J’ai souvent abordé dans cette Newsletter, le sujet du storytelling. Je vais y revenir à la suite d’un thread Twitter que j’ai vu il y a quelque temps. Il raconte une anecdote intéressante qui montre la valeur apportée par le storytelling.
Dans mon livre “9 attitudes à adopter pour entreprendre” que je vous envoie si vous vous inscrivez à cette newsletter, j’explique d’où vient ma passion pour le storytelling et comment j’ai découvert ce concept en 2009 en Californie.
Quelle valeur ajoute le storytelling, en quoi est-il plus puissant qu’un simple raisonnement, pourquoi permet-il d’accrocher l’attention ? Comment faire un bon storytelling ?
Avant de commencer
Ces deux dernières semaines, je n’ai rien lu qui m’a suffisamment marqué pour vous le partager. Je n’ai pas non plus le temps de lire 200 articles ce WE pour en trouver 3 à partager !
Je vais donc plutôt partager quelques nouvelles en lien avec la Newsletter.
Lorsque je rencontre des fidèles lecteurs, ils me demandent souvent où en est le livre promis. J’ai toujours l’intention de rassembler les meilleurs numéros de cette Newsletter en un livre. Le travail à faire n’est plus un travail d’écriture, mais un travail de sélection, d’organisation, de mise en page, d’illustration, et d’édition. Je n’arrive pas à dégager ce temps pour le moment. J’espère pouvoir m’y mettre d’ici la fin de l’année.
Après l’été, je compte aussi reprendre les interviews inspirantes comme je l’avais fait avec Denis Troch (UPI#25) ou Luc Boisnard (UPI#40).
J’ai toujours besoin de votre aide pour faire connaître cette Newsletter. Toujours par manque de temps, je ne peux appliquer la règle connue qui demande de passer autant de temps à la promotion qu’à la production. Si vous m’aidez en partageant sur vos réseaux ou en en parlant autour de vous, cela sera encore plus puissant que ce que je peux faire moi-même. Merci d’avance.
En sciences, les théories sont validées par des expériences. J’aime cette approche qui ne laisse pas de place au hasard.
Est-il possible de monter une expérience qui prouverait que le storytelling ajoute de la valeur à un produit ? Je ne suis pas sûr que si on m’avait posé cette question, j’aurais su comment bâtir une telle expérience.
Alors quand je suis tombé sur ce thread Twitter d’@Encrecanaille, j’ai été subjugué.
En 2009, Rob Walker, journaliste au New York Times achète 200 objets valant autour de 1$ sur eBay. Il demande à des écrivains de rédiger une courte histoire d’un objet. Il remet en vente les objets accompagnés de leur histoire et ils sont vendus en moyenne 29 fois plus cher que leur prix d’achat, le record étant une multiplication par 132. Vous pouvez lire les histoires sur le site dédié à cette expérience.
Quel entrepreneur ne rêverait pas de multiplier ainsi la valeur de ses produits ?
Le storytelling tel un paquet cadeau valorise le produit ou le service. Dans un pitch, sur un site web, dans un mailing promotionnel, le storytelling permet de mettre en scène le produit ou le service, de parler aux émotions du consommateur, de venir à sa rencontre, là où la simple fiche produit ne parle qu’à son cerveau.
Maintenant que nous savons que le storytelling apporte énormément de valeur au produit, voyons ce qu’il apporte d’autre.
Le storytelling parle différemment à chacun
Cette semaine, nous avons pu accueillir Kristof Morin et Corinne Landais, deux artistes, mais aussi deux professionnels des interventions en entreprise. Ils ont animé une conférence intitulée “Innover avec sens ? Les 7 principes de Léonard de Vinci pour s'inspirer”.
La thématique de cette conférence n’est pas nouvelle. Elle peut se traiter classiquement avec un Powerpoint et des puces pour détailler chacun des 7 principes (en cherchant bien sur internet vous trouverez des exemples). Mettant à profit leur talent, Kristof et Corinne ont plutôt créé un spectacle vivant et captivant qui met en pratique les 7 principes, en y associant les spectateurs.
Bien sûr cette mise en scène est plus divertissante qu’un Powerpoint. Bien sûr, il est ainsi plus facile d’en mémoriser le contenu. Mais la différence principale n’est pas là.
Une conférence classique structurée en points essentiels et sous-points secondaires parle avant tout au cerveau. Quel que soit le niveau des auditeurs, elle dit la même chose à chacun. Certes, elle transmet des informations structurées mais l’auditeur est prisonnier de l’orateur et ne reçoit que ce que celui-ci veut bien lui donner.
En faisant appel aux émotions, une histoire permet à chacun des auditeurs de résonner avec le propos et donc d’y trouver un sens personnel. L’histoire va donc être plus percutante qu’une simple présentation. Elle permet à chacun quelle que soit sa connaissance préalable du sujet de progresser encore.
Le storytelling est inoubliable
Imaginez qu’on vous demande une conférence sur le thème “Bâtisseur d’essentiel”. En tant qu’entrepreneur, qu’est-ce qui vous paraît essentiel pour construire durablement? Qu’allez-vous faire ? Un Powerpoint structuré ou une histoire ?
En mars, j’ai eu la chance d’entendre Hubert de Boisredon, le dirigeant d’Armor, sur ce sujet. C’est sans doute l’une des plus belles conférences à laquelle j’ai assisté. Aucune théorie, seulement une série d’histoires qui illustrent la posture du bâtisseur d’essentiel.
L’histoire qui m’a le plus marqué et que je n’oublierai pas est celle de l’usine du concurrent qui a brûlé. Celui-ci cherche de l’aide auprès de ses confrères. Tous refusent, sauf Armor après une discussion décisive entre Hubert et son directeur commercial. Deux ans plus tard, ce concurrent souhaite se séparer de cette activité et la propose à Armor plutôt qu’aux autres acteurs du secteur. Armor devient ainsi le numéro 2 aux États-Unis, alors qu’il était le numéro 6. Bien sûr ce résumé sec, ne rend pas hommage à l’histoire racontée par Hubert de Boisredon avec beaucoup d’émotion, comme vous pourrez le découvrir en visionnant la conférence.
L’histoire a ce pouvoir incroyable de capter l’attention. Nous voulons connaitre la chute. Nous prêtons donc une oreille attentive ce qui favorise notre capacité de mémorisation. Lorsque l’histoire est émouvante, elle touche notre cœur et non seulement notre cerveau. Cette double communication favorise encore la mémorisation et rend l’histoire inoubliable.
La chimie du storytelling
Pourquoi le storytelling est-il tellement supérieur au Powerpoint ?
David JP Philips, célèbre conférencier et formateur en communication explique la chimie de l’histoire qui la rend si efficace1. Elle secrète des neurohormones qui produisent en nous des effets bénéfiques.
la dopamine générée par le suspens de l’histoire, l’attente créée par le début du récit qui pose la situation, produit en nous concentration, motivation et nous permet de mieux mémoriser.
l’ocytocine nous rend plus empathique, plus généreux, plus confiant et disposés à établir un lien avec l’orateur. Le partage d’une histoire personnelle touchante crée un climat de confiance qui augmente le niveau de cette hormone.
l’endorphine détend et rend plus créatif. Elle est générée par le rire.
Pour David JP Philips, ces trois neurohormones constituent le “cocktail des anges”. Il met le public dans un état réceptif au message. A l’inverse, le “cocktail du diable” (cortisol et adrénaline) rend les gens irritables et intolérants, et les amènent à prendre de mauvaises décisions. Il vaut donc mieux l’éviter et pour cela ne pas mettre les auditeurs sous pression ou leur faire peur.
Le Powerpoint ou l’histoire ne sont pas directement reliés à la production d’hormones. Par contre il est clairement plus facile de mettre le public dans de bonnes dispositions avec une histoire qu’avec un Powerpoint. Il faut beaucoup de talent pour créer de l’empathie ou faire rire avec une présentation structurée ! Là où une histoire même racontée passablement va être plus à même de créer un lien avec le public.
Mais au fait c’est quoi un bon storytelling ?
“Top Gun : Maverick”, c’est le dernier film que j’ai vu au cinéma et donc je m’en sers ici pour identifier les caractéristiques d’une bonne histoire :
une État voyou est sur le point de posséder l’arme nucléaire : le problème est grave, posé en terme clair.
le capitaine Pete “Maverick” Mitchell (Tom Cruise) est rappelé par l’US Navy pour une mission quasi impossible : on connaît déjà la fin (la mission sera réussie) mais peut importe, ce qui compte c’est de savoir comment le héros va se sortir de tous les pièges qu’il va rencontrer.
le capitaine n’est pas un personnage lisse : c’est un surdoué qui n’en fait souvent qu’à sa tête et entretient un rapport complexe avec la hiérarchie. Le héros d’une bonne histoire doit avoir de la personnalité !
arrivé sur la base d’entrainement, le capitaine découvre qu’il ne sera qu'instructeur là où il pensait voler pour cette mission impossible : il est essentiel que le chemin soit tortueux et imprévisible pour maintenir le suspens.
à la base, il retrouve Penny, la fille de l’amiral dont on comprend vite qu’elle ne le laisse pas indifférent : la bonne histoire est un peu glamour.
les premiers entraînements montrent que la mission est vraiment impossible surtout pour les jeunes pilotes. Comment le capitaine va-t-il réussir ? le suspens est tel qu’il fait douter de l’issue pourtant certaine.
l’amiral “Iceman”, ancien rival mais néanmoins ami du capitaine, le protège et le conseille : un héros a toujours besoin d’un parrain et d’un mentor, qui est le seul à connaître ses faiblesses (car oui, le héros doit avoir des faiblesses pour être aimé)
“Iceman” meurt d’une longue maladie, tout comme “Rooster”, le binôme du capitaine dans sa jeunesse était mort dans un accident, ce qui amène le capitaine à prendre aujourd’hui son fils comme binôme : il faut créer de l’empathie avec le héros en le mettant dans des situations tragiques.
le vice-amiral Simpson qui n’a jamais aimé le capitaine, lui retire aussitôt la mission, car celui-ci a perdu son soutien : un bon héros a toujours un ennemi de l’intérieur.
après moult rebondissements et situations plus que rocambolesques, le capitaine réussit la mission : plus il se passe de choses incroyables (comme par exemple apponter sur un porte-avion sans train d’atterrissage), plus l’histoire est flamboyante !
le capitaine sacrifie sa vie pour le fils son ancien binôme avant que ce dernier ne sauve la sienne, puis que les deux ne soient sauvés par le fils de “Iceman” : la victoire est un tutoiement perpétuel avec la mort !
le capitaine amène Penny à bord de son petit avion pour un vol romantique : tout est bien qui finit bien.
Top Gun comme n’importe quel blockbuster hollywoodien comporte ces mêmes ingrédients éternels du bon storytelling. En les intégrant à votre pitch, vous avez toutes les chances de séduire votre audience.
J’entends déjà certains fondateurs de startups dirent : “C’est difficile, nous on ne fait pas du cinéma !” Ok, alors je vous fais en raccourci, le scénario ci-dessus à la mode startup.
Les clients ont un problème grave. Vous (le héros à forte personnalité) avait trouvé une solution après des années de recherche et avec l’aide de votre amie d’enfance (le glamour soft). Les premiers essais ne se passent pas comme prévu (suspens), mais le professeur d’université qui vous soutient (le parrain) fait une dernière découverte qui fiabilise le prototype avant de partir en retraite (la mort ou la maladie ne sont pas toujours présentes dans les startups, même si çà arrive plus souvent qu’on ne croit). Votre directeur technique vous quitte car vous n’avez pas choisi sa solution (ennemi de l’intérieur) et au passage il sabote un peu le prototype. Vous parvenez en quelques jours et quelques nuits à tout recréer pour la présentation devant le premier client (le côté flamboyant). Alors que les caisses sont vides depuis plusieurs semaines et que la société est au bord du dépôt de bilan, ce client pourtant réputé difficile passe commande de 10 appareils ce qui déclenche aussitôt le prêt tant attendu de la banque (passer près de la mort). Finalement vous pouvez enfin envisager une levée de fonds et vous présenter plein d’assurance devant les business-angels ! Vous levez 3 millions d’euros. (Happy end!)
C’est bon ? Vous voyez comment çà marche ?
Alors à vous de réussir votre storytelling qui vend !
PS : çà marche aussi pour les managers qui doivent convaincre leur supérieur ou embarquer leur équipe !
La minute d’informations
Je me permets de partager ici des informations ou activités sans liens obligatoires avec le thème de l’article, mais dans lesquelles je suis impliqué.
Mardi 14 juin 2022, de 8h45 à midi, à la Maison de la Technopole, Laval
Matinée de l’Inattendu : Prendre des décisions quand rien n’est certain
Qu’auriez-vous répondu à quelqu’un qui il y a 3 ans vous aurait demandé ce que vous aviez prévu en cas de fermeture des frontières ? en cas de couvre-feu ? ou de conflit armé aux portes de l’Europe ?
Qu’auriez-vous répondu à quelqu’un qui il y a 3 ans vous aurait demandé ce que vous aviez prévu en cas de pénurie de votre matière première principale ?
Probablement que ce n’était pas prêt d’arriver ! Et pourtant … Pandémie, blocage du Canal de Suez, guerre en Ukraine, … ont eu et ont encore de nombreux impacts sur nos vies quotidiennes, sur nos vies professionnelles, sur nos activités respectives, sur nos entreprises et organisations, …
Prévoir, anticiper, prendre de l’avance, ou tout simplement prendre des décisions, … comment est-ce possible dans un monde où tout est incertain ? Où l’imprévu devient la routine ?
Un serious game spécialement conçu pour l’occasion
Lors de cet atelier jeu de rôle conçu et animé par Laval Mayenne Technopole, nous vous proposons d’intégrer le comex d’une entreprise en pleine rédaction de son prochain plan d’actions stratégique.
Que vous endossiez le rôle de DRH, de DAF ou encore de responsable innovation, quelles propositions allez-vous faire à vos collègues ? quelles idées allez-vous proposer ? et surtout … comment allez-vous réagir aux événements qui surviendront pendant vos réflexions ?
Programme
A partir de 8h45 : accueil et café de bienvenue
9h : début de l’atelier (attention nous commencerons à l’heure pile !)
11h30 : présentation des plans stratégiques et échanges de bonnes pratiques
Et parce qu’il y a quand même des choses qui restent prévisibles, échanges et convivialité seront bien sûr au rendez-vous !
The magical science of storytelling, David JP Phillips, TEDxStockholm