J’aime le vendredi soir. Non pas parce que le week-end est proche, mais parce qu’il offre de belles opportunités d’échanges. Aujourd’hui encore, comme cela arrive régulièrement, j’ai pu avoir une riche conversation avec deux jeunes collaboratrices.
C’est parti d’un débriefing suite au pitch d’un entrepreneur le matin même, pour ensuite s’élever dans un échange plus générique sur l’accompagnement des entrepreneurs pour se terminer dans une discussion presque philosophique sur la singularité.
C’est ainsi que l’on peut trouver du sens à son action, transmettre des valeurs et partager un socle commun solide. C’est aussi une source d’inspiration incroyable.
Je n’avais pas choisi de thème pour ce 117ème épisode d’Un pas dans l’inconnu, jusqu’à cette discussion quelques minutes avant le gong du week-end précédant la publication. Celle-ci m’a incité à vous entretenir de la liberté, un thème universel mais peu souvent traité dans le cadre professionnel.
A lire et relire
Dans cette rubrique, je vous propose de relire quelques articles anciens que je regroupe par thème.
Quelques anciens articles en résonance avec le thème de la liberté traité aujourd’hui :
#41 Être soi-même gagne du temps : gérer son temps ne se résume pas à des astuces.
#40 Allez au bout de vos rêves : l’exemple de Luc Boisnard qui a su être lui-même et réaliser son rêve.
#9 Être aligné rend plus libre : la cohérence libère de la duplicité.
La liberté est le thème fondamental de la déclaration universelle des droits de l’homme. Dans ses 30 articles, la déclaration mentionne 22 fois la liberté qui est la valeur la plus prisée de l’humanité.
Nous avons la chance de vivre dans un pays où la liberté de la déclaration universelle est réelle au point que nous pourrions en oublier sa valeur.
Mais qu’en est-il de notre liberté intérieure ?
Être un entrepreneur à succès, un innovateur disruptif, un manager serein, un salarié épanoui passe par une libération intérieure pour exprimer le meilleur de son potentiel.
L’esprit de l’entrepreneur se trouve à l’étroit dans le costume du salarié. Dès qu’il en a l’opportunité, l’entrepreneur se met donc à son compte pour retrouver sa liberté et exprimer son talent comme il l’entend.
Malheureusement, la liberté de ne pas avoir de chef est un leurre. Très vite, l’entrepreneur comprend que le client est plus exigeant que le manager, que le banquier est moins compréhensif que le patron, que les actionnaires attendent vraiment des résultats ! Si liberté signifie faire ce que l’on veut comme l’on veut, sans contraintes, je crains qu’être entrepreneur ne soit pas le bon choix.
La liberté de l’entrepreneur est tout autre. Porté par sa vision, l’entrepreneur est libre de construire un projet qui l’enthousiasme. Cette liberté de la page blanche s’apparente à celle de l’artiste qui exprime ce qu’il a au plus profond de lui-même.
J’ai vu nombre d’entrepreneurs s’enfermer dans leur passion. Au lieu de lever la tête, pour tenter de comprendre pourquoi à un certain moment la route est barrée, ils s’obstinent dans un chemin sans issue. Leur liberté devient une prison et la fin est souvent triste.
La liberté bien comprise demande de s’affranchir de ses propres turpitudes, de vaincre ses peurs et de contrôler ses pulsions. Être libre, ce n’est pas laisser son moi profond prendre les commandes de sa vie ou de son projet. Être libre, c’est prendre du recul, écouter pour discerner, trancher au bon moment, assumer ses décisions et admettre ses erreurs.
Celui ou celle qui entreprend (et pas seulement au sens de créer une entreprise) se lance dans l’action pour être en accord avec lui-même, exprimer sa vraie personnalité. Cet acte si fort est admirablement décrit par la championne Stéphanie Gicquel dans un post Linkedin de ce jour : “Quand la norme tend à nous enfermer dans une case et que la peur parfois s’en mêle, la peur de changer, la peur de décevoir, la peur de perdre ce que l’on a construit jusqu’à présent, on hésite, on tergiverse et on se fige la plupart du temps dans un quotidien qui n’est plus tout à fait épanouissant. Il suffit pourtant souvent d’une seule décision, d’un premier pas pour ouvrir à nouveau le champ des possibles, mais c’est l’étape la plus difficile à franchir. Devant la norme enfermante, la liberté d’être soi doit alors parfois se draper d’une cape d’insolence, d’un brin d’impertinence et d’opiniâtreté pour révéler son âme audacieuse. Mais c’est la plus belle aventure qu’il nous sera jamais donné de vivre.”
Combien de gens sont enfermés dans un rôle qui ne leur ressemble pas, prisonniers d’études qu’ils n’ont pas choisies et qui les ont menés à un métier qu’ils n’aiment pas, et tournent en rond dans un cadre de travail qui ne les épanouit pas ?
L’entrepreneur au sens large est celui qui prend sa vie en main pour la conduire sur les chemins qui lui conviennent. Le moment où on cesse d’être un passager de sa vie pour en prendre enfin les rênes est effectivement souvent insolent ! C’est le prix de la liberté !
La liberté passe parfois pas changer radicalement de vie, mais elle passe plus souvent par affirmer ses choix, exprimer son point de vue et refuser la pression sociale.
Le monde du travail fournit un cadre bien formaté d’expression des talents. Chaque métier, chaque entreprise, chaque profession a ses codes, sa culture, et sa bienpensance. La pression est très forte à rester dans le moule et revêtir l’uniforme invisible qu’on nous propose. Au fil des années, ce rouleau compresseur finit par broyer les personnalités, uniformiser les comportements et enfermer chacun dans une prison dorée. Quelle perte de richesse !
Être libre, c’est pourtant garder sa capacité à exprimer une opinion différente du groupe, à détecter les biais de confirmation, à prendre des décisions qui s’éloignent des attentes de l’entourage.
Cette semaine, j’étais invité à participer avec des dizaines d’autres personnes à une réunion d’une journée. Au vu de l’institution invitante, je suis certain que la plupart des personnes ont libéré leurs agendas pour y participer. Au lieu de cela, j’ai d’abord questionner l’hôte en essayant de bien comprendre l’objet de la réunion, le sens de la démarche et la méthode qui serait utilisée. Au vu des réponses et considérant l’inefficacité de l’approche et le manque d’objectifs, j’ai décidé de ne pas participer. Ma réputation ne va peut-être pas s’améliorer.
Devant de telles situations ou d’autres bien pires, si chacun au lieu de faire le dos rond et d’accepter les injonctions d’autrui, osait exprimer sa liberté, bien des choses commenceraient à s’améliorer dans le fonctionnement des entreprises et des institutions.
C’est de cette liberté de refuser un consensus, de ne pas admettre le status quo, de porter un regard différent sur les situations, de changer de point de vue que se nourrit l’innovateur.
Richard Branson, le turbulent entrepreneur britannique à l’origine entre autres de la compagnie aérienne Virgin Atlantic a dit un jour : “L'innovation se produit lorsque les gens ont la liberté de poser des questions et les ressources et le pouvoir de trouver les réponses.”
La liberté de poser des questions n’existe pas dans beaucoup d’entreprises ou d’institutions. Bien sûr les questions naïves de celui qui ne comprend pas sont possibles, mais les questions impertinentes de celui qui comprend qu’il y a un problème dérangent beaucoup. Je l’ai souvent appris à mes dépens ! D’ailleurs personne ne répond aux questions impertinentes, car personne ne souhaite se remettre en cause.
Les grandes entreprises et les administrations sont particulièrement fortes pour mettre en place des fonctionnements dont plus personne ne finit par savoir à quoi ils servent, mais qu’il faut pourtant absolument respecter. Malheur à celui qui a l’outrecuidance de le faire remarquer ! La liberté de chacun, la liberté de conscience de chacun je serais tenté de dire, est passée à la trappe et personne ou presque ne s’en offusque.
Qui pose des questions impertinentes ? Les enfants ! Ce n’est pas par hasard, qu’on dit souvent que pour innover, il faut retrouver son âme d’enfant ! Car innover c’est avant tout poser des questions qui dérangent !
Pour conclure, je remets ici cette phrase magnifique et si juste de Stéphanie Gicquel : “La liberté d’être soi doit alors parfois se draper d’une cape d’insolence, d’un brin d’impertinence et d’opiniâtreté pour révéler son âme audacieuse.”
Puisse chacune et chacun de vous enfiler sa cape d’insolence et retrouver sa liberté intérieure. Le monde a besoin de gens libres et nous sommes trop peu nombreux.