Il ne se passe pas un jour sans que des articles mettent en évidence la difficulté qu’éprouvent certains employeurs à recruter.
Après la crise sanitaire, de nombreux salariés ont démissionné de leur entreprise à tel point que ce phénomène a été nommé aux États-Unis la “Grande Démission”.
On peut débattre longtemps des raisons qui ont conduit à ces situations. Cependant, la question du sens au travail est quasi systématiquement mise en avant comme une des explications.
“Donner du sens”. Cette expression suggère que le sens ne va pas de soi et qu’il doit être superposé à la réalité. Il ne suffit pas de vivre une situation pour en comprendre le sens.
Le chef d’entreprise et le manager d’équipe sont attendus sur leur capacité à donner du sens, à inscrire le travail de leurs collaborateurs dans une perspective plus large et plus inspirante. Et cette attente va grandissant au fur et à mesure que les plus jeunes générations pénètrent dans le monde du travail, comme si le sens était plus important pour elles.
Mais qu’est-ce que le sens au travail ? Quels sont les ressorts à actionner pour redonner du sens ? Quels changements le sens retrouvé peut-il générer ?
J’ai lu pour vous
Comme à chaque édition, je vous propose 3 articles que j’ai lu récemment et que j’ai trouvé intéressants. J’espère qu’ils vous plairont aussi.
CERN : Une simple mesure menace de mettre toute la physique à genoux, Antoine Gautherie, JDG, (8/4/2022) : La physique est un aller-retour incessant entre la théorie qui propose des modèles et l’expérience qui essaie de les valider. L’analyse des mesures prises entre 2002 et 2011 sur l’accélérateur de particules du Fermilab dans l’Illinois, ont conduit à une nouvelle valeur de la masse du boson W. Ceci aurait pu n’être qu’une anecdotique amélioration d’une donnée déjà connue. Le problème c’est que cette nouvelle masse remet en cause le modèle standard qui décrit les interactions entre les particules élémentaires qui constituent la matière. Celui-ci est en vigueur depuis les années 70 et a constamment été confirmée depuis par les différentes expériences. Les théoriciens vont devoir revoir le modèle et résoudre cette nouvelle énigme ! La physique peut parfois être aussi passionnante qu’un roman policier !
10 erreurs les plus courantes dans les projets d’innovation, (et les conseils pour les éviter), Charlotte Duval, Medium, (19/4/2022) : un beau résumé des principales erreurs que font les innovateurs moins expérimentés. Même si ce n’est pas la première fois que vous innovez, ce pense-bête reste utile pour ne rien laisser passer et conduire efficacement son processus d’innovation.
UN climate report: Carbon removal is now “essential”, James Temple & Casey Crownhart, MIT Technology Review, (4/4/2022) : Le rapport du GIEC paru récemment indiquait qu’il fallait passer le pic de production de gaz à effets de serre avant 2025 pour limiter les effets les plus néfastes sur le climat. Cet article quant à lui résume un rapport des Nations Unies qui indique que les objectifs d’une augmentation entre 1,5° et 2° ne peuvent être atteints sans capturer massivement le carbone déjà émis. Il incite les gouvernements et les entreprises à investir massivement dans les technologies de capture du CO2.
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Les millennials réclament du sens. Les quarantenaires souhaitent retrouver du sens en changeant de métier, parfois assez radicalement. Les employeurs ont compris qu’ils doivent donner du sens pour que leur entreprise reste attractive. La loi en créant les entreprises à mission offre un cadre pour plus de sens.
Le sens recouvre plusieurs réalités qu’il faut bien distinguer. Chacune d’elles contribue à former une réponse à la quête de sens.
Le sens philosophique
Quel est le sens de ma vie ?
Cette question philosophique essentielle que chacun se pose avec plus ou moins d’acuité en fonction des moments de sa vie, ne peut trouver de réponse complète dans la sphère du travail.
Même s’il est malheureusement habituel et culturel de se présenter en donnant son métier, celui-ci ne peut répondre complètement au sens de la vie. L’entreprise n’est pas une religion !
Chaque personne doit donc s’attacher à rechercher en dehors de son travail un sens à sa vie.
Le sens de la mission de l’entreprise
Travailler, dans sa définition la plus basique, revient à passer du temps à réaliser une tâche contre un salaire. Le sens n’est pas intrinsèque de la notion de travail. Le mythe de Sisyphe nous le rappelle.
Il est cependant évident que certaines missions font plus sens que d’autres. La loi Pacte précise que toutes les entreprises doivent se soucier des impacts sociaux et environnementaux de leur activité, mais elle définit un statut d’entreprise à mission, qui correspond aux entreprises qui s’engagent pour un ou plusieurs objectifs sociaux et/ou environnementaux.
Il est clair qu’une entreprise qui aura pour objectif de sauver des vies fournira à ses collaborateurs un sens plus mobilisateur que celle dont l’objectif est de produire des objets superflus.
Toutes les entreprises ne peuvent malgré tout avoir des missions extrêmement nobles. Cependant, en étant attentif à cette question, presque toutes les entreprises peuvent formuler des objectifs sociaux et environnementaux qui anoblissent leur mission basique. Ce faisant, elles permettront à leurs employés de vérifier que l’entreprise est alignée avec leurs valeurs et de répondre ainsi à leur quête de sens.
La technopole de Laval que je dirige, a pour mission d’accompagner les créateurs d’entreprises innovantes et les chefs d’entreprises de tous secteurs qui souhaitent innover. Cette mission fait déjà sens. Pour accentuer sa portée, il m’arrive d’expliquer aux nouveaux collaborateurs que notre mission est “de changer la vie des personnes et des entreprises que nous accompagnons”, ce qui place le sens à un autre niveau. Cette formulation peut paraître pompeuse, mais elle reflète pourtant plutôt bien la réalité. Lorsqu’une personne décide d’entreprendre, elle doit changer beaucoup de choses dans sa vie. En l’accompagnant au cours de ce processus difficile et en lui donnant des clés pour réussir, nous contribuons à changer sa vie de façon significative. Il en est de même pour une innovation qui peut changer drastiquement la destinée d’une entreprise.
Le sens direction
Un des sens du mot sens est celui de direction. Donner du sens, c’est donc aussi savoir fixer un cap.
Nous sommes des êtres vivants et conscients du temps qui passe. Nous ne pouvons nous contenter du seul instant présent.
Faire du management en pensant qu’il suffit de donner une tâche à quelqu’un est une erreur grave. Nous avons tous besoin de comprendre en quoi la tâche qui nous incombe s’inscrit dans l’accomplissement d’un projet plus grand.
C’est certainement en martelant l’objectif ambitieux de rejoindre l’Asie par une nouvelle voie, que Christophe Colomb amène son équipage à se surpasser et à dominer les épreuves.
Au début de chaque nouveau projet, je prends du temps pour définir quelques objectifs souvent chiffrés, et pour expliquer en quoi ce projet s’inscrit dans la stratégie plus globale de l’entreprise. Par la suite, je rappelle régulièrement ces objectifs et à chaque étape, ou à l’occasion de questions qui surviennent, je reformule, précise, enrichit la présentation des objectifs du projet et de son pourquoi.
Le rôle du manager est de constamment rappeler l’objectif, le chemin qui va permettre d’y arriver, les étapes par lesquelles il faudra passer et de montrer comment chaque tâche élémentaire s’inscrit dans ce parcours. Chacune et chacun pourra ainsi se sentir partie prenante d’un tout, et trouvera grâce à cela du sens à sa propre tâche qui, prise individuellement, peut apparaître futile.
Ces explications qui servent de signalétique tout au long de la route doivent être données à l’ensemble du groupe à l’occasion de réunions de projets, pour que tous entendent les mêmes choses. Elle doivent aussi être instanciées individuellement pour éclairer la vision globale à l’aune du rôle particulier de chacun.
La compréhension claire de l’objectif du projet associée à une définition explicite de la mission de l’entreprise et de ses valeurs, donnent à chacun les clés pour prendre des bonnes décisions. Cette capacité décisionnaire autonome est une contribution importante à l’épanouissement de l’employé et au sens qu’il trouve dans son travail.
Le sens du dictionnaire
Les mots ont un sens. La précision du vocabulaire est essentielle à la bonne communication et à l’adhésion collective à un projet.
Je constate malheureusement que certaines personnes utilisent des mots pour fabriquer des phrases qui ressemblent de loin au discours en vigueur dans leur univers professionnel, mais qui au final ne veulent pas dire grand chose. Il en résulte un flou pas toujours artistique et surtout une distance avec le réel qui peut à la longue démotiver.
Généralement, je ne laisse pas passer ce genre d’approximations avec mes jeunes collaborateurs. Elles révèlent une non-maîtrise des concepts derrière les mots. Je prends alors le temps d’expliquer en détail le sens précis de chaque mot. Cela dure parfois assez longtemps, mais ce temps investit est utile.
La maîtrise précise des concepts essentiels de son métier, au delà d’être une marque de professionnalisme et de compétence, est une vraie source d’épanouissement et de motivation, et donc de sens !
Les cinq sens
Nous sommes des êtres sensibles. Nos sens, tels des capteurs sur le monde alimentent notre cerveau de tout un tas d’informations. Celles-ci nous permettent d’appréhender les situations et de produire les émotions pour y répondre.
Le manager sensible doit utiliser toutes ces informations pour analyser et comprendre le comportement de son équipe et réagir de façon appropriée. En négligeant trop souvent les informations non rationnelles et les réactions émotionnelles, le manager passe à côté de la vie.
Prendre en compte de façon sensible les émotions de ses collaborateurs, est un message fort qu’ils sont considérés en tant que personne et que la relation professionnelle est une relation interpersonnelle et non seulement une relation protocolaire entre deux fonctions.
En utilisant ses cinq sens et en activant ses émotions, le manager contribue grandement à donner du sens à la relation qui le lie à son collaborateur. Celui-ci se sent alors écouté, compris et reconnu pour ce qu’il est. Son travail prend du sens, du seul fait qu’il soit valorisé en tant que personne, et qu’il se sente partie intégrante d’un tout.
Le bon sens
Quoi de plus démobilisant que les consignes de travail absurdes ?
Les fameux “bull-shit jobs” sont souvent ceux qui mettent en jeu des actions dénuées de sens parce qu’elles sont inutiles ou nuisibles, ou parce qu’elles pourraient être remplacées ou supprimées en changeant tout ou partie du processus.
Il devrait être inscrit dans le droit du travail, que toute personne qui considère que son travail est absurde est en droit de se plaindre et d’obtenir réparation.
Le bon sens est une clé utile pour détecter les tâches absurdes.
Dès lors qu’une tâche est accomplie pour la seule raison qu’elle le soit (“parce que c’est comme çà”, “parce qu’on l’a toujours fait”, “parce que le chef l’a dit”, “parce que le concurrent le fait”, …), il est vital de la remettre en question.
La manager intelligent fera constamment appel au bon sens de ses salariés pour lui remonter les tâches absurdes. Il y aura alors seulement deux issues possibles : soit la tâche est réellement absurde et il faut la supprimer, soit elle est perçue comme telle par manque d’informations sur le contexte (voir plus haut “le sens direction”), et il faut l’expliquer.
La sensation de travailler dans un cadre de bon sens est assurément un facteur de motivation et d’engagement.
Quelques conseils pratiques
Donner du sens est une expression multi-facette qui nécessite de prendre en compte plusieurs aspects abordés dans les paragraphes précédents. Voici quelques conseils pratiques pour les managers et les entrepreneurs, qui en résument l’essentiel :
travaillez sur une formulation de la mission de l’entreprise qui soit sincèrement positive (attention au “washing” qui s’avère contreproductif).
faites vivre cette mission au quotidien en y faisant souvent référence.
expliquez dès le début d’un projet l’objectif, et le répéter régulièrement.
déclinez pour chaque collaborateur ce que les objectifs globaux signifient pour lui, et en quoi sa tâche est essentielle à l’atteinte de ces objectifs.
utilisez les mots dans leur acception précise et vérifiez que chacun fasse de même, en expliquant leur sens chaque fois que c’est nécessaire.
considérez l’autre comme une personne sensible et réagissez avec les émotions adéquates.
ne donnez jamais une tâche inutile à faire, et si une tâche utile devient inutile par la suite, expliquez pourquoi cela est arrivé, intéressez-vous malgré tout à ce qui a été fait pour rien, et donnez une nouvelle tâche.
récompensez les lanceurs d’alertes qui oseront dire que leurs tâches sont inutiles, et bien sûr trouvez-leur quelque chose de plus utile à faire.
En appliquant ces quelques règles, vous rendrez à chacune et chacun sa dignité de personne indispensable dans une organisation travaillant à une noble mission. En conséquence, la motivation, l’engagement et la qualité du travail seront grandement améliorés.
Donner du sens ne peut se résumer à poser une grande et noble mission. Je connais des organisations dont les missions sont pleines de sens et qui pourtant broient leurs salariés par une approche managériale inadéquate.
Au delà du sens global qui doit être bien défini, le phare constamment allumé pour montrer la direction, la précision des mots employés pour clarifier la communication, et la prise en compte sensible de l’individu dans sa singularité contribuent à exprimer le sens dans toutes ses dimensions.
Je peux témoigner que depuis plus de trente ans que je dirige des équipes en appliquant ces principes, je n’ai jamais eu à faire à une personne se plaignant que son travail n’ait pas de sens !
Pour aller plus loin
Mission possible (UPI#16)
Promouvoir la santé mentale au travail : donner un sens au travail ! : un article de Estelle M. Morin et Jacques Forest
La minute d’informations
Je me permets de partager ici des informations ou activités sans liens obligatoires avec le thème de l’article, mais dans lesquelles je suis impliqué.
Mardi 3 mai : Conférence à l’Espace Saint-Fiacre à Chateau-Gontier
LES NEUROSCIENCES AU SERVICE DE NOTRE CRÉATIVITÉ
Quel que soit notre parcours, nous avons été impactés par notre environnement éducatif, nous avons ainsi forgé notre personnalité, nos valeurs, qui se retrouvent implicitement dans la création de notre entreprise, ou dans les projets que nous pouvons y mener.
Mais qu'en est-il réellement de notre "identité propre" compte tenu de cette éducation ?
Est-elle complètement à revoir sachant que certaines personnes agissent pour notre bien, tels que nos parents, amis ou mentors, même si dans bon nombre de cas cela peut être néfaste à notre apprentissage donc à notre créativité?
Intervenant : Richard Roussel
Maître de peinture et illustrateur international, coach-conférencier, directeur de l’Académie de Peinture, il guide au sein de son atelier des élèves de tous horizons, selon une approche personnelle en tenant compte des capacités de chacun.
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