Après chaque article, j’interpelle mon réseau sur Linkedin pour qu’il réagisse. Suite à UPI#64 sur le sujet de la décision, Alain partageait un ingrédient important de sa façon de décider : “la part d'intuition (la mienne voire celles des autres personnes impliquées) fait partie de ma recette aujourd'hui + qu'hier”.
Et Philippe à qui j’ai emprunté le sous-titre de cet article commentait : ”Raison, Émotion, Intuition, ... Intime conviction”.
Comme l’intuition faisait aussi partie des mots proposés par Jean pour ces brèves, j’ai décidé de m’attaquer à ce sujet pensant que le temps était venu.
J’espère que cette lecture vous inspirera.
Avant de commencer
Cette semaine, Un pas dans l’inconnu a dépassé les 900 commentaires et appréciations. Merci à toutes celles et ceux qui prennent le temps d’écrire leurs impressions et encouragements, qui font part de leur point de vue ou qui me proposent des sujets à traiter. J’apprécie beaucoup vos contributions et elles m’encouragent à poursuivre cette aventure commencée il y a un an et demi déjà.
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L’intuition a un avantage décisif sur tout autre processus décisionnel : elle produit un résultat immédiat. C’est ce qui la rend si attractive et si fascinante !
L’intuition ne réfléchit pas, n’enquête pas, ne fait pas de tableaux comparatifs, n’utilise pas de matrice SWOT. L’intuition impose sa décision de façon quasi magique.
Comme une petite voix interne, elle susurre son point de vue de façon subtile et persuasive, si bien que très rapidement celui-ci s’impose à notre cerveau jusqu’à paraître évident.
Il faut beaucoup de force pour résister à l’intuition. Si par peur de ce qu’elle propose ou sous influence d’une volonté extérieure, nous renonçons à la suivre, nous éprouvons de la culpabilité en pensant que nous ne faisons pas ce que nous aurions dû.
Mais quel est donc ce puissant conseiller, d’où vient cet assistant occulte ?
L’intuition n’est pas un sixième sens dont certains seraient dotés dès leur naissance. L’intuition n’est pas non plus une illumination mystique, une révélation supranaturelle qui nous sauverait en nous apportant la bonne décision au moment voulu.
L’intuition est au cerveau ce que le réflexe est au muscle, un processus intégratif ultra rapide capable de scanner les circonstances et les émotions, de balayer dans la mémoire l’expérience passée et d’en déduire une décision à proposer.
Telle une intégrale triple qui sonde tous les recoins d’un volume pour produire un simple chiffre résumant celui-ci, l’intuition explore les recoins des expériences passées et les détails des conditions actuelles, pour produire la meilleure probabilité de réussir.
L’intuition n’est efficace que si les expériences passées sont nombreuses, ce qui est sans doute une autre façon de dire que la sagesse augmente en vieillissant.
L’intuition n’est puissante que si les expériences vécues sont diverses et riches et la curiosité immense.
L’intuition ne se trompe pratiquement jamais quand elle agit dans un univers connu relativement stable et reproductible. C’est pour cela que les managers chevronnés réussissent bien dans leurs décisions du quotidien, mais peuvent échouer douloureusement quand survient un évènement exceptionnel.
Il faut absolument se méfier de son intuition en dehors de son champ de compétences habituel, ou dans des circonstances disruptives. A force de lui laisser la main dans notre domaine d’expertise routinier, pour lequel elle s’avère très performante, nous finissons par penser que notre intuition est infaillible, générant ainsi un sentiment dangereux de supériorité et de toute puissance.
Tel un système expert, ou un algorithme de “deep learning”, notre intuition doit en permanence être nourrie d’expériences riches et diversifiées.
La peur est un carburant puissant de la spirale négative que peut provoquer une intuition mal nourrie. Si face à toutes circonstances nouvelles, la peur nous empêche d’agir, nous entrainons notre intuition à susciter le refus avant même que la peur ne s’allume. Nous allons ainsi en permanence refuser l’obstacle, ne jamais tenter d’expérience nouvelle et ne jamais donner une chance à notre intuition d’apprendre de situations nouvelles.
L’intuition demande de l’attention. Celles et ceux qui vivent plutôt centrés sur eux-mêmes, qui portent un regard distant sur ce qui les entoure, qui n’écoutent que d’une oreille distraite, qui ne vivent pas l’instant présent dans toutes ses dimensions, donnent peu de chance à leur intuition de se développer.
L’intuition ne doit pas rester qu’une fulgurance soudaine qui entraine une décision rapide suivie d’un passage à l’acte immédiat.
L’intuition se vérifie grâce à la visualisation mentale. Lorsque l’intuition nous a indiqué un chemin à prendre, la visualisation mentale doit prendre le relais et nous permettre de vivre en avance de phase ce que pourra donner cette décision si nous l’appliquons. Cet exercice mental auquel il faut s’entraîner permet de vérifier que l’intuition nous a mis sur un bon chemin.
L’intuition doit aussi être confrontée à la rationalité des faits. Lorsque l’intuition pousse à l’irrationalité, elle n’est pas forcément dans l’erreur, mais il est bon d’en comprendre les conséquences, en la confrontant aux données tangibles.
L’intuition dialogue avec l’émotion. Une émotion négative peut altérer la capacité de l’intuition et rendre sa proposition floue. A l’inverse une émotion positive agit comme une loupe et magnifie une intuition qui n’était pourtant pas si affirmée. Cette situation est courante dans les décisions prises avec les yeux de l’amour.
Les innovateurs sont souvent des intuitifs. Curieux de nature, ils s’informent en permanence de ce qu’il se passe dans différents domaines. Sensibles, ils vont percevoir les problèmes que rencontrent les autres. Créatifs, ils sont capables d’imaginer des solutions en mettant en œuvre leurs compétences.
La balayage permanent de leur environnement au filtre de leur curiosité, de leur sensibilité et de leur créativité produit chez les innovateurs des convictions qu’il faut faire autrement. L’innovation naît souvent de cette façon et apparaît comme une intuition géniale de son auteur.
L’intuition n’est pas innée. Elle doit être nourrie par les expériences et la curiosité, mais surtout ne pas être étouffée par la peur et le doute.
Confrontée à la raison et filtrée par les émotions, elle devient une intime conviction.
Sur le lien entre intuition, décision et émotion, je vous recommande ce podcast de Jean-Claude Ameisen.
« Les #émotions sont notre boussole » (F. de Waal), au point que selon Antonio Damasio « Il n’y a pas de décision rationnelle sans participation des émotions ».
En relatant une expérience menée par le même Damasio autour d’un jeu de cartes, Ameisen décrit comment les émotions font naître une intuition, qui conduit à adopter une réponse adaptée à la situation, avant même souvent que nous en ayons vraiment conscience.
En effet, ce n’est semble-t-il qu'après coup qu’émerge une représentation consciente du jeu : « ils ont cru prendre une décision qui s’était en réalité prise en eux auparavant sans qu’ils le réalisent. […] Leur passé inconscient est alors soudain devenu leur présent conscient ».