Construire une marque forte est une des clés de succès pour l’entrepreneur. Une marque forte s’appuie sur 7 piliers fondamentaux: la vision, la mission, l’ambition, la promesse, les bénéfices pour le client, l’éthique et le caractère. J’ai entamé une série pour expliquer chacun de ces piliers. Voici donc le troisième pilier.
Enfant, je pensais que l’ambition c’était mal. Je me disais qu’être ambitieux c’était être orgueilleux, penser qu’on serait capable de faire mieux que les autres. Cela ne respectait pas les valeurs d’humilité et de modestie, dans lesquelles j’avais été éduqué.
J’ai compris plus tard que j’avais tort. Alors bien sûr, il existe une ambition malsaine de pouvoir ou de célébrité comme une fin en soi. Mais l’ambition, sain désir affirmé d’accomplir quelque chose de grand, n’est pas de l’orgueil.
L’Ambition comme fondement d’un projet
“Allons ! bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom, afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre.” (Genèse 11.4). Tout comme pour les bâtisseurs de la tour de Babel, tout projet repose sur une Ambition.
Sans une Ambition même minime, il n’y a pas de projet. Avant même que les détails en soient bien définis, l’Ambition exprime l’aire d’arrivée d’un projet, la projection mentale de son périmètre.
L’Ambition est la matérialisation verbale du désir qui anime celui qui conçoit un projet. Elle permet à ceux qui l’entourent de comprendre l’échelle de l’effort qu’il va falloir engager, mais aussi l’ampleur du rêve qu’il représente.
Un “projet sans ambition” est devenu une expression courante synonyme d’un projet sans intérêt, suggérant par là que l’Ambition est porteuse de motivation pour ceux et celles qui s’engagent dans un projet.
L’Ambition permet de mobiliser de l’énergie pour transformer une idée en projet, puis un projet en action. Une idée sans Ambition reste un rêve évanescent ou conduit à une action dénuée de sens, autrement dit insignifiante. L’Ambition est donc bien la fondation qui permet à un projet d’émerger.
Toute Ambition est légitime
Une des toutes premières startups que j’ai accompagnée a été fondée par deux brillants chercheurs en datamining. En s’appuyant sur leurs recherches, ils ont créé un outil logiciel d’une puissance extraordinaire, aux applications quasi illimitées. Après une phase où il fallait traduire le jargon mathématique en termes plus marketing, l’intérêt du marché s’est manifesté et rapidement des multinationales sont devenues clientes.
Tout excité par cet énorme potentiel, j’ai longtemps insisté auprès des fondateurs pour qu’ils enclenchent une mécanique de croissance: levée de fonds, investissements, embauches. Je ne les sentais pas intéressés. J’ai fini par lâcher l’affaire lorsque j’ai réalisé que ce n’était pas leur Ambition. Leur Ambition était de faire le meilleur produit du monde, pas de devenir une licorne. Ils ont réussi et sont parfaitement heureux.
L’Ambition est une affaire personnelle intime. Personne ne peut la juger, la transformer ou l’augmenter de force. Seul celui ou celle qui est à l’origine du projet peut la poser, la nourrir et éventuellement la modifier. L’entourage d’un projet doit s’aligner à l’Ambition du porteur de projet, sous peine d’échec assuré.
La taille de l’Ambition ne détermine pas la réussite
Mon grand-père était ébéniste. Arrivé à l’âge de la retraite, il a cédé son entreprise à ses fils qui travaillaient avec lui depuis leur plus jeune âge. Arrivé à son tour à l’âge de la retraite, mon père et mes oncles ont dissout l’entreprise faute de repreneur. Etait-ce un échec ?
Mon père n’a jamais eu l’Ambition de faire grandir son entreprise pour en faire un leader régional, national ou international. Toute sa vie, il a seulement eu pour Ambition de faire de très beaux meubles, de satisfaire ses clients et de nourrir sa famille et ses employés. Il a réussi sa vie, tout comme les startuppers mentionnés plus haut.
L’énorme Ambition qui permet à certains de créer des empires et d’amasser des fortunes n’est pas la seule façon de réussir.
L’aune de la réussite d’un projet entrepreneurial n’est pas le montant de la levée de fonds, le nombre d’employés, ou la valeur de l’entreprise, mais l’atteinte des objectifs que s’était fixé l’entrepreneur et la satisfaction que cela procure. En ce sens, il est ridicule de comparer la réussite de deux entrepreneurs à l’aune de la seule réussite financière.
Une Ambition portée par l’égo peut être létale
Les constructeurs de la tour de Babel voulaient seulement se faire un nom. Cela les a conduit à l’échec. Même sans introduire de jugement moral, je crois que l’Ambition saine n’est pas portée par l’égo.
Cofondateur de Kelkoo puis vice-président engineering Europe de Yahoo, Jean-Marc Potdevin fait partie des entrepreneurs à succès. Il fonde en 2014 le réseau social Entourage pour aider les SDF, avec l’Ambition de l’étendre à l’échelle européenne. Il aurait pu se contenter de créer une association pour aider les SDF de son quartier. Son Ambition est autre, car il a le désir d’une action à impact fort. Il n’y a aucun égo dans cette Ambition, pourtant énorme au regard de la difficulté de la tâche.
Il y a plus de 10 ans, j’ai accompagné un entrepreneur brillant qui portait un projet à impact lui aussi. Au fur et à mesure des reconnaissances positives qu’il recevait pour son projet (prix de concours, financement, marques d’intérêts de gros acteurs), il faisait grossir le projet.
Arrivé à un moment, il fallait tellement d’argent pour démarrer que cela devenait impossible. Tout le monde lui conseillait de démarrer modestement, en mettant les “mains dans le cambouis” pour obtenir les premiers succès et passer aux étapes suivantes. Il n’était pas acceptable pour lui de s’abaisser à mener d’abord un projet modeste. La chute fut très dure.
L’Ambition même très importante doit être portée par autre chose que par l’égo. Être seulement motivé par le fait de vouloir prouver qu’on est le meilleur n’est pas suffisant, c’est même la plupart du temps mortel.
L’Ambition facteur de divergence
Dans un autre numéro, j’ai abordé l’importance de l’alignement dans un projet entrepreneurial. L’alignement entre les parties prenantes (associés, investisseurs, partenaires) sur la Vision et la Mission de l’entreprise est essentiel. Mais c’est le désalignement sur l’Ambition qui conduit le plus souvent au clash.
Partager la Vision entre les associés est rarement un problème. En effet, la Vision est souvent le point de départ d’un projet. Plus que la complémentarité des compétences, le partage d’une Vision est une motivation pour s’associer et se lancer.
La Mission découle de la Vision, et il est donc naturel pour les associés d’être alignés.
L’Ambition par contre est propre à chacun des associés. J’ai constaté que les associés n’échangent pas forcément leurs vues à ce sujet et n’osent pas parler ouvertement de leur Ambition. Ils se lancent dans leur projet jusqu’au jour où la divergence surgit.
Quand la réussite pointe le nez, que faire? Investir encore, continuer à prendre des risques, ou commencer à se relâcher et profiter de son succès? Si tout cela n’a pas été discuté au départ, il peut être difficile de trouver un accord, car il n’y a pas de compromis possible entre ces deux Ambitions.
L’Ambition est un des premiers risques de rupture entre associés. Il est donc indispensable d’aborder ce sujet au lancement d’un projet, puis régulièrement ensuite pour prévenir toute divergence qui peut mettre le projet en danger.
L’Ambition peut-elle faciliter la mise en œuvre ?
Le même projet peut être mené à différentes échelles d’Ambition. Avoir une Ambition plus importante faciliterait-il sa mise en œuvre ? Paradoxalement et peut-être contre-intuitivement pour certains, il est souvent plus facile de convaincre un investisseur si l’Ambition est plus élevée.
Investir c’est prendre un risque. L’incitation à le faire est dans le retour attendu. Si l’Ambition est importante, le retour espéré est élevé, et donc l’attraction importante. Si l’Ambition est trop faible, le retour ne paiera pas le risque et donc l’investisseur va renoncer.
Toute la subtilité dans la séduction d’un investisseur est le parfait dosage entre l’Ambition, le retour sur investissement attendu et la confiance en la capacité de réussir.
Un projet ambitieux sera plus attractif aussi pour des salariés aux compétences pointues et aux exigences élevées. Il sera également plus intéressant pour des partenaires qui en attendront des retombées importantes et seront donc plus enclins à faire des conditions avantageuses au démarrage. Un projet ambitieux séduira aussi les médias et cette médiatisation aidera à son tour à sa réussite.
L’Ambition doit être posée suffisamment haute pour être attractive pour un investisseur, mais aussi suffisamment crédible au regard des capacités perçues des porteurs de projets. L’Ambition sert la réussite en activant une boucle positive d’interaction, véritable cercle vertueux amplificateur et accélérateur du succès.
L’Ambition, troisième pilier du triptyque de la marque
Tour à tour, l’Ambition apparait donc comme un facteur de réussite ou comme un suppôt de l’échec. L’Ambition est donc une composante sensible d’un projet et il est important d’y prêter une grande attention.
L’Ambition est le dernier pilier du triptyque fondateur de toute marque. Elle mesure la taille du projet inspiré par la Vision et défini par la Mission.
La Vision peut s’apparenter à la tête d’un projet. Elle est en haut, voit loin et pilote.
La Mission est le corps du projet. Elle agit et met en œuvre.
L’Ambition, ce sont les pieds, le socle du projet. Elle le porte et le propulse.
Un triptyque bien exprimé caractérise de façon très puissante et très claire le positionnement, la nature et l’ampleur d’un projet d’entreprise. C’est un excellent outil de communication, de motivation et d’engagement.
Il est donc essentiel de travailler sur la formulation de ce triptyque et de le peaufiner régulièrement.
Le rédacteur de la Genèse nous fournit un excellent exemple d’une formulation claire en une seule phrase, du triptyque Vision, Mission, Ambition des constructeurs de la tour de Babel.
“Allons ! bâtissons-nous une ville et une tour (Mission) dont le sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom (Ambition), afin que nous ne soyons pas dispersés sur la face de toute la terre (Vision).”
J’invite chaque entrepreneur, chaque porteur de projet à travailler sur la formulation de son triptyque de marque. Cet exercice difficile est porteur de nombreuses vertus.
Bonne réflexion.
Pour aller plus loin
Stratégie : Comment définir un niveau d’ambition pour l’entreprise ?
"L'ambition, ça se travaille": un interview de Sandra Legrand, fondatrice de Kalidea
La minute d’informations
Je me permets de partager ici des informations ou activités sans liens obligatoires avec le thème de l’article, mais dans lesquelles je suis impliqué.
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