Pour la dernière émission de la saison 2 de “Qui veut être mon associé ?” le sujet de la marque est apparu à plusieurs reprises. Cela faisait longtemps que je voulais l’aborder car il est central dans de nombreux business. Je vais donc m’y engouffrer pour terminer cette mini-série de trois articles.
Le nom de l’entreprise, la marque liée au produit, le logo, la baseline, la plateforme de marque; autant de notions cruciales et pourtant pas toujours maitrisées par les entrepreneures et les entrepreneurs.
Ces sujets importants peuvent déterminer la réussite d’une entreprise. Ils sont à considérer au début quand on n’est pas forcément encore armé pour les embrasser pleinement.
Que faut-il prendre en compte au moment de choisir sa marque ? Que faut-il comprendre pour ne pas faire d’erreurs ? Existe-t-il des règles simples ?
J’ai lu pour vous
A chaque parution, je vous partage 2 ou 3 articles que j’ai lus ou vidéos que j’ai visionnées. Les contenus de qualité sont nombreux et lire ce que recommande des personnes de confiance est une façon de gagner du temps. J’espère jouer ce rôle pour vous.
Conférence d’Oussama Amar à MonacoTech (2019) : Les 3 ingrédients qui font un écosystème tech. Oussama Amar a une capacité pédagogique extraordinaire pour expliquer simplement les dynamiques en cours dans le fonctionnement de l’économie, dans la dynamique entrepreneuriale nouvelle créée par internet, couplée à un talent de storyteller unique. Ses conférences sont un spectacle.
L’histoire du fondateur de Ledger et de Coinhouse (2021), une vidéo témoignage d’Eric Larchevêque qui raconte son parcours d’entrepreneur et l’histoire incroyable de la licorne Ledger.
Alors qu’ils étaient persécutés par les Romains, les premiers chrétiens se retrouvaient grâce à un symbole représentant un poisson stylisé. Le poisson s’écrit ICHTUS en grec, et se trouve aussi être l’acronyme de Jésus-Christ, Fils de Dieu, Sauveur. Ce symbole a perduré au travers des siècles et se rencontre encore aujourd’hui sous forme d’autocollant à l’arrière des voitures de certains chrétiens.
De tous temps, les hommes ont eu besoin de se regrouper en communautés de pensée, de foi ou d’intérêts, ce qui les a conduit à adopter des signes distinctifs pour marquer et affirmer leur appartenance.
Les sceaux, les emblèmes et les écussons du passé étaient des logos avant l’heure.
Dans le domaine commercial aussi, la coutume de marquer ses produits de signes distinctif est ancienne. Les potiers romains marquaient leurs amphores tout comme les forgerons du Moyen-Age marquaient leurs épées. Ces marquages étaient aussi utilisés comme protection contre la contrefaçon.
C’est au XIXème siècle que le droit des marques a été promulgué, ouvrant la voie à une utilisation massive de ces éléments distinctifs pour caractériser la production d’une entreprise.
La marque n’est pas qu’un nom
Lorsqu’ils lancent leur projet de création d’entreprise, trop peu d’entrepreneurs comprennent l’importance de la marque.
La marque n’est pas seulement le nom d’une entreprise ou d’un produit. Choisir un nom de marque, ce n’est pas comme donner un prénom à un enfant. La marque est un actif immatériel de l’entreprise qui si elle est bien choisie, bien exploitée et bien valorisée peut représenter une énorme valeur.
La marque est importante pour toutes les entreprises mais encore plus pour les entreprises qui n’ont pas de propriété intellectuelle forte.
Si vous détenez plusieurs brevets sur un produit génial, vous disposez déjà d’un atout différenciant fort. Si ce n’est pas le cas, alors votre produit ressemble à celui de la concurrence et quasiment la seule façon de se distinguer est de travailler sur la marque.
Kevin Rodrigues Bastos et Sofiane Harrabi ont fondé “ça roule Raoul”, un service de conseil pour l’achat d’un véhicule d’occasion. Lors de leur passage à “Qui veut être mon associé ?”, les fondateurs ont été copieusement challengé par les investisseurs et sont repartis bredouille. Les investisseurs ont unanimement reconnu que le nom de la marque était bien trouvé. Par contre le discours autour de la marque, l’ambition, le storytelling et le bon modèle économique n’étaient pas là. Jean-Pierre Nadir leur a même reproché d’utiliser une photo qui les identifie à de simples garagistes. Le bon nom n’est pas suffisant.
La plateforme de marque
La richesse, la complexité et la valeur d’une marque sont décrites au travers de ce qui est communément appelé la plateforme de marque.
Il n’y a pas qu’une définition de la plateforme de marque et suivant les auteurs celle-ci peut comprendre plus ou moins d’éléments. Le tronc commun de la plateforme de marque comprend la vision (UPI#10), la mission (UPI#16), l’ambition (UPI#20), les valeurs, la promesse et le caractère.
Ces éléments qui se construisent au cours du temps définissent ce qui va au delà du simple nom de la marque, caractérise son identité, et qui fait pratiquement d’elle une personne.
Les marques emblématiques, mythiques peuplent nos souvenirs et notre quotidien et nous accompagnent presque comme des amies voire des amantes.
Les concepts élaborés dans la plateforme de marque prennent vie au travers des éléments visuels (le logo, la charte graphique, le design des produits, le packaging), des éléments textuels (la baseline, les slogans, les publicités) ou des éléments narratifs (vidéos publicitaires, stories, opérations promotionnelles).
Lors de leur passage à “Qui veut être mon associé ?”, Lyly et Mickaël les fondateurs de la marque d’imperméables Flotte, ont fait forte impression. Malgré leur storytelling impeccable et touchant, malgré de beaux produits et un chiffre d’affaires significatif, ils ont essuyé quelques critiques de la part des investisseurs sur leur marque.
L’imperméable est un produit banal, pas spécialement fun et il existe déjà une offre pléthorique. Réussir dans ce secteur nécessite donc une marque très forte, dotée d’un univers riche.
Eric Larchevêque leur a en particulier reproché d’induire le consommateur en erreur avec leur logo qui ressemble à une cocarde française alors que les produits sont fabriqués à l’étranger. Une marque forte ne tolère aucun écart d’alignement avec ses valeurs.
Anthony Bourbon les a incité a travailler beaucoup plus le côté “pluviophile” pour fédérer la communauté des gens positifs. Le site web de la marque met aujourd’hui en avant le fait que sans la pluie, il n’y a pas de vie ! C’est en référence à l’arc-en-ciel qui annonce le beau temps après la pluie, que se décline la gamme des couleurs de la collection. Anthony Bourbon les pousse encore à aller plus loin en organisant des évènements et des promotions les jours de pluie qui doivent être attendus avec impatience par le consommateur !
La marque fédère une communauté
Plus la marque présente un univers fort, plus elle va fédérer autour d’elle une communauté de gens qui s’y reconnaissent.
Une marque puissante parle à ses fans qui vont s’identifier à son discours.
Nous développons avec nos marques favorites une relation qui peut parfois être fusionnelle. Il n’y a qu’à échanger avec des fans d’Apple pour comprendre ce que veut dire l’engagement et la fidélité à une marque.
Lorsque notre marque favorite nous déçoit nous éprouvons un sentiment de trahison et la réaction peut être violente.
En 2016, Toblerone décide de modifier la forme de sa célèbre barre de chocolat. Pour compenser la hausse des matières premières et garder le même prix, la marque décide d’augmenter l’espace entre les pics, diminuant ainsi la quantité de chocolat. Il s’ensuit un déluge d’avis négatifs et de moqueries sur les réseaux sociaux, créant ainsi un “Tobleronegate”. Le design iconique de la barre triangulaire ayant perdu son harmonie, les fans se sentent trahis même si le goût reste identique. Toblerone est plus qu’un chocolat !
Quel que soit son domaine d’activité, une marque forte nous rassure. Au delà du simple produit, nous sommes sensibles à tout cet environnement créé autour de la marque qui nous la rend familière. Face à deux produits identiques, nous irons plus spontanément vers un produit de marque connue. C’est donc tout le travail du marketing que d’imprimer les esprits des consommateurs de cet univers de la plateforme de marque qui fera peser la balance en sa faveur.
Le nom, porte d’entrée de la marque
Vous l’avez compris, une marque ce n’est pas seulement un nom. Cependant le nom et son acolyte quasi indissociable le logo sont les portes d’entrée de la marque, sa devanture. La porte d’entrée dit quelque chose de l’immeuble. Une porte cochère cossue laisse présager d’un hôtel particulier de style, une large porte vitrée laisse deviner l’intérieur d’une maison accueillante et lumineuse, et une porte délabrée annonce un immeuble en piteux état. Il en va de même pour le nom et le logo.
Sans être exhaustif sur le sujet, voici quelques conseils de base pour éviter des erreurs grossières au moment de choisir le nom de sa marque :
la marque doit parler à la cible : Lorsque “La ruche à vélo” qui développe des parkings automatisés pour les vélos se présentent à “Qui veut être mon associé ?”, Eric Larchevêque relève immédiatement l’inadéquation de la marque avec le marché. Le marché est mondial et la marque très franco-française. Choisir le nom de sa marque suppose d’avoir bien identifié sa cible et d’être sûr de l’alignement du nom avec la cible visée.
la marque doit respecter la propriété intellectuelle : chaque jour qui passe rend le choix d’un nom de marque plus complexe, car il en existe déjà tellement. Choisir un nom qui n’est pas déjà une marque déposée, ou trop proche d’une marque déposée, dont le nom de domaine est libre est très difficile. Il ne faut pourtant pas négliger l’étape de la propriété intellectuelle, car elle peut sinon coûter cher plus tard. Même sans être une entreprise commerciale, Laval Mayenne Technopole que je dirige a dû à trois reprises dans les 15 dernières années, se confronter à une question de propriété intellectuelle de marque.
la marque doit être facile à trouver : la marque doit être facile à trouver sur les moteurs de recherche. En choisissant un nom commun, vous vous compliquez sérieusement la tâche. La marque Flotte citée plus haut, n’apparaît qu’en cinquième page Google sur une recherche sur son nom. Elle va donc devoir dépenser plus en achat de publicités pour toujours apparaître malgré tout sur la première page de Google.
la marque doit être facile à mémoriser : avant d’être internationalement connue, la marque doit franchir de nombreuses étapes pour pénétrer le marché. Autant donc se faciliter la tâche en ayant un nom facile à mémoriser, facile à écrire après l’avoir entendue et facile à prononcer dans les langues des pays visés. Il n’est pas obligatoire de choisir des noms aussi compliqués que Häagen-Dazs ou Hoogarden !
la marque doit-elle avoir un sens commun ou être un mot fabriqué de toute pièce ? : aucune règle ne prévaut sur cette question, et il y a autant de marques fortes dans les deux camps. C’est bien en réfléchissant à cette question que l’on s’aperçoit que le nom de marque seul ne suffit pas. C’est l’univers qui l’entoure qui va apporter tout le sens. Michel et Augustin n’évoque pas particulièrement l’univers des biscuits. En se mettant en scène dans le nom de leur marque, les fondateurs choisissent de créer une convivialité et une proximité avec le consommateur. Le ton décalé de leur communication a créé un univers si particulier qu’il réussit à fidéliser le consommateur. Celui-ci achète très cher des biscuits dont l’équivalent gustatif existe pourtant dans des marques moins connues et moins chères.
Nous animons régulièrement des séances créatives pour aider les entrepreneurs à trouver une marque. Cette approche conduite avec méthodologie est plus efficace qu’un simple brainstorming débridé qui peut vite tourner en rond.
Je recommande de se faire accompagner pour choisir son nom de marque. L’argent ainsi investi pourrait vous économiser quelques déboires une fois l’entreprise démarrée et peut-être même vous rapporter gros si le nom retenu est exceptionnel !
Plutôt que de partir bille en tête sur une recherche tous azimuts ou avec une idée préconçue, je recommande de passer un peu de temps à analyser les marques que vous aimez et qui vont vous servir de modèles. Lisez leur histoire, comprenez leur univers et décryptez leur caractère. Vous apprendrez beaucoup de choses et vous comprendrez la mécanique sous-jacente à la construction d’une belle marque.
Le logo, un signe de ralliement
On ne choisit pas un logo comme on choisit un tableau pour décorer son salon. Les personnes peu familières avec la communication, tendent à privilégier leurs goûts dans le choix des éléments graphiques de leur marque et du logo en particulier.
Cette approche est particulièrement trompeuse. Le logo d’une entreprise n’est pas une œuvre d’art et n’a pas vocation à exposer vos choix artistiques.
Le logo est un emblème qui porte haut et fort les messages clés et le caractère de votre marque. Il n’est pas à l’origine de ceux-ci, il en est la résultante.
Ce n’est qu’une fois que vous aurez défini les principaux ingrédients de la plateforme de marque, que vous serez armés pour choisir un logo. La cible que vous visez, le ton que vous souhaitez utiliser pour communiquer, le secteur professionnel dans lequel vous évoluez sont autant d’éléments qui guident rationnellement les choix, et ce ne sont pas les seuls.
Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, le choix d’un logo fait peu appel à l’émotionnel (les goûts et les couleurs, le feeling) mais s’appuie beaucoup plus sur le raisonnement rationnel.
Le logo doit imprimer en une fraction de seconde les messages clés de votre marque. Chaque argument (couleurs, formes, police, détails) doit être utile et signifiant.
Quelques conseils très concrets :
le logo doit être simple : je vois souvent des logos de créateurs d’entreprises qui fourmillent de détails, ou de fioritures graphiques (telles les ombres ou les dégradés) qui n’apportent rien au sens mais sont supposés embellir le logo. A bannir absolument. Inspirez-vous plutôt de Nike !
le logo doit se voir de loin : que ce soit en grand sur la devanture d’un magasin ou en petit au bas d’un document, le logo doit être reconnaissable en un clin d’œil et de loin. Exit donc les couleurs très claires, les effets de transparence et les traits fins. Voir du côté d’Orange un exemple réussi !
le logo doit s’intégrer dans son environnement : le logo est fait pour être utilisé sur différents supports et dans différentes conditions, et pas seulement seul sur une feuille blanche. Il faut donc penser à le décliner sous différents contextes pour vérifier qu’il fonctionne toujours aussi bien.
Tout comme pour le choix du nom de la marque, il est primordial de travailler son logo avec un professionnel si vous n’êtes pas formé au graphisme. L’argent investi sera là aussi rentabilisé. Si vous avez très peu de moyens, passez malgré tout au moins par une plateforme telle que 99designs par exemple.
Deux exemples pour finir
Dès qu’on parle de marque, on a tendance à se référer aux marques multinationales iconiques qui envahissent notre quotidien de leur omniprésence.
Bien sûr, ces références semblent hors de portée d’un créateur qui se lance.
Pour autant, il est possible de réussir le lancement du marque avec des moyens limités et dès le début. Pour illustrer cela, je vous décrypte ci-dessous deux exemples issus d’entreprises de notre incubateur.
“J’ai 20 en maths” est une startup qui propose des vidéos pédagogiques et des exercices corrigés pour aider les collégiens et lycéens à progresser en maths. La puissance de cette marque en devenir repose sur les points suivants :
un nom de marque qui exprime très clairement la promesse en mettant le client au centre de celle-ci. L’élève qui s’appuie sur “J’ai 20 en maths” va être confronté plusieurs fois par semaine à cette phrase magique pour la confiance, et progressivement cette situation qui lui paraissait incongrue lui apparaitra possible.
un logo simple en écriture cursive qui immerge tout de suite dans l’univers scolaire.
un choix graphique sobre : du bleu, couleur associée à l’intelligence et à la confiance, tout ce dont les élèves ont besoin pour réussir.
un ton convivial qui met à l’aise les élèves.
une facilité à se décliner sur d’autres matières comme récemment avec “J’ai 20 en physique”.
“Les marsiens” est une très jeune marque de vêtements pour enfants de 6 mois à 12 ans, engagée dans une démarche éthique, écologique et responsable. Là encore une marque très forte :
un nom de marque décalé qui n’évoque pas spécialement le prêt-à-porter, mais qui crée un univers très original tout en étant ancré dans son territoire (je vous laisse découvrir l’origine du nom sur le site).
un univers graphique très puissant, reconnaissable entre mille et donc capable d’être un signe de ralliement.
des valeurs affirmées presque radicales, très incarnées par la fondatrice et destinées à fédérer une communauté très engagée.
une approche originale du design avec la collaboration avec un artiste pour chaque collection.
Travailler sur sa marque dès la création de sa boite est possible pour peu qu’on sache s’entourer et qu’on s’intéresse au sujet.
La marque n’est pas un détail sur lequel on se penchera plus tard, mais un pilier de l’entreprise qui mérite toute l’attention de son créateur.
Pour aller plus loin
How symbols and brands shape our humanity, une conférence TED de Debbie Millman
La signification des couleurs et comment s’en servir, Anna Lundberg
Bonjour Christian!
Merci pour ce bel article plein de bonnes ondes entrepreneuriales :)
Etant très intéressée par le sujet des couleurs en marketing, j'ai voulu cliquer sur le deuxième lien de la section "pour aller plus loin", mais ça m'a renvoyé sur un message d'erreur. Quel dommage!
Si jamais vous cherchez un lien de remplacement, je me permets de vous proposer un article à moi, qui traite de la signification et de l'utilisation des couleurs de façon complète:
https://pixeliart.fr/psychologie-des-couleurs/
Au plaisir de continuer à vous lire !
Alicia