#11 Et si nous faisions confiance
Le télétravail pourrait nous y inciter
J’étais en train d’écrire l’article #11 de la Newsletter au sujet du “temps”, lorsque le premier ministre a fait l’annonce du passage au stade 3 de l’épidémie du COVID-19. J’ai alors décidé d’aborder un thème plus en phase avec la situation.
Le coronavirus va donc mettre des millions de français au télétravail. D’après l’INSEE (chiffres de 2017), seulement 3% des salariés français pratiquent le télétravail au moins 1 jour par semaine dans le cadre légal. Si l’on compte ceux qui le pratiquent plus occasionnellement sans formalisation contractuelle, le chiffre est plus proche de 20%.
Pour beaucoup de salariés, ce sera donc la première fois qu’ils expérimenteront cette forme de travail. Et pour beaucoup de managers, cela sera aussi la première fois qu’ils devront gérer leur équipe à distance.
Au delà des considérations pratiques et techniques, l’ingrédient essentiel de la réussite du télétravail est la confiance.
La confiance ne suppose pas le mal
Il y a quelques années, nous partagions nos locaux avec une startup qui était au fond de notre couloir. Un jour, le patron de cette startup m’a interpellé. Il ne comprenait pas comment je réussissais ce qui lui paraissait un exploit: que mes salariés travaillent autant que je sois présent ou non. J’avoue que je n’avais jamais pensé à cela, tellement cela me paraissait naturel.
Le premier ingrédient de la confiance est de ne pas suspecter l’autre de mal se comporter. Si vous commencez à imaginer que quand vous n’êtes pas là, vos salariés ne travaillent pas, vous allez développer une défiance malsaine. Votre esprit va être préoccupé par cette pensée et vous allez construire une image mentale négative de vos salariés. Vous allez ensuite chercher les moindres indices vous permettant de confirmer cette hypothèse. “J’ai envoyé un mail et je n’ai pas reçu de réponse immédiate, est-il à son poste de travail” ? Puis, vous allez mettre en place des moyens de contrôle, destinés seulement à vous rassurer, mais qui auront sur vos salariés un impact négatif. Ne pas ressentir de la confiance est un facteur de démotivation important.
Libérez votre esprit ! Partez du principe que votre présence ou absence ne change pas le comportement de vos salariés.
La confiance s’intéresse à l’autre
Ne pas s’inquiéter ne signifie surtout pas se désintéresser. Si vous avez tellement confiance que vous ne savez pas ce que font vos salariés, vous transformez la confiance en désintérêt.
Quoi de plus démotivant pour un salarié que l’absence d’intérêt de son responsable ? Se préoccuper de façon sincère de l’activité de chaque personne sous sa responsabilité est pour moi, une des tâches essentielles du manager.
Pour ma part, dès que je le peux, j’aime faire un tour informel des bureaux, échanger avec chacun en posant quelques questions, mais surtout en laissant chacun me parler de ce dont il a envie. Je mesure ainsi les sujets importants du moment, les questions, les difficultés de chacun. J’en profite ensuite pour expliquer le sens de telle ou telle action, ou pour donner une idée, ou proposer mon aide.
Une fois tout le monde en télétravail, il va falloir s’adapter: coup de téléphone, appel visio, email et autres outils collaboratifs, mais surtout ne pas oublier de s’intéresser à chacun.
La confiance a besoin d’autonomie
Faire confiance est un pré-requis qui ne sert à rien si chaque salarié, n’est pas autonome.
Mais qu’est-ce que l’autonomie ? L’autonomie est la capacité à savoir ce que je dois faire une fois que le cap a été fixé. A contrario, l’absence d’autonomie est la nécessité qu’à chaque instant, on me dise ce que je dois faire.
Alors bien sûr, on ne passe pas instantanément d’une situation de tutelle à une situation d’autonomie. Si vos salariés ne sont pas déjà autonomes, le passage forcé au télétravail va être plus compliqué.
L’autonomie se travaille dès le premier jour dans l’entreprise, et suppose bien sûr un processus de recrutement bien au point. En laissant le salarié autonome dès le début, le manager perçoit rapidement les éventuelles lacunes qui doivent alors être corrigées via de la formation ou un encadrement temporaire plus resserré.
Pour ceux qui n’auraient pas encore développé l’autonomie de leurs salariés, je suggère d’utiliser ces temps de télétravail comme occasion de le faire. Plutôt que d’essayer de vouloir faire un plan de travail précis pour chacun, donnez un objectif général clair, et demandez à chacun d’établir son propre plan d’action. Vous pourrez alors concentrer vos efforts sur les moins autonomes.
L’autonomie est une source de motivation et développe la confiance réciproque. Chacun en constatant qu’il se débrouille accroîtra sa confiance en lui, et vous aurez de plus en plus confiance en lui au vu des bons résultats. C’est un cercle vertueux assez bluffant.
La confiance se nourrit de sens
Donner des objectifs est un pré-requis pour un travail autonome, mais n’est pas suffisant. Un objectif indépendant du sens, c’est-à-dire du contexte plus général, du raisonnement qui a amené à cet objectif, ou encore de la vision plus lointaine, ne permet pas toujours de savoir comment agir.
Pour prendre une décision dans le cours de l’action, il ne suffit pas de connaître l’objectif poursuivi. Il est important de comprendre quelle est l’ambition plus générale dans laquelle s’inscrit le projet. Il est bon aussi de connaître les valeurs de l’entreprise pour agir en restant conforme à celles-ci.
J’ai beaucoup de plaisir à constater que souvent mes salariés agissent et prennent des décisions conformes à ce que j’aurais fait, sans que pour autant ils aient eu mon avis. En communiquant régulièrement le sens de ce qui se passe, en expliquant ses décisions en référence aux valeurs de l’entreprise ou à sa Vision, le manager “éduque” ses salariés et les rend autonome.
En partageant explications et sens, le manager renforce l’autonomie des salariés et augmente le potentiel d’effectuation de l’entreprise.
La confiance apaise
La situation exceptionnelle que nous vivons est l’occasion de découvrir une autre façon de travailler et sans aucun doute d’apprendre de nouvelles méthodes. C’est aussi l’occasion de découvrir une nouvelle façon de manager.
A l’heure de faire “un pas dans l’inconnu” du télétravail total, choisissons de miser sur la confiance. Nous pourrons ainsi avoir l’esprit plus tranquille pour préparer au mieux la sortie de la crise.
Pour aller plus loin
10 Conseils pour du télétravail efficace et bien vécu ! par Guillaume Champeau
Le manque de confiance, pilier du micromanagement par Nicolas Nolf
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