Nous venons de vivre une année particulière, c’est le moins qu’on puisse dire. Elle a été très difficile pour certains qui ont été plus impactés du fait de leur profession, et s’est révélée très frustrante pour beaucoup d’entre nous.
Nous avons dû modifier nos habitudes de travail, apprendre de nouvelles façons d’interagir, revoir nos pratiques. Nous avons perdu beaucoup de la convivialité qui fait le piment de la vie, nous avons dû restreindre nos déplacements et notre univers s’est ainsi rétréci.
A l’aube d’une nouvelle année, chacun de nous espère que comme par magie, le fait de changer d’année, va produire un '“reset” automatique, que nous allons revenir au mode de vie normal et que 2020 n’était qu’un mauvais cauchemar.
Ce rêve alimente nos vœux. Nous espérons qu’en formulant ceux-ci, nous hâterons le retour à la normale.
L’espoir fait vivre dit le dicton. Qu’en est-il réellement? Est-ce une promesse ou une croyance qu’on agiterait à la façon du professeur Coué? Les voeux sont-ils suffisants?
Avant de commencer
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L’espoir est un rituel
L’espoir est souvent formulé comme l’attente impuissante d’un évènement heureux, d’un jour meilleur: “j’espère qu’il fera beau demain”, “j’espère qu’il n’y aura pas de troisième vague”.
Même s’il est toujours encourageant d’entrevoir une issue positive, cette forme banalisée de l’espoir n’est de presque aucun secours. Il s’agit plus d’un rituel convenu que d’une attitude positive et entraînante.
Ce trompe-l’œil est d’ailleurs souvent démasqué par un ironique “l’espoir fait vivre” répondant à une affirmation trop idéale d’un avenir espéré radieux.
L’espoir ainsi formulé relève de l’incantation quasi magique, et ainsi dédouane de toute prise d’initiative. Si la situation perdure, et que cet espoir boucle dans nos cerveaux, il agit comme un sédatif et nous installe dans une acceptation fataliste de la réalité.
A entendre les vœux formulés à chaque rencontre, je me demande si nous ne sombrons pas collectivement dans cet espoir stérile d’un lendemain qui redeviendrait chantant.
L’espoir focalise sur le problème
En répétant à longueur de semaine que nous espérons en finir avec le télétravail, revenir à une vie normale, recommencer à voyager, retourner au restaurant, nous focalisons notre attention sur ce qui ne va pas.
Paradoxalement, le vœu au lieu de nous entraîner vers une attitude positive, renforce notre conscience du manque. La souffrance étant la conscience de la différence entre un état réel et un état désiré, celle-ci s’en trouve augmentée.
Il serait nettement plus encourageant de partager ce que la situation a pu avoir de positif pour nous.
Pour ma part, je l’ai déjà évoqué dans “Un pas dans l’inconnu #32”, j’ai commencé à me peser tous les jours au début du premier confinement et j’ai ainsi perdu 7kg. Autre conséquence positive de la situation sur ma santé, le fait de ne plus pouvoir aller au restaurant, m’a permis de manger moins de viande et de sucre et ainsi de résoudre mon problème de reflux gastro-œsophagien chronique et de supprimer le traitement qui allait avec. Au bout de quelques mois, je me trouve en bien meilleure forme !
Et vous, que vous est-il arrivé de positif depuis le mois de mars? Qu’avez-vous changé dans votre vie pour le mieux, qu’avez-vous appris, qu’avez-vous compris?
En focalisant votre attention sur ces points positifs, voire très positifs, vous allez certainement être beaucoup plus encouragés et remotivés, qu’en formulant des vœux impuissants de retour à la normale.
L’espoir détourne de l’action
L’espoir est un des piliers de l’entrepreneuriat. On dit souvent que pour entreprendre, il faut avoir un solide espoir en l’avenir, être résolument optimiste et croire en sa réussite malgré les difficultés.
Ceci est vrai et je peux le constater tous les jours avec les entrepreneures et les entrepreneurs que nous accompagnons.
Cependant, j’ai aussi pu voir à de nombreuses reprises la situation suivante: quand les difficultés sont là, quand les caisses sont vides, quand les clients ne sont pas au rendez-vous, cet espoir devient une bouée percée: croire à une aide de bpifrance qui ne viendra jamais au vue de la situation des fonds propres, croire en une commande d’un gros donneur d’ordre qui avait dit qu’il était intéressé il y a plusieurs mois, croire au business angel fortuné qui va investir rapidement, croire à l’aide de la mairie ou du département pour sauver une startup tellement médiatisée, croire à la campagne de crowdfunding qui va fournir en quelques semaines les dizaines de milliers d’euros nécessaires, sont des mirages qui détournent l’entrepreneur de la vraie action ou de la vraie décision.
Pendant plusieurs années, un entrepreneur m’a affirmé que la fédération professionnelle de son secteur allait passer un accord de licence pour distribuer sa solution à tous ses membres. Il était persuadé que c’était la bonne solution et il avait chaque jour l’espoir que cela se ferait. Combien de fois lui avons-nous dit de laisser tomber et de faire du commerce classique avec chaque entreprise membre en direct. Au bout de plusieurs années, la fédération a finalement dit non. Il est alors allé voir des entreprises en direct et a commencé à faire ses premières ventes. Que de temps perdu!!
L’espoir qui n’est pas fondé sur des faits concrets n’est souvent qu’une illusion et une branche pourrie à laquelle se raccrocher est très dangereux.
L’espoir ne suffit pas
Martin Luther King, Gandhi, de Gaulle, Mandela ou les femmes et les hommes anonymes qui sont sortis des camps de concentration, ne sont-ils pourtant pas des modèles, qui tendent à prouver que l’espoir indestructible permet de garder le cap et de renverser les situations tragiques?
Pendant les fêtes, j’ai vu un documentaire sur la catastrophe du vol Fuerza Aérea Uruguya 571 qui s’est crashé le 13 octobre 1972 dans la Cordillère des Andes, avec 45 passagers à bord. Les survivants s’organisent pour attendre les secours. Il est certain à ce moment que leur espoir dans l’arrivée rapide d’hélicoptères pour les sauver est maximum.
Hélas, après 8 jours, ils apprennent à la radio que les recherches sont abandonnées. Après s’être décidé à manger la chair de ceux qui sont morts et avoir perdu huit personnes supplémentaires dans une avalanche, ils comprennent qu’il n’y a plus d’espoir. Aucun retournement de situation, aucune évolution météo, aucun voyageur passant par hasard ne pourront les sauver.
Nando Parrado et Roberto Canessa ne veulent pas admettre cette issue. Au prix d’un incroyable exploit physique et mental, ils vont pas après pas, réussir à atteindre la vallée après 10 jours de marche en haute montagne sans équipement et sans expérience. Ce courage a permis de sauver 16 personnes.
Lorsque la situation est désespérée, l’espoir tourné vers un facteur externe ne suffit plus. Il faut un moteur interne et une confiance en l’avenir. Nando a perdu sa mêre et sa sœur dans le crash. Il aime tellement son père, qu’il veut pouvoir lui annoncer qu’il n’a pas tout perdu. Il aspire à créer une famille et à aimer à son tour des enfants. C’est cet amour, qui va lui donner la force de sortir de cet effroyable cauchemar.
Ce ressort intérieur qui anime ceux qui traversent remarquablement les épreuves de la vie a un nom: c’est l’espérance.
Au delà de l’espoir, l’espérance
L’espoir est une attente presque égoïste, un désir tourné vers soi-même, une impatience à sortir du mauvais passage.
L’espérance est une certitude, un regard positif posé sur le temps long, une croyance dans un “happy end” fondée sur des valeurs solides.
Pour Nando, c’est l’amour qui porte son espérance. Pour Gandhi, c’est la certitude que la justice est légitime.
Parce qu’elle est fondée sur des valeurs solides et universelles, sur des croyances fortes, l’espérance est un moteur puissant et intemporel. L’épreuve aussi difficile soit elle, ne peut effacer l’espérance.
Les leçons de Nando et Roberto
Concrètement, que pouvons-nous apprendre de l’expérience de Nando et Roberto qui s’appliquerait au quotidien de l’entrepreneur et du manager confronté à des difficultés.
se fixer un objectif précis: après avoir attendu les secours et compris qu’ils ne viendraient plus, Nando et Roberto se fixent un objectif précis: gravir tel sommet, marcher dans telle direction, et atteindre la vallée pour retrouver la civilisation, et revenir sauver les autres.
imaginer une route vers cet objectif: avant de partir, ils ont préparé l’expédition pendant plusieurs jours, inventé des solutions pour se protéger du froid, se chausser. Ils ont fait des essais en s’éloignant du camp avant d’y revenir. Sans chemin plausible, mentalement visualisé, l’espoir est vain.
passer à l’action: un jour, ils ont décidé d’y aller, dit au revoir à leurs compagnons, dépassé leurs peurs, rassemblé leurs provisions et leurs équipements de fortune et sont partis.
vivre le présent: une fois en route, il n’est plus question de regretter le passé (“nous aurions dû rester à l’abri dans la carlingue”) ou rêver le futur. Il faut seulement se concentrer sur ce qu’il y a à faire au présent: mettre un pied devant l’autre, faire attention à chaque cailloux, se protéger du froid, s’alimenter, trouver un abri pour passer la nuit. Chaque pas aussi minime soit-il les rapproche de l’objectif.
rester motivé: c’est là que la confiance et la volonté rentrent en jeu. C’est là aussi que la dimension supérieure de l’espoir qu’est l’espérance aide fortement, en fournissant des valeurs supérieures sur lesquelles s’appuyer.
Sans le savoir, Nando et Roberto ont appliqué les principes de la théorie de l’espoir du psychologue américain Charles R. Snyder, qui modélise l’espoir avec une composante opérationnelle (la capacité à imaginer des routes vers les objectifs) et une composante motivationnelle.
Charles Snyder intitule un de ses articles à propos de cette théorie: “théorie de l’espoir, des arcs-en-ciel dans l’esprit”. Je trouve cette image magnifique tant le symbole biblique de l’arc-en-ciel matérialise la promesse des jours heureux après le déluge.
Un vœu pour 2021
Au début de cette année, qui demandera encore bien des pas dans l’inconnu, je formule un vœu pour chacun d’entre nous :
Que nous puissions dépasser le stade de l’espoir incantatoire stérile et nous mettre en mouvement vers des objectifs précis, au travers de routes que nous avons imaginées, en vivant pleinement le présent, portés par une espérance forte.
Bonne année 2021 !
P.S.: c’est moment de relire Un pas dans l’inconnu #2: “Les vœux ne servent à rien, sauf…”
Pour aller plus loin
I will survive: un article du Guardian sur l’histoire de Nando Parrado
La théorie de l’espoir: un article de revue en français par Y. Delas & co.
La minute d’informations
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