Mon rêve d’enfance n’était qu’une instanciation d’un rêve plus élevé, plus abstrait, plus générique, mais tout aussi puissant.
Comprendre l’essence de ses rêves, permet d’élargir ses horizons et de trouver d’autres façons de les réaliser.
Vivre son rêve
Entreprendre c’est vivre son rêve. Mieux comprendre son rêve permet de lui donner plus d’amplitude, mais aussi d’en limiter les effets négatifs. Au lieu de se laisser porter par son rêve comme s’il représentait une force obscure venue de l’intérieur, il est bénéfique de l’analyser en en parlant à un coach par exemple, pour mieux en tirer profit dans son projet.
Margot Davy avait un rêve : permettre à chacun de vivre une journée de “la vie de ses rêves”, elle en a fait une startup: Offset Guide.
Alors, vous aussi, mettez vos rêves en action, en faisant un “pas dans l’inconnu”.
Pour aller plus loin
J’ai un rêve: le discours de Martin Luther King
un extrait du passage de Sarah Da Silva Gomes à l’émission “Qui veut être mon associé?”
La minute d’informations
Je me permets de partager ici des informations ou activités sans liens avec le thème de l’article, mais dans lesquelles je suis impliqué.
Le 13 février 2020, j’interviendrai pour expliquer comment l’inspiration à l’origine des innovations vient souvent d’ailleurs, et comment, il est donc important de sortir de son bureau!
Allez voir ailleurs, vos innovations y sont!
Vous avez des questions ou des remarques, n’hésitez pas à m’écrire en répondant à l’email que vous recevez. La réponse m’arrive directement. Merci d’avance.
Vous avez aimé cette Newsletter, partagez-là par email ou sur les réseaux sociaux. Pour cela, cliquez sur le bouton ci-dessous. Merci d’avance.
Quelqu’un vous a transféré cette newsletter et vous souhaitez vous abonner pour la recevoir directement dans votre boîte mail tous les mardi à 9h, cliquez sur le bouton ci-dessous. Merci d’avance.