L’effet tunnel est un phénomène de physique quantique qui permet à une particule de franchir une barrière de potentiel, même si son énergie est insuffisante. J’ai souvent l’impression que notre cerveau se comporte aussi comme cela: il nous autorise à faire des choses alors que des barrières évidentes s’y opposent !
Dans d’autres situations, il nous semble que nous sommes conditionnés à prendre une décision qui pourtant est mauvaise, mais nous ne pouvons y échapper. C’est comme si nous étions dans un tunnel dont nous ne pouvons sortir.
Ces pièges que l’on appelle des biais cognitifs nous jouent bien des tours. Pouvons-nous les éviter ou tout du moins en minimiser leur impact ?
Avant de commencer
Cette semaine, nous avons franchi deux caps importants : celui des 700 abonnés et celui des 800 commentaires et appréciations !
Merci à vous toutes et tous qui lisez, commentez et partagez cette Newsletter.
On me demande régulièrement où en est le livre que je vous ai promis en fin d’année dernière. Pour être tout à fait honnête, il n’avance pas vraiment, car entre mon travail qui est assez prenant, l’article hebdomadaire que je dois écrire et d’autres articles qu’on me demande du fait de cette Newsletter, il ne me reste pas de temps à consacrer à l’édition de ce livre.
Comme je ne souhaite pas y renoncer puisque vous l’attendez, je vais vous mettre à contribution : je vais vous priver d’un numéro sur deux de la Newsletter pendant un certain temps. En ne publiant qu’un article tous les 15 jours, je vais libérer du temps pour terminer le livre. J’espère que vous ne m’en voudrez pas trop ! Et je vous remercie de votre compréhension.
Ce ralentissement donnera aussi l’occasion à toutes celles et ceux qui sont en retard dans la lecture des numéros déjà sortis de se rattraper !
Pour toutes celles et ceux qui découvrent aujourd’hui cette Newsletter vous pouvez vous y abonner, et vous la recevrez donc les mardis tous les 15 jours à 9h.
Nous voudrions toutes et tous prendre tout le temps les bonnes décisions. Que ce soit les grandes décisions de nos vies comme les milliers de décisions inconscientes ou presque de notre vie quotidienne.
Cependant, notre cerveau ou nos tripes (notre deuxième cerveau) nous jouent souvent des tours. Ils semblent décider à notre place, nous mettre des œillères qui nous conduisent à décider d’une façon biaisée, ou nous enfermer dans un tunnel dont nous ne sommes pas libres de sortir.
Sans être exhaustif sur ce sujet complexe, je vous propose ici quelques réflexions issues de mon expérience qui vous invitent en retour à réfléchir sur la vôtre.
Notre corps est fainéant et notre cerveau lâche
Les lecteurs réguliers le savent : je suis un adepte du bricolage.
Il est une situation habituelle pour le bricoleur : l’usage d’un escabeau pour les travaux en hauteur. Il est un outil qui ayant la tête lourde et dure a la facheuse tendance à tomber la tête la première : le marteau.
Ces deux situations se combinent facilement : en descendant de l’escabeau après avoir utilisé le marteau, il est tentant de poser celui-ci sur le plateau de l’escabeau, qui se trouve à portée de la main sans se baisser.
Il est alors fréquent qu’il faille ensuite déplacer l’escabeau ou qu’en déplaçant autre chose, celui-ci soit heurté. Et là, une fois sur deux, le marteau va tomber la tête la première. Le carrelage ou le parquet s’en souviendront pour longtemps !
Il est évident que la plus haute marche de l’escabeau n’est pas faite pour poser son marteau. Mon cerveau le sait et connait le danger.
Cette barrière n’est cependant pas suffisante pour stopper la fainéantise de mon corps, qui ne veut pas se baisser pour poser le marteau par terre !!
Cet exemple volontairement trivial illustre malheureusement cette vérité : nous prenons souvent de mauvaises décisions par fainéantise, pour minimiser notre fatigue. Cet effet tunnel du cerveau peut coûter cher, voire très cher. Je raconte un autre exemple dans UPI #30.
Conseil n°1 : entraîner son cerveau à ne pas céder à la fainéantise du corps en se donnant cet ordre à haute voix, quand la tentation s’approche : “ne soit pas fainéant”.
Notre cerveau est sélectif et croit ce qu’il sait
Le week-end dernier, je devais déménager un petit local. J’ai loué un utilitaire de 12 mètres cube. En sortant de la propriété, j’ai éraflé l’aile sans même m’en rendre compte. Il m’en a coûté 600 € de réparation, car la franchise d’assurance était plus élevée que cela.
Ceci n’aurait jamais dû m’arriver. Bien sûr j’aurais dû faire attention en sortant du garage, mais ce n’est pas de cela que je veux parler. Nous avons la chance d’accompagner Serenitrip, une startup incroyable qui vous permet d’assurer vos locations de véhicules et en particulier de couvrir le rachat de franchise. Cela m’aurait coûté 15 €. Alors pourquoi ne l’ai-je pas fait ?
J’étais resté sur l’information datant du lancement de la startup que les utilitaires n’étaient pas couverts. Au lieu de vérifier sur mon smartphone, j’ai fait confiance à ce que je savais.
Je croyais être couvert par ma carte bleue. Mais j’étais dans deux cas d’exception : véhicule de plus de 8 mètres cube et accident survenu à moins de 100 km de chez moi.
J’espère maintenant que vous ne ferez plus la même erreur que moi.
Conseil n°2 : notre cerveau se fie à ce qu’il pense connaître et oublie les détails. Il est bon de vérifier avant de décider, surtout quand cette vérification est simple.
Notre cerveau est optimiste ou excessivement prudent
Le même week-end, en déchargeant un carton du camion, je l’ai posé sur le haut d’une pile. J’ai bien vu qu’il était un peu incliné, mais mon cerveau a estimé qu’il tiendrait le temps d’attraper le suivant.
Malheureusement, avant que je puisse poser le carton suivant, il avait dégringolé jusqu’au sol et ce qui est moins drôle, c’est qu’il contenait un pot de peinture qui s’est renversé !
La plupart des accidents de ce genre résultent d’un biais d’optimisme du cerveau qui croit que le pire n’arrivera pas. Ceci est sans doute dû à l’apprentissage statistique : en effet et heureusement, poser un carton sur une pile conduit la plupart du temps à un état stable. Le cerveau a donc tendance à prendre cette situation comme acquise même quand un paramètre s’écarte légèrement de la norme.
Cette situation se retrouve chez certains entrepreneurs qui surinterprètent positivement les réactions de leurs interlocuteurs. Un compliment sur le produit est pris comme une intention d’achat, un deuxième rendez-vous vaut pour une confirmation de commande, un investisseur qui souhaitent être tenu au courant des évolutions est compté dans le futur tour de table.
Ce biais d’optimisme n’est toutefois pas également intense chez tout le monde. Certaines personnes sont excessivement prudentes et vont à l’inverse toujours anticiper un accident même quand il n’y a aucun risque.
Dans les deux cas, le cerveau nous amène à distordre la réalité avec plus ou moins de conséquences.
Conseil n°3 : connaître ses propres biais permet de les détecter et de lutter contre eux. En pensant à quelqu’un que vous aimez ou respectez et qui a des biais opposés aux vôtres, vous prendrez le recul nécessaire pour vous méfiez de vous-même.
Le cerveau perd sa lucidité quand il n’a pas le choix
Être entrepreneur peut conduire à des situations très stressantes. Il arrive parfois dans les années de démarrage que le chiffre d’affaires ne décollent pas, que les investisseurs ne répondent pas comme espéré, et qu’en conséquence la trésorerie rentre dans le rouge. Si en plus dans cette période, les finances personnelles de l’entrepreneur sont aussi à sec, la pression est à son maximum.
Sous stress maximum, le cerveau perd en lucidité et empêche l’entrepreneur de prendre les bonnes décisions. Tout ce qui ouvre un espoir de sortir de sa situation lui paraît bon.
Le besoin d’y croire axyphie le cerveau qui ne peut plus raisonner. Dans chaque situation, le cerveau projette la sortie du fond du puits et rejette tout argument qui s’y oppose.
Conseil n°4 : Quand tout va mal, il est important de prendre des avis externes de personnes qui seront plus objectives.
Le cerveau peut répéter ses erreurs
Il y a quelques années, mon cousin habitait en campagne, au bout d’un chemin de terre qui croisait une déparmentale au milieu d’une grande ligne droite. Une configuration comme il en existe des centaines, d’une banalité telle qu’aucun élément distinctif ne permettait de mémoriser l’accès.
La première fois que j’y suis allé, je n’ai pas trouvé tout de suite, et j’ai dû faire un détour. Mon cerveau a enregistré les informations (et surtout le visuel) liées à ce détour.
Les fois suivantes, au lieu de me souvenir de mon erreur et donc de parvenir à destination sans encombre, mon cerveau a restitué les informations de l’erreur au lieu des informations correctes. J’ai mis plusieurs voyages à le déprogrammer.
C’est le même phénomène qui se produit lorsque nous cherchons un mot et que c’est un autre qui revient systématiquement en lieu et place. Plus grave, c’est aussi ce qui se produit quand nous reproduisons systématiquement les mêmes erreurs dans notre comportement ou nos relations. C’est un scénario dit de répétition.
Conseil n°5 : Déprogrammer son cerveau pour le reprogrammer correctement n’est pas facile à réaliser seul. Se faire accompagner par un professionnel (coach ou psychologue suivant les cas) peut aider à franchir un cap.
Le cerveau ne commande pas toujours
Que ce soit les vœux du Nouvel An, l’envie d’arrêter de fumer ou celle de maigrir, il est quantité de vœux dit pieux que nous formulons et qui ne se traduisent pas dans les faits.
Notre cerveau semble ne pas commander notre corps. Arrivé au moment prévu pour sortir faire le jogging, rien ne se met en route. Le canapé est plus confortable que le macadam !
Ce tunnel du cerveau est particulier : c’est le tunnel cul-de-sac, celui qui ne mène nulle part. Une fois emprunté, plus rien ne peut se passer.
Conseil n°6 : Pour sortir du tunnel cul-de-sac, ou plutôt ne pas y entrer, il faut externaliser le déclanchement de l’action. Lorsque vous décidez de faire un jogging, vous n’êtes pas encore dans le tunnel cul-de-sac. Si à ce moment-là vous ne faites rien d’autre, vous y rentrerez presque immanquablement. Pour l’éviter, appelez un ami pour qu’il passe vous prendre, inscrivez le jogging dans votre agenda, mettez un rappel sur votre téléphone, … En faisant cela, vous n’aurez plus à suivre l’inclinaison de votre cerveau dans le cul-de-sac, mais simplement à obéir à l’ordre externalisé.
Les tunnels parallèles
Vous est-il jamais arrivé de tenir une conversation pour vous rendre compte au bout d’un certain temps que chaque personne parlait de quelque chose de différent ? ou de réagir à une phrase qui en réalité traitait d’un autre sujet que celui auquel vous pensiez ?
Ces situations gênantes de quiproquo résultent de tunnels parallèles : le vôtre et celui de votre interlocuteur. Chacun est dans son monde, dans sa représentation de la réalité et avance avec ce qu’il croit et ce qu’il pense plus qu’avec ce qu’il entend ou perçoit.
Conseil n°7 : pour éviter autant que possible d’emprunter le tunnel parallèle à celui de votre interlocuteur, il est important de développer un intérêt sincère pour l’autre et de pratiquer la vérification avant de réagir, surtout par exemple si on s’apprête à réagir avec colère.
Quand l’inférence prévaut sur le réel
Dans le préambule de cette Newsletter avant son lancement, j’écrivais : “Après 365 conseils aux entrepreneurs donnés sur Twitter en 2019, je démarre le 7 janvier, une Newsletter qui sera envoyée tous les mardis à 9h.”
Je suis frappé de constater combien cette phrase a eu un impact. Plusieurs personnes s’étonnent que j’ai continé cette Newsletter au-delà de la première année. En fait avaient compris que puisque j’avais donné 365 conseils sur Twitter en un an, la Newsletter que je démarrais durerait un an ! Le fait que les deux propositions soient dans la même phrase a induit chez eux l’idée que la réalité de l’une valait pour l’autre.
Ce type d’inférence est très répandue dans notre cerveau et fausse notre jugement.
Conseil n°8 : faire un effort particulier pour se poser systématiquement la question de la cause et de la conséquence. Y-a-t-il relation de cause à effet et si oui, qui est la cause et qui est la conséquence ?
Nos tunnels favoris
Le fonctionnement du cerveau est fascinant. Les neurosciences en révèlent petit à petit les mystères. Il n’est pas besoin d’être un expert pour s’y intéresser et tout au moins repérer les biais cognitifs, les tunnels de toutes sortes que notre cerveau nous imposent bien malgré nous.
Les quelques exemples volontairement triviaux pris pour illustrer le propos sont seulement destinés à faire réfléchir chacune et chacun sur les différents tunnels qu’il ou elle rencontre régulièrement. Car nous avons tous nos routes favorites.
En examinant les situations dans lesquelles nous nous retrouvons souvent, il est bon d’envisager la présence d’un tunnel. Pas seulement un de ceux décrits ici, car il en existe des dizaines d’autres (250 paraît-il).
Travailler sur nos tunnels récurrents est un bon début pour tenter d’accéder à une meilleure maîtrise de nos décisions.
Pour aller plus loin
16 cognitive biases that can kill your decision making : un article de Mike Pinder et le plagiat en français par Jérôme de Novolab.
Why we make wrong decisions : conférence TED de Dan Gilbert
Pensées toxiques ? Nettoyer son cerveau des distorsions cognitives : par le coach Yoann Tiger