La saison 3 de Qui veut être mon associé ? sur M6 bat des records d’audience. Pour celles et ceux qui ne connaîtrait pas encore, cette émission met en scène des entrepreneures et des entrepreneurs face à des investisseurs aguerris.
Formidable vulgarisation de la démarche entrepreneuriale, l’émission révèle des entrepreneurs et des entrepreneures passionnés et déterminés. Au travers de leurs questions, de leurs appréciations et de leurs conseils, les investisseurs nous offrent de belles leçons issues de leurs riches expériences.
Les points faibles des projets sont souvent les mêmes : un marketing défaillant, une valorisation trop élevée, des marges trop faibles, un business model inadapté.
Après avoir regardé les 3 premiers épisodes de la saison 3, j’ai pensé qu’il serait utile de revenir en détail sur le business model ou modèle d’affaire, modèle économique ou modèle d’entreprise en français.
Au travers des exemples issus des trois premiers épisodes, je vais illustrer certains points clés qui constituent le business model et expliquer l’importance de bien les poser pour réussir son entreprise.
Avant de commencer
En échangeant régulièrement avec des lectrices et des lecteurs, je me rends compte de l’impact de cette Newsletter. Je vois ce qu’elle vous apporte, mais est-ce suffisant ?
Je me demande si certains d’entre vous seraient intéressés par des conseils plus personnalisés pour les aider face à une question précise. Si c’était le cas, cela pourrait prendre plusieurs formes. Merci de prendre les 10 secondes qu’il faut pour répondre au sondage ci-dessous, pour évaluer l’intérêt ou non de mettre quelque chose en place. Il ne sera actif que pendant une semaine après la parution soit jusqu’au 31 janvier 2023.
Merci d’avoir répondu !
Une des questions les plus posées suite à un pitch d’entrepreneur est : “Comment gagnez-vous de l’argent ?” signifiant par là que l’exposé n’était pas clair à ce sujet.
Ceci est un énorme paradoxe ! La première nécessité d’une entreprise est de gagner de l’argent puisque toute entreprise qui ne gagne pas d’argent meurt. Et pourtant, il est souvent difficile pour l’entrepreneur d’expliquer simplement comment il s’y prend.
Pitcher son entreprise sans expliquer clairement comment on gagne de l’argent est une grosse erreur !
Le business model est justement l’explication détaillée de comment on gagne de l’argent.
Pourquoi dit-on “modèle” ?
Un modèle est une représentation d’une réalité, d’un processus, d’un phénomène physique, d’une organisation sociale, d’une pensée philosophique, à l’aide d’une description de son fonctionnement qui peut s’appuyer sur des mots, des schémas, des diagrammes logiques, des équations ou des dessins.
Le modèle n’est pas la réalité, mais permet d’en comprendre synthétiquement le fonctionnement, afin de pouvoir l’expliquer, la transmettre ou l’enseigner.
Dans le cas d’une entreprise, le modèle d’affaires permet de décrire les différents paramètres qui jouent sur la rentabilité de l’entreprise.
Lorsque le modèle est établi, on peut alors évaluer a priori les chances de succès ou prédire de façon assez certaine les difficultés qui seront rencontrées.
La bonne compréhension du modèle d’affaire permet à l’investisseur de prendre sa décision d’y aller ou non. Il s’appuie bien sûr aussi sur d’autres critères tels que la personnalité de l’entrepreneur, mais le modèle d’affaire reste le pilier central à considérer pour évaluer un projet, d’où la question récurrente des investisseurs évoquée plus haut.
Pour représenter un modèle d’affaire, Alexander Osterwalder a développé en 2008 une matrice graphique qui est devenue très populaire auprès des porteurs de projets de création d’entreprises. Celle-ci, baptisé Business Model Canvas permet de visualiser en un coup d’œil tous les éléments qui constituent le modèle d’affaires.
Pour celles et ceux qui veulent approfondir les 9 cases de la matrice du Business Model Canvas, vous pouvez vous référez à l’article de Charlotte Duval consacré à ce sujet.
Dans les paragraphes suivants nous détaillerons 4 éléments essentiels du Business Model particulièrement mis en avant lors des 3 premiers épisodes de “Qui veut être mon associé ? saison 3”.
Choisir sa cible
Un même produit peut intéresser plusieurs types de clients pour des applications identiques ou différentes. Il est toujours tentant pour les entrepreneurs d’y voir des opportunités et donc d’essayer de vendre à tout le monde. Il n’y a pas pire erreur lorsqu’on se lance.
Le choix d’une cible est essentiel pour démarrer son entreprise. En effet, ce choix conditionne beaucoup de choses qu’il est difficile et coûteux de démultiplier : la marque, le discours marketing, le packaging, les canaux de distribution, le prix, les services associés, la communication, la publicité, l’organisation commerciale. En gros, pratiquement toute l’entreprise est impactée par le choix de la cible.
Lapee propose des urinoirs pour femmes originaux, initialement pensé pour résoudre les longues files d’attente sur les festivals. La cible retenue pour démarrer la commercialisation était donc naturellement les festivals en direct mais surtout les loueurs de matériels pour les festivals. Jusque-là tout est cohérent.
Poussée dans ces retranchements par les investisseurs, la fondatrice a terminé sa présentation en expliquant que le marché mondial des toilettes dans les pays émergents était immense (sans toutefois pouvoir le chiffrer), pour justifier du potentiel de croissance de son entreprise.
Pour avoir accompagné il y a quelques années une startup dans ce domaine, je peux vous garantir que le marché des toilettes pour le tiers monde n’a rien à voir avec le marché des festivals. Le produit, les circuits de distribution, le prix, tout doit être repensé. Si Lapee réussit bien sur son premier marché, elle pourra toujours faire beaucoup de recherche, investir beaucoup d’argent pour développer une solution pour le tiers monde. Mais ce sera un autre projet.
Leçon 1 : un produit pensé pour un marché précis ne peut être facilement vendu sur un marché complètement différent.
Nanaba est une application qui permet de bloquer toutes les autres applications sur un smartphone. Elle propose ensuite des quizz scolaires. Les créateurs visent les enfants de 6 à 14 ans.
Les investisseurs ont violemment critiqué ce positionnement très large. Un enfant de 6 ans ne se comporte pas comme un enfant de 14 ans. Vouloir faire un seul produit ne permet pas de satisfaire chaque sous segment de la cible. Le choix initial très enfantin de la marque, du graphisme, du langage n’est pas du tout adapté aux adolescents et est même stigmatisant.
Les entrepreneurs pensant que le marché serait plus grand en s’adressant à une cible large, n’ont pas compris qu’ils allaient au contraire se fermer des portes, à commencer par celle des investisseurs qui n’y sont pas allé.
Leçon 2 : choisir une cible précise, homogène permet d’éviter le risque de décevoir tout le monde. Il est préférable d’être le spécialiste d’un segment que le généraliste d’un plus gros marché.
NKD Puzzle conçoit et fabrique des casse-têtes complexes et très aboutis en terme de technologie et d’esthétisme. Ces produits de très haut de gamme coûtent chers. Ils visent une communauté mondiale de passionnés de ce type de divertissement. L’entreprise a décollé le jour où un gros influenceur de ce milieu très spécifique a présenté les produits NKD sur sa chaîne Youtube.
Leçon 3 : la stratégie de niche s’avère souvent payante pour les produits ayant une forte résonance communautaire, les produits passion qui sont souvent incompréhensibles pour ceux qui y sont insensibles.
Choisir le bon modèle de revenus
Le même produit peut générer plusieurs types de revenus. Il peut être vendu ou loué par exemple.
Ethypik recrute dans la rue des profils atypiques sans CV. Les employés abordent les gens avec la question simple : “Bonjour, est que vous cherchez un travail ?”
Pas très à l’aise avec les chiffres, et avec un modèle de revenu peu rentable, Nicolas Morby le fondateur n’a pas réussi à convaincre les investisseurs lors de son passage à QVEMA.
Suite à l’émission, Nicolas fort des conseils des investisseurs a fait évoluer son modèle de revenu. Au départ, il facturait les candidats recrutés aux entreprises comme un cabinet de recrutement ordinaire. En fait, en s’appuyant sur le positionnement éthique de l’entreprise, il y a possibilité de plutôt facturer la prestation de recherche avec un nombre minimum de candidats présentés. Au vu de l’engouement des entreprises suite à l’émission, Nicolas envisage aussi de créer une plateforme pour héberger les candidats qui n’ont pas encore trouvé et ainsi proposer un vivier aux entreprises qui payeraient un abonnement pour ce service.
Thomas Delaveau avait surpris les investisseurs lors de la saison 2 avec son projet Requiem Code où il proposait de mettre un QR sur les tombes pour accéder à des vidéos des défunts. Un an après, avec l’aide d’Anthony Bourbon et d’autres investisseurs, le projet a pivoté. Au lieu d’apporter du réconfort à la famille en faisant revivre la mémoire du défunt, Thomas et ses associés ont rebaptisé la société Life-Obsèques et propose maintenant un service complet d’accompagnement des familles lors des obsèques. Changer le modèle de revenu peut parfois demander de changer aussi l’offre, sans pourtant changer la vision de l’entrepreneur.
Leçon 4 : le modèle de revenu doit souvent être revu pour dégager une meilleure rentabilité. Cette réflexion peut conduire à “pivoter”, c’est-à-dire changer aussi le contenu de l’offre en respectant la vision de départ.
Attention à la marge
Le produit peut être excellent, le modèle de revenu bien choisi, si la marge n’est pas suffisante, la rentabilité ne sera pas au rendez-vous et la viabilité de l’entreprise sera mise à mal.
Florent et sa maman Valérie ont créé Fruggies une marque de jus de fruits lyophilisés. Tous les investisseurs ont insisté sur le fait que la marge de 50% était insuffisante. Cela peut paraître déjà conséquent, mais il faut comprendre que ce type de produit se vend principalement via la grande distribution. Il est donc nécessaire d’atteindre au moins 70% de marge afin de pouvoir partager celle-ci avec les distributeurs.
Deux solutions se présentent alors, ainsi que l’on suggéré les investisseurs : réduire les coûts de production du produit lui-même et du packaging, et/ou augmenter les prix de vente. Comme l’on fait remarquer les entrepreneurs, le volume joue sur le coût de revient. Plus il est important, plus les coûts de production baissent. Cependant une marge trop faible au début peut empêcher d’arriver au volume suffisant, car l’entreprise peut disparaître avant.
Dans le cas de RESAP, la marque de vêtements à base de jeans usagés, le sujet de la marge a aussi été discuté. L’intérêt d’Eric Larchevêque pour ce projet résidait dans la possibilité de mécaniser plus la déconstruction des jeans pour gagner en productivité et améliorer la marge.
Leçon 5 : la marge est toujours à surveiller. Il faut la connaître précisément, ce qui demande une certaine rigueur, et surveiller son évolution. C’est un indicateur clé de la rentabilité d’une entreprise, avec lequel il ne faut pas négocier.
Canaux de distribution
Tonton Pierrot est une confiserie artisanale familiale créée il y a 28 ans par Pierrot. Spécialisée dans le bonbon traditionnel fait main à base de produits naturels, la confiserie se consacre à la production et la vend en grande distribution. Lorsque Rémy quitte HEC pour rejoindre son père, il veut rapprocher l’atelier de ses clients. Il propose alors de mettre en place deux nouveaux canaux de distribution plus directs :
ouvrir un site e-commerce
démarrer un réseau de boutiques en franchise.
L’histoire dira si c’était une bonne idée !
Chaque canal de distribution a sa logique propre, ses règles, ses avantages et ses inconvénients.
Olivier Sidibé, le fondateur d’Edibis s’est attaqué à un problème délicat : la parcoprésie, à savoir la gêne de déféquer en dehors de chez soi. Il a développé un produit qui masque les bruits et les odeurs lors d’un passage aux toilettes.
Ce projet demande une réflexion assez approfondie sur le choix du bon canal de distribution au vu du sujet qui met les acheteurs concernés dans l’embarras et rend la publicité sur ce genre de produits assez délicate. Il semblerait que 30% de la population soit concernée par le problème. Les atteindre n’est pourtant pas si simple.
Leçon 6 : Le canal de distribution est un maillon très important du modèle économique. Son impact sur la structure de coût de l’entreprise est déterminant et une erreur dans ce domaine se paye souvent cash.
Bien travailler son modèle économique
Trop d’entrepreneurs se focalisent sur le produit et oublient d’affiner le Business Model.
Pourtant il est certain qu’un produit moyen avec un excellent Business Model se vendra beaucoup mieux et sera plus rentable qu’un excellent produit avec un mauvais Business Model.
Le Business Model est un levier très puissant de succès. Le repenser pour l’optimiser est sans doute la tâche la plus importante de l’entrepreneur soucieux d’accélérer sa croissance.
Je vous encourage à y consacrer régulièrement du temps.
La minute d’informations
Je me permets de partager ici des informations ou activités sans liens obligatoires avec le thème de l’article, mais dans lesquelles je suis impliqué.
Aujourd’hui, cette minute d’informations a un lien direct avec le thème de l’article !!
Une matinée de l’innovation sur le thème du Business Model
Mardi 14 février 2023, de 8h à 10h
À la Maison de la Technopole, Laval
Issu du best-seller « Business Model New Generation » signé Alex Osterwalder et Yves Pigneur, le Business Model Canvas est un outil incontournable lorsque l’on cherche à se lancer dans un nouveau projet.
Que ce soit un projet de nouveau produit ou service, de nouvelle entreprise, de nouvelle organisation, … de la simple photographie pour faciliter la compréhension d’un projet, à un outil de réflexion et d’anticipation, le « BMC » mériterait d’être connu de tous·tes.
A travers un exemple concret, explorons ensemble les différentes utilisations et avantages de cet outil.
Intervenante : Charlotte Duval, chargée d’accompagnement des entreprises, LMT.
Programme : Présentation introductive, et atelier d’expérimentation de l’outil du BMC.
Et comme toujours, échanges et convivialité seront au rendez-vous !
Prêt·e à réinventer votre entreprise ?