“Son point faible, c’est qu’elle n’a pas de points forts, son point fort, c’est qu’elle n’a pas de points faibles.” Ce chiasme de Vincent Moscato à propos de l’équipe de France de rugby, dans son émission le Moscato Show sur RMC, m’a interpellé. Il s’applique à bon nombre d’entreprises, qui semblent s’en satisfaire, voire en être fières. Est-ce bien ou mal? Ma réponse est sans appel: c’est mortifère.
Connaître ses points faibles et ses points forts
Beaucoup de métiers nécessitent des compétences assez concentrées et homogènes. Au moment de choisir un métier, une personne penchera de façon consciente ou inconsciente vers celui qui correspond à ses points forts. Cet alignement naturel explique l’apparente ressemblance de tous les comptables, de tous les avocats ou de tous les éleveurs. Les points faibles sont ainsi peu visibles, car ils sont peu mobilisés par le métier.
Le métier d’entrepreneur nécessite de multiples compétences et de multiples qualités souvent antagonistes. On attend de l’entrepreneur qu’il soit visionnaire, gestionnaire, manager, coach, entraineur, commercial, créatif. Quasi impossible donc pour l’entrepreneur de dissimuler ses points faibles. Cette grande diversité des compétences nécessaires explique aussi pourquoi il n’y a pas de profil type de l’entrepreneur, et pourquoi les entrepreneurs ne se ressemblent pas.
Les meilleurs entrepreneurs sont parfaitement conscients de leurs points forts et de leurs points faibles et adaptent leur organisation, leur rôle au sein de l’entreprise, leur style, et leurs objectifs pour maximiser l’usage de leur points forts, et compenser leurs points faibles.
L’entrepreneur débutant s’attachera donc à se connaître et à identifier ses points forts et ses points faibles. La lucidité sur ce sujet est essentielle. Le déni par rapport à ses points faibles ou la non-conscience de ses points forts sont également néfastes.
Les outils de profil de personnalité, le regard des autres, l’analyse objective des succès et des échecs, le mentoring, le coaching, l’accompagnement bienveillant sont autant de moyens de parvenir à une connaissance affinée de ses points forts et de ses points faibles.
Renforcer ses points forts
La logique scolaire nous a conditionné à penser qu’il fallait travailler ses points faibles pour progresser. Cette vision conduit à la médiocrité. Travailler ses points faibles permet certes de progresser, mais sauf exception, ne permet pas de devenir un champion. Vivre sur les acquis de ses points forts sans les travailler ne peut conduire qu’à régresser.
L’entrepreneur ne doit pas chercher à avoir la moyenne. Sa vocation est de devenir un champion. Le seul chemin possible est de travailler ses points forts, pour en faire des points exceptionnels. Quant aux points faibles, l’expérience permettra d’en gommer les effets négatifs, mais c’est surtout le choix de ses associés et de ses collaborateurs qui les rendra invisibles.
Travailler sa roulette
Zinedine Zidane était un joueur de football exceptionnel. Il avait de nombreux points forts parmi lesquels la vision du jeu et la qualité de ses coups de pied arrêtés. Zidane avait aussi une arme quasi magique, qu’il maîtrisait à la perfection: la fameuse roulette. Cette technique difficile à maîtriser qui permet d’éliminer un adversaire sans qu’il ne puisse rien faire, est issue d’un travail important.
Avoir une compétence maîtrisée à la perfection offre plusieurs avantages à l’entrepreneur: se sortir rapidement de situations compliquées de façon répétée, renforcer sa confiance, lui donner un avantage compétitif fort, forcer le respect.
Il est beaucoup plus important d’exceller sur un domaine précis, que de progresser de 10% sur ses 10 défauts principaux, et en plus cela prend moins d’effort et génère beaucoup plus de plaisir.
Se former, lire, échanger avec des experts, pratiquer régulièrement sont autant de façons d’améliorer sa roulette. En étant tellement travaillée, la roulette de l’entrepreneur devient iconique.
Façonner la culture d’entreprise
Pour se distinguer, une entreprise doit développer une culture remarquable. Le choix de cette culture est libre. La roulette de l’entrepreneur peut en être le point de départ, et en faire son succès. L’intuition phénoménale de Steve Jobs pour comprendre le besoin du client et l’anticiper, et son souci de la perfection, ont fait la culture et le succès d’Apple.
Toutes les entreprises et pas seulement les startups ont besoin de se distinguer de leurs concurrentes. La culture fait partie de ces signes distinctifs qui attirent les clients qui y sont sensibles.
Vous êtes un féru des indicateurs et un expert de la manipulation de données: faites de cette force personnelle une force distinctive de votre entreprise qui maitrisera mieux que toutes ses concurrentes la gestion fine et l’optimisation.
Vous aimez le beau, vous avez un sens aigu de l’esthétique: travaillez cette force et appliquez vos talents sur vos produits, votre magasin, vos communications et soyez réputés pour cette esthétique.
Vous êtes un as du storytelling: utilisez cette force dans votre communication, en produisant des livres, des films, des évènements pour faire parler de votre marque.
Vous êtes un inventeur hors pair: faites de votre entreprise la plus innovante du marché, quitte à vendre vos inventions si vous n’avez pas les moyens de les développer toutes.
Vous parlez plusieurs langues et adorez voyager: embaucher des collaborateurs de plusieurs nationalités et donnez une touche internationale à votre entreprise.
Toutes ces spécificités peuvent se développer quelque soit votre activité. Que vous ayez un commerce ou une PME industrielle, que vous soyez avocat ou artisan, il y a toujours moyen de se distinguer en s’appuyant sur ses forces et en laissant parler sa roulette. Quelques exemples:
Luc Boisnard est un entrepreneur atypique passionné d’alpinisme. Il crée son entreprise Ouest-Acro qui utilise les techniques d’escalade pour réaliser des travaux en zone d’accès difficile. En 2010, il gravit l’Everest et réalise la première expédition française de dépollution du sommet. En 2018, il en fait un livre et en 2020, il repart pour une seconde expédition Makalu 2020. Luc a su faire de sa passion et de son talent une force pour son entreprise.
Tout oppose Augustin Paluel-Marmont et Michel de Rovira, les fondateurs de Michel et Augustin. Augustin est un créatif débridé et Michel un analytique passioné des chiffres. Ils ont su mettre leurs talents à profit pour créer une succes-story hors normes grâce à un marketing exceptionnel de créativité. Ils s’attaquaient pourtant à un sujet on ne peut plus banal: vendre des biscuits. La roulette bien utilisée fait vraiment la différence.
Mathilde Blanche est designer et passionnée par les chats. En combinant ses deux points forts, elle crée Homycat “La déco pour mon chat et moi”, une marque forte qui révolutionne un domaine où il n’existait pas de marques identifiées.
Dietrich Mateschitz est un passionné de ski et de snow-board, mais aussi un spécialiste du marketing. Quand il lance Red Bull, il adopte une stratégie marketing puissante qui s’appuie sur le sponsoring sportif. Aujourd’hui, Red Bull vend des boissons énergisantes, mais est aussi un puissant fournisseur de contenu sportif. La stratégie de différentiation qui s’appuie sur les points forts peut conduire à un immense succès !
Michel Gschwind est ingénieur-docteur de l’école des Mines. Son entreprise Areco est le leader mondial de la nébulisation, et vous pouvez voir ses produits chaque fois que vous achetez des légumes chez Grand Frais. Cette PME industrielle dirigé par un chercheur, a fait de la recherche sa marque de fabrique, et cela l’a amenée au sommet.
Justine Hutteau est une sportive passionnée des réseaux sociaux. Elle a découvert ces deux sujets et en est devenue experte en faisant une thèse de marketing intitulée: “Pourquoi les gens courent et se motivent à travers les réseaux sociaux ?”. Elle a lancé Respire, une marque de soins d’hygiène naturels, en phase avec les tendances d’aujourd’hui. Celle-ci se développe très vite avec une stratégie marketing essentiellement fondée sur les communautés sur les réseaux sociaux.
Devenez le Zidane de votre métier
Quelque soit le secteur d’activité et la taille d’une entreprise, il n’y a aucune fatalité à être une entreprise banale, sans points forts et sans points faibles. Il ne tient qu’à la volonté du dirigeant de développer une spécificité distinctive qui lui donnera une attractivité forte.
En travaillant votre roulette ou celle de vos salariés clés, vous prendrez du plaisir et donnerez du sens à votre action, tout en améliorant les résultats économiques de votre entreprise. Vous serez aussi mieux armés pour attirer les talents.
Pour aller plus loin
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