Un jour peut-être, vous avez pris la décision de vous marier, ou simplement de vivre avec quelqu’un. Cette décision est généralement assez déterminante pour sa vie.
Quelques années plus tard, que pouvez-vous dire de cette décision ? Est-elle un souvenir, bon ou mauvais, une anecdote, ou au contraire est-elle toujours vivante et structurante au quotidien ?
Décider est-il un acte ponctuel ? En quoi la fidélité à une décision est-elle importante ? Décider est-il suffisant pour réussir ?
C’est encore une discussion récente avec une entrepreneure qui m’inspire cet article sur la façon de vivre une décision stratégique. Même si les exemples choisis pour illustrer le propos sont pour la plupart dans le domaine de l’entrepreneuriat, les principes proposés dans cet article s’appliquent à toute décision d’importance, et donc concernent chacune et chacun.
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Le sujet de la décision est central dans la vie de l’entrepreneur. On peut même dire que décider est le métier de l’entrepreneur, et savoir décider une des qualités essentielles pour réussir.
J’ai déjà écrit sur le sujet de la décision (voir UPI#64, UPI#53 ou encore UPI#48), mais j’y reviens ici pour aborder ce que j’appelle ”le service après-vente de la décision”.
Deux types de décision
Le cerveau humain prendrait 35 000 décisions par jour !
Ce chiffre circule sur internet sans véritable source scientifique.
Quelque soit le chiffre exact, il est évident que nous sommes appelés à prendre beaucoup de décisions chaque jour, dont fort heureusement la plupart sont inconscientes.
La conduite d’un véhicule illustre bien cette répartition entre décisions conscientes et décisions inconscientes. Lorsque nous cherchons notre route pour rejoindre une adresse précise, nous décidons consciemment à chaque carrefour de tourner à droite ou à gauche. Par contre lorsque nous suivons une route donnée, la décision de tourner le volant pour suivre la courbe de la route est inconsciente, si bien même qu’il nous arrive de penser à autre chose, et de parcourir ainsi plusieurs kilomètres sans nous en rendre compte.
Mais ce n’est pas de ces deux types de décisions que je veux parler. Au sein même des décisions conscientes, je vois deux grandes typologies :
celles qui une fois prises ne demanderont aucun effort important, ni aucune pensée supplémentaire. L’exécution sera immédiate et définitive. Choisir son dessert sur la carte du restaurant, arrêter la date de ses vacances, engager un prestataire pour un service suite à un appel d’offres, accepter un rendez-vous, .. sont des exemples de ce type de décisions qui représentent la majorité des décisions conscientes que nous faisons.
celles qui ne sont au final que des intentions et qui demandent un réengagement quasi-quotidien : faire du sport, maigrir, faire sa vie avec quelqu’un, devenir plus patient, améliorer la qualité de ses produits, faire plus de prospection, … Ce type de décisions qu’on retrouve dans les résolutions du nouvel an, sont celles qui nécessitent ce que j’appelle un “service après-vente”, sans quoi elles ne restent que des paroles en l’air.
Malheureusement pour nous, êtres humains souvent paresseux, les décisions les plus impactantes, celles qui changent vraiment la vie, sont celles qui demandent un entretien régulier et un réengagement récurrent.
Mais comment réussir ce type de décision difficile et son SAV pour que les résultats soient vraiment au rendez-vous ? Je vous propose 6 principes à suivre.
La vision précède la décision
Une grande décision stratégique dont la portée s’étale sur plusieurs années ne peut être prise à la légère au détour d’une conversation, ou suite à un coup de tête. Elle nécessite d’abord une vision.
Celles et ceux qui ont lu la section “About” de cette Newsletter savent que le pasteur Rick Warren, auteur d’un livre qui s’est vendu à plus de 50 millions d’exemplaires fait partie des personnes qui m’inspirent. J’écoutais ce matin son dernier sermon. Étonnamment, il reprend mots pour mots son premier sermon prononcé au printemps 1980 devant une soixantaine de curieux venus écouter ce jeune homme de 25 ans qui prétendait vouloir lancer une église d’un nouveau style. Il y décrit sa vision de ce que sera cette église au terme de son engagement qu’il fixe à 40 ans. Il est stupéfiant de constater que 43 ans plus tard, cette description très précise correspond parfaitement à l’église Saddleback qu’il confie à son successeur.
Comment décider d’un engagement important qui va nécessiter des années de labeur, sans d’abord avoir une idée précise d’où on veut arriver ?
Les entrepreneurs à succès sont généralement ceux qui ont une vision précise d’où ils veulent aller (UPI#10). Entreprendre sans trop savoir pourquoi, sur un coup de tête, ou simplement pour des motivations secondaires, voire même futiles, conduit rarement au succès. Il ne suffit pas de se lever un matin, de décider d’entreprendre pour que l’entreprise se mette automatiquement sur de bons rails.
Une fois la vision exprimée et murie, la décision d’entreprendre permet alors de démarrer la mise en œuvre des premières étapes du projet. En ayant fixé le cap, la vision ouvre la voie et la décision libère les énergies au service de cette vision.
Même si la route est parfois très longue, le point d’arrivée est défini et les chances d’y parvenir s’en trouvent très fortement augmentées.
Une fois la décision prise, la vision agit au quotidien comme une sorte d’assurance contre l’égarement, l’hésitation ou la perte de repères.
Comprendre la portée de sa décision
Même précédée par une vision, une décision majeure implique souvent son lot d’efforts et de sacrifices.
L’entrepreneure ou l’entrepreneur qui se lancent doivent considérer tout ce que cette décision implique dans leur vie :
un travail intensif et souvent assez solitaire,
un temps assez long avant de pouvoir se verser un revenu correct,
un investissement financier souvent non négligeable comparé au patrimoine,
une charge mentale importante qui peut nuire à la vie de famille,
des difficultés et des imprévus de tous ordres.
J’entends souvent des entrepreneurs dire que s’ils avaient su ce qui les attendait, ils n’y seraient pas allés. Une certaine dose d’inconscience voire d’insouciance permet sans doute aux entrepreneurs de décider de se lancer, mais une totale ignorance de ce qui les attend est un facteur très important d’échec.
Réfléchir, poser les questions fondamentales et avoir une idée des limites acceptables me semblent un pré-requis indispensable avant de se lancer. Je ne parle pas ici d’écrire un business-plan pour prédire la trésorerie de la cinquième année, mais bien de répondre aux questions en lien avec ses propres limites :
combien de temps puis-je tenir en vivant avec mes économies ou mes indemnités de chômage ?
combien d’argent suis-je prêt à perdre ?
combien d’heures par semaine suis-je capable de travailler sans m’épuiser ?
ma famille est-elle prête à faire les sacrifices nécessaires et à me soutenir quoi qu’il arrive ?
Une fois lancé, il y aura d’autres décisions stratégiques à prendre qui demanderont à leur tour de se poser et d’évaluer ses capacités ou celles de son équipe à faire face aux conséquences de la décision.
Comprendre les conséquences de ses décisions revient à lire les petites lignes d’un contrat de garantie avant de signer, ce qui permet par la suite d’éviter de tomber dans les situations non couvertes, et devoir ainsi faire un recours démesuré et très coûteux au service après vente.
Devenir redevable
Prendre une décision engageante seul dans son bureau, sans en parler à personne, est assurément une bonne façon d’échouer.
Nous sommes toutes et tous susceptibles de moments de faiblesse. Lorsqu’on est le seul à connaître sa décision, il devient simple d’abandonner ou de modifier les contours de la décision pour la rendre plus facile.
En partageant sa décision avec des personnes de confiance, avec son équipe, avec ses investisseurs, l’entrepreneur crée une dépendance vis-à-vis de ces personnes en les rendant témoins de son parcours. Pour ne pas les décevoir, il devra se tenir à ses décisions. Dans les moments difficiles, se savoir observé par des personnes que l’on apprécie, aide à tenir bon et respecter ses engagements.
Quelle que soit sa maturité, l’entrepreneur avisé a un ou plusieurs mentors à qui il se confie et qui jouent ce rôle de tiers de confiance qu’on ne veut pas trahir.
Comme le bon témoin de mariage soutient les mariés dans les moments plus difficiles, ou l’ami bricoleur assiste à la mise en place délicate de la chaudière, le témoin de la décision aide à tenir le cap quand le doute s’installe.
Chaque jour est un nouveau départ
Quel est le point commun entre Philippe Croizon qui réussit la traversée de la Manche alors qu’il est amputé des quatre membres, Sœur Mary Clarence qui conduit une classe dissipée à la victoire à une compétition de chorales à Hollywood dans le film Sister Act 2, ou le sixième titre de championne du monde de judo de Clarisse Agbegnenou après s’être arrêtée pendant un an pour une maternité ?
Bien sûr, ces exploits sont d’abord nés sous forme d’une vision très puissante, suivie d’une décision ferme. Mais la vraie raison du succès réside dans l’engagement, chaque jour renouvelé, de s’entraîner malgré la fatigue, l’ennui ou la souffrance.
Répéter quotidiennement une tâche dans l’optique d’obtenir un résultat décidé à l’avance, demande de la volonté et de la persévérance. Chaque jour, l’acte même de se mettre en mouvement est comme une répétition de la décision, une réaffirmation volontaire du contrat signé.
En huilant chaque jour les rouages, le moteur fonctionne beaucoup plus longtemps.
Agir de façon consistante
Les entrepreneurs les plus audacieux décident souvent de mettre en œuvre une stratégie à l’opposé des stratégies recommandées par les meilleurs livres ou les meilleurs consultants, et en tous cas à l’opposé de celle de leurs concurrents.
Elon Musk décide de récupérer ses lanceurs qui se posent sur terre après avoir larguer leur satellite. Steve Jobs décide de faire du design et de l’interface utilisateur les atouts de ses ordinateurs alors que ses concurrents se moquent de ces sujets. Jean-Antoine Granjon décide de vendre le vêtement haut de gamme en ligne, en jouant sur des ventes privées à durée limitée.
Ces stratégies qui ne faisaient pas partie du standard de leur métier, se sont finalement avérées payantes, car elles ont été suivies de nombreuses actions alignées avec l’objectif.
Chez SpaceX, l’innovation est au centre du projet. Impossible en effet de récupérer les lanceurs en utilisant les mêmes techniques que la NASA. Il a donc fallu innover en s’éloignant sérieusement des standards technologiques habituels de l’espace. Pousser tous les jours les ingénieurs experts formés aux approches conventionnelles à regarder ailleurs, a certainement demandé beaucoup d’entêtement à Elon Musk. Pour rendre cet exploit possible, il a fallu faire de nombreux essais, et réduire le temps entre les essais pour converger plus vite vers la solution. Ceci a conduit à une forte intégration de la fabrication des lanceurs pour gagner en réactivité, en compréhension des problèmes et en coût.
Je vois assez souvent des entrepreneurs qui m’annoncent avoir décidé d’une stratégie commerciale particulière. Quand je les revois quelques temps après et que je pose des questions pour comprendre quelles actions sont menées pour réussir cette stratégie particulière, je me rends compte que rien de différent et de spécifique n’est fait, ou bien que cela est fait dans des proportions trop faibles.
C’est l’alignement des actions à la stratégie et la consistance répétée dans l’action qui conduisent au succès, plus que le choix de telle ou telle stratégie.
C’est en agissant selon les instructions du manuel que l’on prolonge la durée de vie de la machine et que l’on réduit les pannes.
Mettre des jalons et célébrer les victoires intermédiaires
Une décision d’envergure vise généralement à atteindre des objectifs élevés.
“Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas” a dit un jour Lao-Tseu.
Atteindre des objectifs élevés passe inévitablement par définir des jalons intermédiaires précis et raisonnables.
Cette façon de découper le projet en étapes, permet de garder la motivation en offrant des victoires intermédiaires.
Jeff Bezos crée Amazon avec la vision de la boutique en ligne universelle. Il commence pourtant par ne vendre que des livres, suite à une longue réflexion sur le meilleur produit auquel consacrer tout d’abord son énergie.
Cette approche par étape permet aussi de valider le chemin. Chaque étape atteinte peut être célébrée comme une preuve que l’objectif final est lui aussi atteignable.
Célébrer le franchissement de chaque jalon et communiquer autour de cela renforce la crédibilité de l’entrepreneur et de sa marque, et construit un storytelling positif qui donne confiance aux clients.
Il est important de commencer tôt à valoriser les étapes au fur et à mesure de leur franchissement : premier magasin ayant signé un contrat de distribution, première chaîne de magasins déployant le produit dans une de ses régions, premier million d’euros de chiffres d’affaires, première distribution nationale, première boutique en propre, premier brevet, premier franchisé, etc…
En procédant pas étape, on rode la machine et on lui évite une surchauffe fatale.
Les 5 principes du SAV de la décision
Pour résumer l’importance de faire vivre une décision stratégique et non pas seulement de la prendre, voici la liste imagée des conseils à suivre, en assimilant une décision à un contrat :
prendre l’assurance qu’offre la vision établie avant la décision,
lire les petites lignes du contrat de décision pour comprendre à quoi on s’engage,
avoir un ami témoin de la décision en prévision des mauvais jours,
suivre le contrat d’entretien régulier,
suivre les instructions du manuel d’utilisation qui découle de la décision,
procéder par étapes sans vouloir directement aller à la dernière page.
Pour résumer de façon encore plus brève : soyez fidèles à vos décisions !
Cet excellent article (comme d'habitude) me renvoie à la décision que j'ai prise, il y a bientôt 30 ans, de vivre ma vie selon certains principes d'indépendance et d'autonomie malgré le handicap. Cela m'a demandé un engagement quotidien, beaucoup d'efforts et de sacrifices pour y parvenir. Et cela va même me demander encore plus d'efforts à l'avenir, mais c'est le cap que je me suis fixé et je ne lâcherai rien. Je rejoins absolument tout ce qui est évoqué dans ton article, même si ce dont je parle n'a rien à voir avec l'entrepreunariat. Merci Christian.