Il y a quelques semaines, j’ai été choqué par des posts sur les réseaux sociaux de “jeunes” qui s’en prenaient violemment aux retraités les accusant de tous leurs maux. Il est aussi courant de voir des remarques acerbes de seniors à propos des jeunes qui auraient tous les défauts.
Le conflit des générations est vieux comme le monde. Aristote disait déjà au IVème siècle avant Jésus-Christ : «Les jeunes ont l’âme élevée parce qu’ils n’ont jamais été humiliés par les misères de la vie, ni pressés par le besoin… Ils pensent tout savoir, et soutiennent leur opinion avec force, ce qui vient aussi de ce qu’ils font tout avec excès.»
Un article de Slate1 répertorie des citations de toutes les époques où les plus anciens fustigent les jeunes.
Se pourrait-il donc que ce conflit des générations soit juste normal et qu’il y n’ait rien de plus à faire ?
Dans la société en général, il est probable qu’il faille vivre avec et que notre époque individualiste et autocentrée n’arrange pas les choses.
Dans l’entreprise, le sujet est plus important et les relations entre les générations ne peuvent être fondées sur le conflit sous peine d’altérer sérieusement la bonne marche.
Comment donc aborder les relations entre les générations au sein de l’entreprise pour tirer le meilleur potentiel de chacune d’elles ?
Qu’est-ce qu’une génération ?
Chacun de nous n’est que le produit de son éducation, de la somme des informations de toutes sortes qu’il ingurgite souvent malgré lui, des évènements individuels et collectifs qu’il subit, de ses héritages génétiques et pour une petite partie de sa propre singularité.
Il n’est donc pas illogique qu’une cohorte d’individus nés dans une même zone géographique, ayant entendu les mêmes informations et subi les mêmes évènements possède une culture commune et se comporte de façon homogène.
Comme nous sommes principalement façonnés pendant notre enfance, notre adolescence et notre jeunesse, les générations se succèdent tous les 15 ou 20 ans, voire 25 ans suivant les époques et les évènements plus ou moins déterminants qui les ont marqués.
Quatre générations peuvent se côtoyer dans les entreprises aujourd’hui. J’en donne ici les caractéristiques les plus communes d’après le neuropsychiatre Olivier Revol2.
les baby-boomers nés entre 1956 et 1964, sont la génération qui va bientôt disparaître du monde du travail. Élevés pendant la période des 30 glorieuses, ils ont grandi dans un contexte favorable de progrès et d’une certaine prospérité ce qui les rend optimistes. Ils ont des valeurs fortes, un certain goût du travail et peuvent faire une longue carrière chez le même employeur. Le code des baby-boomers est le “devoir” qui se manifeste au travail, en famille et dans le couple.
la génération X (personnes nées entre 1965 et 1980) est celle qui a connu les difficultés économiques liées aux chocs pétroliers de 1973 et 1979. Le code des X c’est “avoir” car la situation économique difficile les incite à prêter attention à la possession, à leur travail, à leur statut social.
la génération Y (personnes nées entre 1981 et 1996 aussi appelées millenials), est la première génération d’enfants capables d’apprendre des choses à leurs parents grâce à internet qui donne un accès facile à la connaissance. Les Y sont des enfants-rois habitués à ce qu’on s’occupe d’eux et qu’on les complimente. Les millenials cherchent un sens à leur travail et souhaitent progresser tout au long de leur carrière. Le code des Y c’est “vivre”, avoir un bon équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, à la différence des deux générations précédentes qui étaient plus prêtes à sacrifier leur vie privée à leur travail.
la génération Z (personnes nées entre 1997 et 2012) est la génération née après internet et qui n’aura donc pas connu le monde sans internet et surtout sans les réseaux sociaux. Le code des Z, c’est “partager”. Ils aiment le coworking, le coliving et le covoiturage, ils prônent la solidarité et aspirent à la stabilité et à la sécurité, car du fait de la surinformation, ils ont l’impression de vivre dans un monde instable et dangereux. Du fait des réseaux sociaux, ils sont plus à l’aise avec la critique que la génération Y. Ils sont émotifs et globalement optimistes. On les désigne aussi comme la génération C : communication, collaboration, connexion, et créativité.
L’entreprise, lieu unique de la cohabitation des générations
Quel lieu permet sur une longue durée des projets multigénérationnels ?
Si on réfléchit bien, il y en a très peu.
La famille se réduit souvent à son noyau et la vie moderne tend à séparer les générations qui vivent des vies parallèles plus que coopératives.
L’école et l’université sont par définition mono générationnelles.
Les associations de loisirs regroupent souvent une seule génération autour d’intérêts communs.
L’église qui était un lieu intergénérationnel mélangeant toutes les classes sociales perd de son influence. Là où elle reste vivante, elle constitue encore un lieu d’échanges intergénérationnels si ce n’est un lieu de projets multigénérationnels.
Les partis politiques pourraient être un vrai lieu de projets multigénérationnels mais cela ne doit pas si bien fonctionner puisqu’il y a nécessité de créer une approche générationnelle avec des sous-groupes permettant aux jeunes de se retrouver entre eux.
Même sur internet, les réseaux sociaux faits au départ pour créer de l’échange ont tendance à regrouper des gens d’une même génération : Facebook pour les X et les boomers, Instagram pour les Y et TikTok pour les Z. Les algorithmes renforcent l’intérêt naturel des individus à se retrouver entre pairs.
L’entreprise qui rassemble des gens qui ne se sont pas choisis réunit, dès lors qu’elle est un peu ancienne et importante, des gens de toutes les générations.
Bien entendu, un jeune qui crée une entreprise a tendance à embaucher d’autres jeunes. L’homogénéité des âges dans les startups est souvent une de leur caractéristiques au début. Au fur et à mesure que le temps passe, que la startup grandit, il est toutefois nécessaire d’intégrer du sang neuf et petit à petit la pyramide des âges s’étale.
L’entreprise est bien le seul endroit où chaque actif a l’occasion de développer des projets avec des personnes de tous âges sans avoir strictement le choix de faire autrement. C’est donc une expérience sociale unique qui reste un rempart contre la ghettoïsation de la société en silos ethniques, de classe, de religion ou d’âge.
Forcés de se côtoyer, de collaborer pour atteindre des objectifs communs, les salariés auraient donc tout intérêt à dépasser les clivages générationnels. Cela ne va pourtant pas de soi, et il me semble que de plus en plus ces clivages s’expriment ouvertement, sans doute renforcés par l’exutoire que constituent les réseaux sociaux qui permettent d’exprimer les ressentis, de les mutualiser et de les transformer en vérité.
Construire une entreprise efficace, tout en assurant le bien-être des salariés passe assurément par une coopération rationnelle, apaisée et constructive des différentes générations.
Voyons quelques clés pour avancer dans ce sens.
Il faudrait plusieurs points de vue
Personne ne peut parler du sujet des générations de façon objective et neutre.
Nous appartenons tous à une génération et sommes donc prisonniers des codes, de la culture et des préjugés de notre génération.
Toute notre analyse et tous nos points de vues sur le sujet sont donc biaisés.
Je n’échappe pas à la règle. Je suis un boomer (de la fin de la période) et j’écris donc avec ce prisme dont certainement je suis une victime inconsciente.
Pour avoir une approche plus neutre du sujet, il serait intéressant de demander à un représentant de chaque génération d’écrire son texte sur le sujet et d’essayer ensuite d’en extraire le plus grand dénominateur commun.
Si parmi les lecteurs, certaines ou certains d’une autre génération que la mienne se sentent de proposer leur vision du sujet, n’hésitez pas à contribuer. Cela enrichira le débat.
Voir l’individu plutôt que le groupe
Notre capacité à appréhender la complexité est plus que limitée.
Notre cerveau cherche à réduire cette complexité en appliquant des filtres qui gomment les différences et permettent de dégager des grandes tendances. Nous essayons chaque jour de rendre le monde compréhensible.
Imaginez que nos yeux soient si puissants que nous voyions tous les atomes qui constituent n’importe quel objet. Le monde deviendrait complètement illisible ! Le fait que nos yeux aient une résolution limitée et filtrent les détails, nous permet d’accéder à une vue macroscopique qui devient intelligible.
Face à la complexité que constituent la diversité des humains et leurs contradictions, nous aimons les clichés qui réduisent les individus aux dénominateurs communs d’un groupe social plus ou moins homogène : les générations, les classes sociales, les races, les religions, les morphologies, les orientations sexuelles, le lieu de résidence sont autant de projections qui permettent de mettre les gens dans des cases pour ensuite les affubler des déterminants de leur groupe.
Cette vision simpliste est très pratique pour échanger à l’heure du temps court et des réseaux sociaux. Elle prend donc de plus en plus de poids en créant des clivages profonds entrainant une société divisée.
Si on extrapole certaines dérives du communautarisme à la question des générations dans l’entreprise, on pourrait arriver un jour à des clivages délétères entre les jeunes et les vieux comme par exemple des syndicats de jeunes (cela existe déjà pour les agriculteurs), des services composés entièrement d’une même génération, des CE alternatifs pour prendre en compte les besoins de chaque tranche d’âge.
Assimiler un individu à son groupe d’appartenance pour comprendre et déduire ses comportements évite de se poser trop de questions, mais est une simplification peu propice à une collaboration efficace.
Le premier conseil pour aborder les sujets de générations en entreprise est de s’intéresser aux individus et non de les assimiler par défaut à leur génération.
S’intéresser aux individus signifient les écouter sincèrement, laisser place aux émotions pour rentrer en connexion, ne pas induire hâtivement une généralité au détour d’un mot ou d’un geste, observer sur la durée et non classifier au premier regard, corriger la première impression par les impressions successives comme un peintre précise son portrait au fur et à mesure des coups de pinceaux.
S’intéresser aux individus demande de la patience, de l’empathie, de la compréhension et cela n’est pas facile dans le cadre professionnel où les relations peuvent être plus superficielles et plus distantes.
Dès lors que l’on forme une équipe pour coopérer dans la durée, c’est pourtant la seule attitude qui peut permettre de dépasser les clivages générationnels et produire un résultat supérieur à la somme des apports individuels. C’est la seule façon de valoriser les apports différenciants de chaque génération, et de grandir ensemble.
Le choc des générations favorise l’innovation
Innover c’est porter un regard neuf sur une réalité.
Si nous sommes honnêtes avec nous mêmes, nous reconnaîtrons facilement que porter un regard neuf sur un métier que l’on fait depuis 20 ans est très difficile.
Après quelques années dans un secteur d’activité, dans un métier, dans une entreprise, nous sommes passés par la plupart des situations qu’il est possible de rencontrer, nous maîtrisons les codes, les techniques, les astuces qui permettent d’exercer son activité de façon aussi fluide que possible.
Travailler quand on exerce depuis quelques années se fait avec une relative aisance, en tous cas avec une fluidité agréable. On le comprend mieux lorsqu’on change radicalement de métier. On redécouvre alors les efforts à faire pour se hisser à nouveau à un certain degré de maîtrise.
Sortir du confort que procure la routine, l’expertise et l’expérience pour renverser la table, remettre à plat les façons de faire, apprendre de nouveaux outils, casser des habitudes, changer de partenaires et se lancer dans l’innovation peut être douloureux et difficile intellectuellement et émotionnellement.
Une génération transporte généralement avec elle les codes, les méthodes, les outils, les visions de son temps et se montre donc moins ouverte aux nouveautés qui se présentent.
L’intégration d’une nouvelle génération dans l’entreprise constitue donc une chance pour l’innovation car cette génération fait entrer dans l’entreprise sa jeunesse, sa candeur, ses codes et ses nouvelles connaissances qui lui permettent de porter un regard nouveau sur les problématiques du travail à accomplir.
J’ai appris la programmation informatique en école d’ingénieur au moment de l’arrivée des PC. Dans mes premières années de travail, j’exerçais avec des collègues plus âgés qui ne maîtrisaient pas tous l’informatique et je pouvais donc paraître assez à l’aise vis-à-vis d’eux. Au bout d’une dizaine d’année sont arrivés dans l’entreprise des jeunes qui avaient eu un ordinateur dès l’âge de 14 ans et pour qui cet outil était un prolongement naturel de leur cerveau. J’ai rapidement compris tout ce que cela pouvait apporter d’efficacité et de potentiel d’innovation à l’entreprise.
Dans une entreprise où la culture de l’innovation prédomine, il ne devrait donc pas y avoir de conflit de générations, mais plutôt une coopération joyeuse entre les générations conscientes de la complémentarité entre l’expérience des plus anciens et le regard neuf appuyé par des compétences nouvelles des plus jeunes.
Conseil numéro 2 : pour innover plus, plus vite et avec plus de chances de réussir, il est plus efficace de composer des équipes multigénérationnelles.
Le talent n’est pas proportionnel à l’âge
Alors que l’expérience est généralement proportionnelle à l’âge, le talent lui ne l’est pas.
Emma Chamberlain est une jeune américaine de la génération Z (née en 2001). A 16 ans, elle poste sa première vidéo sur Youtube après avoir échoué à son examen pour le permis de conduire. Elle ne suit aucun code et parle de façon authentique, en montrant souvent sa vulnérabilité.
Cette approche plaît à sa génération et très vite elle atteint des millions de followers. La pression de paraître parfait induite par les filtres correcteurs d’Instagram et les youtubeurs à succès de la génération Y ne correspond plus au désir d’authenticité de la génération Z. Ils se retrouvent beaucoup plus dans l’approche sincère d’Emma.
Emma en abordant des sujets souvent ignorés, en ne restant pas superficielle et artificielle, crée une connexion profonde avec son audience.
Ce succès attire la curiosité des médias et des marques. LVMH approche Emma et a l’intelligence de lui laisser libre cours. Il en résulte des vidéos d’un genre nouveau pour la marque.
Emma comprend alors qu’elle peut aller plus loin. A 18 ans, soit 2 ans à peine après ses débuts, elle lance sa propre marque de café. Elle se met simplement en scène buvant son café. Les ventes décollent, elle lève 7 M$, Wallmart la distribue dans toute l’Amérique, ses vidéos de café font des centaines de millions de vues. La génération Z n’achète pas un produit, mais achète une relation avec une personne.
Aujourd’hui à 23 ans, Emma Chamberlain a 30 millions de followers très engagés sur ses réseaux sociaux et gagne plus de 20 M$ par an.
L’exemple d’Emma est certes exceptionnel et tous les collaborateurs de la génération Z n’ont pas son talent.
Cependant, cet exemple illustre l’intelligence de s’appuyer sur la bonne génération pour atteindre la bonne cible. Désireuse de s’adresser à la génération Z, LVMH ne fait pas appel à des stars de la publicité de la génération X ou Y pour parler à la génération Z. Il identifie la talentueuse Emma Chamberlain et lui donne carte blanche.
L’expérience certes importante des générations X et des boomers est sans doute insuffisante dans beaucoup de situations. Les entreprises font elles suffisamment appel au talent des générations Y et Z pour répondre aux situations qui le demandent ?
Conseil numéro 3 : l’expérience n’est pas le seul critère pour confier des responsabilités à quelqu’un. Suivant la nature de la mission, faire confiance au talent et à la connivence de la jeunesse avec l’air du temps s’avère souvent un pari gagnant.
Chacun à sa place
Aujourd’hui, sous l’influence des générations Y et Z, le bien-être au travail devient un sujet de préoccupation majeur des DRH.
Au delà des artifices tels que le baby-foot ou la salle de sieste, les trois vrais facteurs contribuant au bien-être au travail sont pour moi, le sens du travail, la reconnaissance et l’alignement entre la personnalité et le travail. Ces trois principes que je développerai un jour dans un autre article sont de la responsabilité de l’employeur.
Le principe qui m’intéresse ici en lien avec les générations est celui de l’alignement entre une personne et son travail. Mettre chacun a la place qui lui correspond est une grande responsabilité de l’employeur.
Cela implique de bien connaître chaque personne, de bien comprendre sa personnalité au delà de ses compétences, d’adapter sa fiche de poste à ses qualités et ses inclinations naturelles.
Il existe des outils comme les tests de personnalité qui aident à accomplir avec succès ce matching entre la personne et la mission confiée. Cela demande aussi une grande attention et un dialogue constant avec chaque personne, tout comme une relative souplesse dans l’organisation du travail.
Cette façon de faire correspondre une personne et la mission qu’on lui confie s’applique pour toutes les générations. Si chacun est à sa place, indépendamment de sa génération, il est fort probable que les relations entre les générations seront apaisées car chacun pourra voir que les autres sont les meilleurs à leur poste.
Conseil numéro 4 : indépendamment de sa génération, mettre chacun à sa place, là où il est le plus fort et où il peut s’épanouir au mieux.
Un peu d’humour pour conclure
Beaucoup d’entreprises me semble manquer d’humour. J’ai souvent l’impression que la hiérarchie se prend au sérieux et que rire ne fait pas partie de la vie professionnelle.
Je crois pourtant que l’humour en général et l’autodérision en particulier sont des armes efficaces pour favoriser la communication, dédramatiser des situations, relativiser les différences tout en les accentuant pour mieux les comprendre.
Le choc des générations est d’ailleurs beaucoup tourné en dérision sur les réseaux sociaux. Les caricatures faites des différentes générations sont drôles et permettent sans doute de mieux comprendre les différences.
Je vous laisse découvrir ces exemples que m’ont gentiment suggérés mes collègues génération Y et Z !! Cruz Corral, Simply Jamie et Adeline Corporatetm
La minute d’informations
Je me permets de partager ici des informations ou activités sans liens obligatoires avec le thème de l’article, mais dans lesquelles je suis impliqué.
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Vous n'aimez pas les jeunes? C'est normal. Ça fait 2.500 ans qu'on les critique, Aurélie Rodrigues, Slate, 30/04/2018.
Le choc des générations, Olivier Revol, Conférence TedX, mars 2019
Voici ma contribution en tant que génération Z :
Je reconnais que les codes et la culture de ma génération exercent une influence certaine sur ma vision du monde, mais je vois cette influence davantage comme un guide que l’on peut choisir de dépasser, plutôt qu’une voie unique et inévitable. Ma génération semble être marquée par un “syndrome de Peter Pan”, un désir de rester jeune et de ne pas répéter les épreuves vécues par les générations précédentes. J'ai le sentiment que la génération Y a peu ou pas franchi ce pas, qui représentait un choix qu'ils ont dû affronter. Même si ces éléments façonnent notre identité collective, je reste convaincu que nous sommes capables de prendre du recul et d’examiner les choses objectivement, au-delà de nos propres codes. Si je devais décrire l’esprit de ma génération, je dirais qu’elle est marquée par un désir d’unité et de fédération plutôt que par des clivages ou des conflits. Je perçois que nous partageons des valeurs communes et une vision fédératrice : que ce soit à travers l’écologie, une quête de simplicité ou même un goût pour l’ancien temps. Le Covid a également marqué notre transition vers la vie adulte d’une manière inédite, impactant nos ambitions, notre rapport au travail et notre vision de la société.
Mon rapport aux générations précédentes est particulier, influencé par des parents d’âges différents (mon père a 80 ans et ma mère 50) et des liens proches avec des générations plus âgées. J’apprécie la diversité des perspectives que j’ai reçues, ce qui me permet de mieux comprendre et de respecter les expériences qui ne sont pas propres à ma génération. En même temps, ma génération ressent le poids de la responsabilité laissée par les choix passés – qu’il s’agisse des modes de consommation ou des systèmes hiérarchiques d’autrefois. Je suis convaincu que ces modèles doivent être repensés pour anticiper les besoins des générations futures. Ma génération se distingue, non pas forcément par une identité unique, mais par la volonté d’explorer de nouvelles façons de vivre et de travailler. Faire plus avec moins est un défi constant : réinventer le rapport à la consommation, trouver des moyens plus durables de répondre à nos besoins, tout en cherchant un équilibre personnel et psychologique dans un monde qui ne cesse de s’accélérer et qui dépasse les besoins primaires et naturels d'un humain (porte du transhumanisme).
Si je devais définir les défis principaux qui nous préoccupent, ce serait avant tout l’autosuffisance et la recherche de l’épanouissement psychologique. J’ai le sentiment que notre génération est pionnière dans ce domaine, explorant comment nous pourrions créer un monde plus résilient et plus respectueux de chacun. Nous savons que nos choix actuels sont cruciaux pour les générations futures. Ce besoin de “faire autrement” est devenu vital : soit nous agissons maintenant, en réinventant les modèles du passé, soit nous risquons de voir l’humanité perdre la capacité de choisir, et je vois mal comment le concept d'humanité pourrait fonctionner au-delà.
En somme, je pense que ma génération se bat pour préserver l’avenir tout en cherchant à construire un mode de vie différent, en harmonie avec les défis modernes. Je nous vois comme des éclaireurs, chargés de trouver des solutions pour des questions auxquelles personne avant nous n’a vraiment eu à répondre de cette manière. Évitant les conflits, je pense qu'il y a un risque non négligeable de créer paradoxalement un gigantesque conflit basé sur la prise de parti pour faire avancer ou non certains domaines.
Avons-nous un comportement de victime maintenant ? Je pense qu'encore une fois, c’est la manière dont nous décidons de nous confronter à cela qui déterminera, à la manière d’un philosophe analysant son époque, si nous avons agi de la bonne façon ou non.
Victime ou acteur de son temps, cela s'annonce passionnant ! xD