#49 Laisser parler son cœur
les leçons entrepreneuriales et managériales de Barack Obama (partie 2)
Décrypter les mémoires d’un homme politique pour en tirer des leçons entrepreneuriales et managériales, ce n’est sans doute pas la première idée qui vient à l’esprit.
Barack Obama a pourtant réellement beaucoup à enseigner sur ces sujets à travers son livre Une terre promise. A tel point que je n’ai pas réussi à tout résumer dans un seul article.
Dans le premier épisode, j’ai abordé l’équilibre et la décision, deux facettes d’une même pièce.
Au vu des remarques, commentaires et retours que j’ai reçus, je crois qu’il vous a plu, inspiré, et incité à acheter le livre et le lire. (Je devrais demander une commission à Fayard!!)
Dans ce nouvel article, je vous propose d’explorer la relation aux autres, à son équipe, aux clients au travers de l’exemple de Barack Obama. Ce sujet de la relation est fondamental pour la réussite, le bien-être, le plaisir, l’impact et c’est au fond une des raisons d’être de la vie.
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La qualité indispensable d’un homme ou d’une femme politique est sa capacité à parler à tout un chacun, à comprendre et convaincre les électeurs en les embarquant dans sa vision.
Chez Barack Obama, ce charisme est sans doute grandement naturel.
En nous livrant un témoignage détaillé, bourré d’anecdotes, il nous dévoile progressivement les traits essentiels de cette capacité relationnelle si nécessaire à chacune et chacun de nous.
Mettre l’ambition au service d’une noble cause
“Un sermon de Martin Luther King me revenait en mémoire, “L’instinct du tambour-major”. Il y évoque le désir profond que nous ressentons tous d’être les premiers, d’être célébrés pour notre grandeur ; nous voulons tous “marcher en tête du cortège”. Mais il est possible de conjurer ce genre de pulsions égoïstes, poursuit King, en mettant cette quête de grandeur au service d’objectifs plus désintéressés. On peut ambitionner d’être le premier à tendre la main, le premier à prodiguer son amour.” (p. 104)
On ne devient pas Président des États-Unis sans une certaine ambition. De même, on ne crée pas ou ne dirige pas une entreprise importante sans avoir l’ambition de réussir. J’ai d’ailleurs déjà abordé cette question dans Un pas dans l’inconnu #20.
Barack Obama parle de cette “impulsion mystérieuse qui le pousse à vouloir toujours plus”. Mais cette impulsion chez lui est tournée vers les autres. Depuis sa jeunesse, ses premiers emplois et son premier engagement politique, Barack Obama veut aider les déshérités à améliorer leur sort.
A chaque étape, il mesure son impuissance à régler le problème ou tout au moins à avoir suffisamment d’impact. Il se dit qu’en allant plus haut, il pourra être plus influent et agir positivement. C’est ainsi qu’il est parvenu au sommet.
Bien des années avant d’y arriver, il avait déjà visualisé ce jour, et cette vision l’a motivé pour y parvenir. “Je sais que, le jour où je lèverai la main droite pour prêter serment en tant que nouveau président des États-Unis, le monde commencera à porter un regard différent sur l’Amérique. Je sais que tous les gamins de ce pays - les gamins noirs, les gamins latinos, tous les gamins qui ont l’impression de ne pas être à leur place ici - porteront eux aussi un regard différent sur eux-mêmes, leur horizon soudain dégagé, le champ des possibles soudain ouvert devant eux. Et rien que pour ça … ça en vaudrait la peine.” (p. 112)
L’ambition mise au service d’une cause noble, est une force centripète qui concentre l’énergie sur l’objectif, là où la simple ambition agit plutôt comme une force centrifuge qui pousse à vouloir embrasser trop d’objectifs et conduit à l’échec.
Mobiliser sa communauté
“Mais il ne s’agissait pas uniquement de ces gens auxquels nous étions liés par le sang ou par les longues années d’amitié. Les habitants de l’Iowa avec qui j’avais passé tant de temps avaient fini eux aussi par constituer une sorte de famille. […] Et puis, bien sûr, il y avait les organisateurs de terrain. […] Aujourd’hui encore, je serais prêt à remuer ciel et terre pour ces gamins.” (p. 149)
Lorsqu’une entrepreneure ou un entrepreneur me présente son idée de création d’entreprise, il ne s’écoule pas longtemps avant que je ne le questionne sur sa communauté, ou s’il n’en a pas encore, sur la façon de la constituer.
Cette notion de communauté est à la fois précise et vague.
Précise, puisqu’elle désigne toutes les personnes susceptibles de s’intéresser, puis de se mobiliser autour d’un concept, d’une idée, d’un produit. Les membres les plus actifs de cette communauté seront non seulement des clients, mais aussi les ambassadeurs, les promoteurs et parfois les défenseurs de la marque.
Vague, parce qu’au début tout au moins, l’entrepreneur ne sait pas précisément qui la constitue. Il peut se tromper dans la description du persona, membre fictif représentatif de cette communauté qu’il cherche à fédérer.
Identifier, créer, animer et mobiliser une communauté est une des clés du succès de l’entrepreneur et donc une compétence à développer dès l’origine. Nous disons souvent aux entrepreneurs de notre incubateur qu’il faut travailler sa communauté avant de finir son produit, car au final c’est la communauté qui aide à finaliser le produit.
S’il est un talent qu’on peut reconnaître aux femmes et hommes politiques qui réussissent, c’est bien celui de faire croître leur communauté.
Plus d’un tiers du livre de Barack Obama est consacré aux stratégies, péripéties, anecdotes, rencontres, liées aux différentes campagnes qu’il a menées. Il y a dans ces pages des trésors pour qui veut faire de la politique ou bâtir sa communauté de clients.
Voici ceux que j’ai retenus:
avoir une idée fixe: on ne peut embarquer personne si on change toutes les 5 minutes d’idées et d’objectifs.
s’appuyer sur une petite équipe dévouée et aussi passionnée que vous: construire une communauté est une tâche trop dure pour être menée seul et chaque étape doit être âprement discutée et remise en question.
aller sur le terrain à la rencontre des gens: il faut aimer rencontrer les gens, “perdre” du temps à parler de tout et de rien pour les conquérir un à un. Ceci est valable même pour les entrepreneurs du web !
écouter, écouter, écouter: les gens sont plus convaincus par ce qu’ils disent que par ce que vous leur dites. En écoutant, vous pourrez reprendre leurs arguments.
manifester de l’empathie: on ne vend rien en étant distant, méprisant ou dogmatique. L’empathie permet de se mettre à la place des gens et de comprendre leurs besoins. Les meilleurs vendeurs immobiliers sont ceux qui parlent le moins. Après vous avoir écouté, ils vous font visiter la maison qui vous correspond. Pas besoin d’ajouter des mots à un coup de cœur ! Les mauvais vendeurs veulent vous persuader qu’un bien quelconque est fait pour vous. Ils veulent vous prouver par a+b que chaque défaut n’en est pas un.
être visible en permanence: même fatigué après 3 ou 4 meetings de campagne, Barack Obama fait encore un effort pour se montrer à celui du soir et recommencer le lendemain. “Loin des yeux, loin du cœur” dit le proverbe. Impossible de créer un engouement sans être présent et visible partout et tout le temps.
gagner les membres un par un jusqu’à ce que la croissance démarre: toutes les campagnes politiques réussies commencent par quelques dizaines de personnes dans un coin paumé pour se terminer en apothéose dans un stade plein à craquer. Toutes les entreprises qui réussissent commencent dans un garage ou une cuisine avec quelques amis devenus clients pour finir avec des millions de “followers”.
parler simplement: tout le monde préfère un discours simple à un argumentaire alambiqué ! Tout ce qui est simple se retient mieux et devient plus facilement viral.
parler au cœur: un discours aseptisé et technique ne crée pas d’émotion ! C’est en racontant aujourd’hui l’histoire des gens qu’il a rencontré hier que Barack Obama touche les gens. Chaque exemple étant bien choisi pour correspondre à un axe de sa politique, et les gens retenant mieux les histoires que les théories en 3 points, les messages passent.
Pris séparément ces principes sont simples et assez faciles à mettre en place. Pris ensemble et maintenus fidèlement pendant des années, ils sont extrêmement puissants. Tous les grands leaders communautaires à l’origine de mouvements qui ont marqué l’histoire les ont utilisés.
Ne pas négliger le service après vente
“C’est en lisant ces lettres de citoyens que je ressentais avec le plus d’acuité le sérieux de mon travail. J’en recevais chaque soir une sélection de dix. […] C’était souvent ce que je regardais en dernier avant d’aller me coucher.
Ç’avait été mon idée, les lettres, une idée qui m’était venue le deuxième jour de mon mandat. Je m’étais dit qu’une dose quotidienne de courrier de mes concitoyens serait un moyen efficace de sortir de ma bulle présidentielle et d’avoir directement des nouvelles de ceux que je servais. Les lettres étaient comme une perfusion en intraveineuse du monde réel, un rappel quotidien de mon engagement envers le peuple américain, de la confiance placée en moi et de l’impact humain de chaque décision que je prenais.” (p. 346)
On pourrait penser que le Président d’une grande nation à autre chose à faire que de lire des lettres de simples citoyens, de même que le patron d’une grosse entreprise d’aller lui-même passer du temps avec des clients ordinaires.
Pourtant c’est la chose la plus importante qui soit. Le client est roi et il est donc bien normal de vouloir passer du temps avec le roi.
Encore une fois, l’attitude juste avec le client n’est pas de vouloir le convaincre que vous avez raison, mais d’écouter ce qu’il a dire sur son quotidien banal, ses difficultés, ses questions, ses frustrations. C’est de cette matière que se construisent les innovations de demain.
S’occuper de son équipe
“Parmi les choses que je ne pouvais pas déléguer, il y avait le moral des troupes. Je m’efforçais d’être généreux dans mes compliments et mesuré dans mes critiques. Pendant les réunions, je mettais un point d’honneur à recueillir tous les points de vue, même ceux des plus jeunes. Les petits détails avaient aussi leur importance - je veillais par exemple à apporter moi-même un gâteau pour l’anniversaire d’un collaborateur, ou à prendre le temps d’appeler les parents d’un autre pour leur anniversaire de mariage. Parfois, lorsque j’avais quelques minutes, je me promenais dans les étroits couloirs de l’aile ouest et poussais la porte des bureaux pour demander aux gens comment allaient leurs familles, sur quoi ils travaillaient, et s’ils voyaient des points que nous pouvions améliorer.” (p. 654)
Cette citation résume assez bien l’attitude d’un manager bienveillant et attentif.
Nombre d’entrepreneurs à succès sont réputés pour être des managers tyranniques et intolérants. Ceci reste une énigme pour moi, et surement pas un modèle.
Pour construire un succès dans la durée, il semble plus juste de prendre soin de son équipe que de l’user et de la renouveler régulièrement.
Cette approche déjà abordée dans Un pas dans l’inconnu #43 n’empêche pas une autorité ferme et ne suppose pas une équipe mièvre.
D’ailleurs, Barack Obama est aussi un exemple dans le choix de son équipe. Loin de choisir des gens qui lui feront des courbettes, il cherche à s’entourer de gens ayant des compétences variées et des opinions différentes, afin de toujours disposer au sein de son cabinet de différentes propositions et donc d’avoir le choix.
Réussir ne peut être atteint seul. Savoir choisir son équipe et s’en occuper est comme le dit le président Obama, une des rares choses que le manager ou l’entrepreneur ne peut déléguer.
C’est le cœur qui parle
“Je repensais à tous ceux qui avaient été emprisonnés ou qui s’étaient joints à la Marche sur Washington, quarante, cinquante ans auparavant, et je me demandais ce qu’ils ressentiraient en me voyant m’avancer sur cette scène à Denver - à quel point ils avaient vu leur pays changer, et à quel point nous étions loin encore de ce qu’ils avaient espéré.
- “Vous savez quoi… donnez-moi deux secondes”, ai-je dit, la voix étranglée, les yeux humides. Je suis allé dans la salle de bain me passer le visage sous l’eau.” (p. 225)
Cette scène touchante se déroule pendant la répétition du discours de la convention démocrate de Denver où Barack Obama a accepté la nomination en tant que candidat à la présidentielle.
Toucher les gens, comprendre leurs besoins, écouter leurs envies, raconter une histoire qui met en mouvement, motiver son équipe, prendre soin de chaque membre de son staff, sont autant de rôles et de missions du manager et de l’entrepreneur qui nécessitent tous de laisser parler son cœur et de faire une place aux émotions. Ceci est noble et le business n’est pas en dehors de cette réalité !
Laisser parler son cœur ! Barack Obama l’a fait ! Pourquoi pas vous ?
La minute d’informations
Je me permets de partager ici des informations ou activités sans liens obligatoires avec le thème de l’article, mais dans lesquelles je suis impliqué.
Laval Mayenne Technopole organise la troisième édition du West Data Festival, un évènement entièrement consacré aux questions de gestion des données et d’intelligence artificielle.
Celui-ci se déroule principalement en ligne, du 2 au 4 février et comporte 5 thématiques: santé, business intelligence, les énergies dans le bâtiment, le marketing, au travers de conférences et de formations.
Très bel article Christian. Passionnant, comme d'habitude !
Bravo Christian encore une très belle production.
La pertinence de tes propos et ton regard avisé sur l'entrepreneuse(eur) donnent à ces articles un intérêt majeur.
Ils nous permettent de grandir...
Merci!