#48 Équilibre et décision
les leçons entrepreneuriales et managériales de Barack Obama (partie 1)
834 pages. Je crois que c’est le plus gros livre que j’ai jamais lu. En 5 jours autour de Noël, j’ai dévoré Une terre promise, le premier tome des mémoires de Barack Obama.
Depuis son apparition dans l’espace médiatique lors de sa première campagne en 2007, cet homme m’intéresse. Intuitivement, je me sens en phase avec ce qu’il dégage. Peut-être que le fait que je sois né le même jour que lui (un an après toutefois) y est pour quelque chose ?!
En lisant le livre qui prend parfois des allures de thriller, je me disais qu’il était plus qu’un témoignage historique, qu’un making-of de sa première présidence. Il est une véritable leçon de vie, l’expression d’un modèle de la personne en responsabilité.
Progressivement, je pensais qu’il serait intéressant de dégager les leçons à appliquer pour les entrepreneurs et les managers. En rédigeant, je me suis rendu compte que même si je suis loin d’avoir relevé toutes les leçons, j’avais trop de matière, pour un seul article. Il y aura donc une suite la semaine prochaine !
PS : Le fait que j’aborde ce sujet n’est pas relié aux évènements américains de la semaine dernière. J’avais débuté cet article avant que ceux-ci n’aient lieu et j’ai décidé de maintenir sa parution comme prévue.
Avant de commencer
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Tout au long des pages de ce premier tome, le Président Barack Obama raconte sa jeunesse, son engouement pour la politique et les affaires publiques, sa première campagne locale à Chicago, son premier mandat de sénateur de l’Illinois puis de sénateur des États-Unis, sa campagne et son élection présidentielle et enfin son premier mandat de Président.
Outre le récit détaillé des moments clés de ces différentes périodes, Barack Obama livre ses analyses de la situation, partage ses doutes et ses convictions, explique ses choix, sa stratégie, admet ses erreurs, livre ses émotions.
Empreint de sincérité, ce récit haletant d’une vie hors du commun permet de mieux appréhender la réalité et la difficulté de l’exercice du pouvoir. Il illustre parfaitement les notions complémentaires de Vision (Un pas dans l’inconnu #10), Mission (UPI #10) et Ambition (UPI #20) qui, bien articulées, permettent d’accomplir des choses extraordinaires.
Plutôt que de tenter une analyse globale et d’en tirer un modèle abouti, ce qui nécessiterait une travail plus approfondi, je préfère une approche plus impressionniste, en relevant au détour des pages des traits récurrents qui m’apparaissent sous-tendre les déterminants du succès.
Je ne prétends donc pas avoir fait une extraction exhaustive des attitudes et comportements du leader exemplaire, mais j’ai seulement identifié des éléments qu’il est possible d’appliquer pour toute personne exerçant des responsabilités dans une entreprise.
L’humour bien souvent oubliée
“Bien, ai-je dit, en me tournant vers l’équipe. Vu qu’il est trop tard pour demander le recomptage des votes, que peut-on faire pour réduire cette probabilité ?” (p. 308)
A peine élu en décembre 2008, Barack Obama prend connaissance auprès des experts économiques de l’évolution gravissime de la crise des subprimes, qui leur fait dire que la probabilité d’avoir une crise de même ampleur que celle des années 30, avec des millions de chômeurs est de “un sur trois”.
Constatant que ce n’est pas le meilleur moment pour être élu, mais qu’il ne peut échapper à sa responsabilité, le Président fait un trait d’humour, comme très souvent dans le livre (autre exemple p. 498). Même s’il est léger, celui-ci dénote un état d’esprit.
L’humour même dans les moments les plus graves est une respiration de l’esprit. Il détend l’atmosphère et permet à chaque participant à une discussion de reprendre son souffle, de desserrer la pression et donc d’augmenter la capacité collective à résoudre les problèmes.
Le sport, antidote du stress
“Le basket m’a offert un autre refuge salutaire. […] Ces matchs improvisés symbolisaient pour moi une continuité, un lien avec la personne que j’étais autrefois. […]” (pp. 659-660)
On pourrait penser que le Président d’un grand pays a autre chose à faire que de jouer au basket (ou au billard, ou au poker) avec des membres de son équipe.
Cependant, aussi grandes soient les responsabilités, aussi importante soit la charge de travail, nous demeurons tous des humains ayant besoin de faire un break, d’évacuer le stress, d’entretenir notre corps, de nous divertir.
Cet équilibre évident sur le papier, mais pas forcément simple à mettre en œuvre demande avant tout la capacité à s’autoriser une pause.
Il existe des constructions psychologiques issues du passé, de l’éducation, des pressions familiales qui empêchent certains de s’autoriser une pause dès lors qu’ils ont le sentiment d’avoir des devoirs plus importants à accomplir.
J’ai longtemps été victime de cette croyance limitante et je ne peux pas affirmer que j’en sois complètement débarrassé, mais j’ai maintenant assez de recul pour en déceler la nocivité et intervenir avant qu’il ne soit trop tard.
La famille est un pilier
“Pendant les années suivantes, j’ai mené une vie plus tranquille, pleine de petits bonheurs ordinaires, satisfait de l’équilibre auquel il me semblait être parvenu. Je prenais un plaisir immense à aider Malia à enfiler son premier collant de danse, ou à me promener avec elle dans le parc en la tenant par la main; à regarder la petite Sasha éclater de rire quand je lui mordillais les pieds; à écouter la respiration de Michelle ralentir, sa tête posée sur mon épaule, quand elle s’endormait au milieu d’un vieux film.” (p. 65)
La famille est omniprésente dans le livre. Il ne se passe pas dix pages, sans qu’une anecdote, une réflexion, un regret, une pensée n’implique un membre de la famille proche. De tout ce qui est partagé avec une très grande honnêteté, on ressent un amour profond pour Michelle, ses filles, sa mère, sa sœur, ou sa belle-famille.
Dans chaque décision importante, à chaque étape clé, à chaque moment difficile, la prise en compte de la vie familiale, la recherche d’un équilibre, l’attention aux sentiments et au bien-être des autres membres sont là.
A tous ceux qui se posent des questions sur l’équilibre vie personnelle/vie professionnelle, aux entrepreneures et entrepreneurs qui redoutent l’impact de leur activité sur la vie de famille, la lecture du livre apportera des exemples concrets et réalistes de quelqu’un qui a toujours mis cette question au centre de ses décisions.
Après tant d’année et avec un tel parcours, et pour autant qu’on en sait, on peut dire qu’il a réussi.
Savoir se poser des questions
“Mais les faits sont têtus, et je me retrouve avec la même série de questions, qui me taraudaient à mes débuts dans les cercles associatifs. Est-il utile de décrire le monde tel qu’il devrait être, alors que les efforts déployés pour faire advenir ce monde seront insuffisants ?” (p.459)
J’ai rarement lu un livre autobiographique où l’auteur partage aussi souvent les interrogations, les questions parfois existentielles qui le traversent.
Cette capacité à interroger ses certitudes, ses croyances, sa pratique, son raisonnement, est essentielle à l’atteinte d’objectifs ambitieux, et au-delà même à l’équilibre personnel.
Loin d’être grisé par les attributs du pouvoir et l’illusion d’être arrivé, et donc d’avoir raison, Barack Obama réfléchit, remet en cause ses a priori et interroge les situations, chaque fois qu’un évènement, un moment particulier l’interpelle.
Au delà de cet exercice d’introspection personnel, il questionne aussi son entourage, les experts et les sages pour l’aider à avancer.
Pour un entrepreneur et un manager, cette pause réflexion évitera de sombrer dans la recherche d’un but inatteignable, la pratique “seul contre tous” du pouvoir ou la perte de sens générée par la fuite en avant compulsive.
Décider sans trembler
“ - Mike? ai-je fait. Vous m’entendez ?
- Je vous entends, monsieur le Président.
- Vous avez mon autorisation.” (p. 788)
C’est par ces quatre mots prononcés à travers un téléphone portable civil, lors d’un voyage officiel au Brésil, que Barack Obama a engagé l’armée américaine dans les bombardements en Libye.
Tout au long du livre, il détaille les décisions difficiles qu’il a dû prendre, que ce soit dans les crises économiques, les situations de guerre en Irak ou en Afghanistan, la catastrophe environnementale de la marée noire provoquée par la plateforme Deepwater Horizon et bien d’autres encore.
A chaque fois le processus est le même: briefing sur le sujet, écoute des points de vue contradictoires, beaucoup de questions, prise de conseils auprès de personnes plus éloignées, réflexion, contre-proposition éventuelle et décision ferme et définitive.
Toutes les décisions qui remontent à un Président sont difficiles. Les autres ont été tranchées en dessous. Aucune des décisions qu’il a à prendre n’a de réponses évidentes, et toutes ne sont qu’un arbitrage entre diverses probabilités.
Barack Obama exprime ainsi la force de ce processus décisionnel : “Avec une méthode claire - qui me permettait de mettre de côté mon égo et de véritablement écouter, de m’appuyer de mon mieux sur des informations tangibles et la logique, en les abordant à l’aune de mes objectifs et de mes principes - , j’ai constaté que je pouvais prendre des décisions difficiles et néanmoins bien dormir la nuit, sachant au minimum que personne dans ma position, disposant des mêmes informations, n’aurait pris de meilleures décisions.” (p. 376)
S’il est un rôle ultime et non délégable du dirigeant, c’est bien celui de prendre une décision. Travailler la qualité de ce processus pour atteindre la sérénité est surpuissant.
Ceci ne garantit pas que la décision prise soit la bonne. De temps en temps, les évènements ont fait regretter à Barack Obama d’avoir pris une décision. Qui ne se trompe jamais ?
A la veille de prendre une des décisions les plus difficiles de son mandat (l’intervention des Navy SEALS au Pakistan dans la maison dont les services secrets pensaient qu’elle abritait Oussama Ben Laden, sans en avoir la certitude), Barack Obama écrit d’ailleurs: “La possibilité de l’échec était devenue une présence habituelle, que je ne remarquais presque plus. Chaque fois, avant d’agir, j’avais évalué les probabilités, calmement et souvent tard le soir. […] Je me rendais compte que toutes les erreurs que j’avais commises et toutes les ornières dont j’avais dû nous tirer m’avaient, à leur manière, préparé à cet instant. Et même si je ne pouvais préjuger des résultats de ma décision, j’étais parfaitement confiant et prêt à la prendre.” (p. 815)
La caractéristique essentielle d’une décision est sa clarté. Barack Obama nous donne mille exemples de décision limpides, formulées en quelques mots, qui permettent ensuite aux équipes d’engager sans ambiguïté la mise en œuvre. Noyer le poisson ne fait pas partie de la caisse à outils du dirigeant performant.
Agir quand il le faut
“- J’y vais.
- Alors bonne chance”.
Là dessus, elle [Angela Merkel] a haussé les épaules en penchant la tête, la bouche tirée vers le bas et les sourcils légèrement levés: une expression trahissant son habitude des nécessités déplaisantes. […]
”- Parfait, ai-je dit en me tournant vers Hillary [Clinton]. C’était quand la dernière fois que tu t’es incrustée dans une fête ?”
En riant, elle m’a répondu: “çà fait un bail”, avec un air de jeune fille rangée qui décide soudain de se lâcher. [...]
Hillary et moi sommes passés devant les agents et entrés dans la salle, laissant dans notre sillage une empoignade assez bruyante entre la sécurité et nos conseillers.
”- Alors, Wen [premier ministre de Chine], on y va ?”, ai-je lâché en regardant la mâchoire du dirigeant chinois se décrocher. J’ai ensuite fait le tour de la table pour serrer toutes les mains. “Messieurs ! J’ai eu du mal à vous trouver. Bon, on en est où de cet accord ?” (p. 629-630).
Cet extrait un peu long fait partie du récit hallucinant de la façon dont Barack Obama a obtenu in extremis un accord à la conférence sur le climat de Copenhague.
Alors que la situation était enlisée, il a pris sur lui d’agir, en rompant tout ce que le protocole diplomatique propose de bonnes manières et en agissant comme un “gangster” comme lui fera remarquer un de ses conseillers à la fin.
Hormis cette prise de risque et cette façon directe d’agir, vous noterez qu’une fois de plus l’humour a permis une percée significative.
Équilibre et décision
Parmi les très nombreuses leçons managériales du Président Obama, j’ai regroupé dans cette première partie la façon de préserver son équilibre (humour, sport, famille) et celle de prendre des décisions, car ce sont les deux facettes d’une même réalité.
On ne peut bien décider sans un équilibre personnel et la sérénité qui va avec. Inversement, en prenant de bonnes décisions, on préserve les conditions de la sérénité et de l’équilibre personnel.
Que cette réalité nous anime pour notre bien et le bien de ceux qui nous entourent et de ceux qui dépendent de nous.
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Excellent article merci... Et d'ailleurs je file dans mon librairie préférée !