Il y a trois ans, convaincu que les sportifs de haut niveau ont beaucoup de choses à apporter aux entrepreneurs, j’avais monté un séminaire de deux jours avec 5 sportifs de haut niveau en exercice ou ayant déjà fini leur carrière et une dizaine d’entrepreneurs.
J’entrevoyais un potentiel très important pour cette approche. Depuis, les initiatives se multiplient. Teampact, lancée en 2021 est à la fois un fonds d’investissement et une société d’accompagnement des dirigeants autour des valeurs et pratiques du sport de haut niveau. Cette année, Blaise Matuidi a lancé avec des dizaines d’anciens sportifs le fonds d’investissement Origins. Le rapprochement du monde du sport et de celui des startups est clairement en marche.
J’ai déjà à plusieurs reprises écrit en décryptant les messages de sportifs de haut niveau : Zinedine Zidane (UPI#8), Thierry Henry (UPI#15), Denis Troch (UPI#25), Laurent Tillie (UPI#68), Dick Fosbury (UPI#69), Marc Lièvremont (UPI#70). N’hésitez pas à lire ou relire ces articles porteurs de messages puissants.
Pour illustrer une fois de plus la pertinence de ce rapprochement, j’analyse pour vous dans cet article les leçons très importantes que j’ai tirées de l’écoute du podcast de Tony Parker recevant Thierry Henry.
J’ai lu pour vous
Retour cette semaine de cette rubrique, où je vous fais part de lectures ou autres découvertes d’articles ou de vidéos qui m’ont interpelé dans les jours passés.
ce tweet d’Ali Abdaal, un médecin devenu youtubeur est une expérience intéressante. Il annonce un “thread” de 15 conseils sur la productivité individuelle. La surprise vient du fait qu’hormis le premier conseil qui a lancé l’expérience, tous les autres ont été écrits par une IA. Le résultat est bluffant et oblige à se poser la question sur ce qui va advenir dans les prochaines années sur les usages de l’IA et de ses conséquences.
un tweet de Matthieu Pimort, un copywriter efficace qui partage sa méthode pour écrire un post Linkedin à impact.
“Comment la crise de Cuba il y a 60 ans illustre les dangers du consensus en incertitude”, Philippe Silberzhann, (17/10/22) : dans cet article, l’auteur démontre avec des exemples combien le consensus peut-être dangereux en situation d’incertitude. A l’heure où les incertitudes s’accentuent, cette vérité est bonne à méditer.
Thierry Henry, footballeur des années 2000, meilleur buteur de tous les temps en équipe de France, fait partie de ces sportifs dont on comprend rapidement qu’au delà de leurs capacités physiques hors normes, ils possèdent également de grandes capacités intellectuelles et émotionnelles qui font d’eux de vrais leaders.
J’ai déjà écrit un article sur le temps inspiré de Thierry Henry (UPI#12).
Dans l’interview qu’il donne à Tony Parker, autre sportif charismatique, Thierry Henry aborde plusieurs points que je n’ai pas encore traités dans cette Newsletter.
Confiance ou arrogance ?
“C'est en général la personne qui est en face de toi qui prend de la confiance comme de l'arrogance, parce que cette personne en elle-même n'est pas confiante, donc elle ne peut voir que ta confiance en arrogance.
Comme je dis bien souvent, les gens à chaque fois ça les énervait, mais c'est la vérité : Thierry, est-ce que tu peux prendre la balle du milieu de terrain et marquer ? Oui, je peux. Thierry, est-ce que tu peux monter sur le dos de quelqu'un et faire une tête à l'entrée de la surface pleine lucarne ? Non, je ne peux pas.
Je ne suis ni humble ni arrogant. C'est juste, je vous dis ce que je sais faire et ce que je ne sais pas faire. Mais quand tu dis ce que tu sais faire, ça gêne. Par contre quand tu dis ce que tu ne sais pas faire, oh il est humble. Non je ne suis pas humble, je ne suis ni arrogant ni humble, je sais ce que je sais faire et surtout je sais ce que je ne sais pas faire.”
Cette situation décrite par Thierry Henry, je l’ai parfois expérimentée et c’est assez désagréable. La confiance en soi donne une force intérieure. Face à une situation qui peut paraître difficile, voire impossible pour d’autres, la confiance en soi doublée d’une bonne connaissance de ses capacités donne des certitudes.
En exprimant cette certitude en face de quelqu’un ou d’un groupe, elle peut être mal comprise. Thierry Henry donne ici la clé de lecture de cette situation. C’est le manque de confiance en lui de l’interlocuteur qui l’amène à penser à l’arrogance.
Les entrepreneurs sont souvent dotés d’une bonne confiance en eux et sont en tous cas appelés à la développer. Ils sont donc susceptibles d’être pris pour des arrogants par leurs interlocuteurs. Il est bon de comprendre cela pour l’appréhender au mieux.
La question à se poser est parfois : je peux le faire, mais dois-je le faire ? Je le sais, mais puis-je le dire ? Dans certaines circonstances, renoncer évite d’être mal compris. Sage mais difficile.
Tony et Thierry font état de la différence entre les Français et les Américains sur ce point. Aux États-Unis, il est beaucoup mieux accepté d’exprimer ouvertement sa confiance en soi. Thierry Henry évoque ainsi Mickaël Jordan, l’immense star américaine du basket-ball qui pouvait dire : “I’m the best and I’ll win” (“je suis le meilleur et je vais gagner”). Tony explique qu’en France, les gens pensaient qu’il avait la grosse tête alors que quand il est arrivé à San Antonio, les gens disaient : “Tony Parker, il a une grande confiance en lui, c'est pour ça qu'il a réussi.”
A celles et ceux qui manquent de confiance, cessez de penser que celles et ceux qui en ont sont arrogants.
A celles et ceux qui ont confiance en eux, comprenez pourquoi vous pouvez être perçus comme arrogants.
Développer d’autres compétences
Thierry Henry cours vite et joue vite. C’était une de ses forces. Lorsqu’il arrive à Claire-Fontaine, le centre d’entraînement des jeunes footballeurs pressentis pour évoluer au plus haut niveau, l’entraîneur lui propose des exercices avec des contraintes spécifiques qui ne peuvent pas être dépassées avec la seule vitesse. Elles l’obligent à développer d’autres qualités.
Au début d’une aventure entrepreneuriale, quand on n’a pas encore les moyens de s’entourer de toutes les compétences nécessaires, il est conseillé de déléguer ce que l’on sait très bien faire pour se consacrer à ce que l’on maîtrise moins et ainsi se former.
Cette approche contre-intuitive est assez logique.
Déléguer ce que l’on maîtrise parfaitement permet de superviser sans difficultés, de corriger le tir si nécessaire et d’encadrer avec efficacité.
Faire ce qu’on ne connait pas bien, permet de progresser rapidement et de se préparer à déléguer, tout en étant capable d’interagir avec des gens plus experts. Si on ne maîtrise pas la comptabilité, la déléguer sans s’y intéresser revient à faire une confiance aveugle à son comptable et à ne pas être capable de lui poser les bonnes questions.
Dans UPI#8, j’explique que l’entrepreneur doit encore améliorer son point fort pour en faire une arme redoutable. Ceci n’est pas contradictoire avec le fait de développer aussi d’autres compétences.
L’entrepreneur doit s’entraîner à développer d’autres compétences que celles qu’il maîtrise déjà pour devenir un “joueur” complet.
Pose-toi les bonnes questions
Lorsqu’il arrive à Arsenal, Thierry Henry retrouve Arsène Wenger l’entraineur qui lui a donné sa chance à 17 ans en équipe professionnelle à Monaco.
Il raconte combien cet entraîneur a compté pour lui, et comment il l’a rendu plus intelligent dans son jeu.
Un jour, après un match, Thierry est dans le bureau d’Arsène, et se plaint de ses coéquipiers qui ne répondent pas à ses appels de balle.
Arsène : “Mais Thierry, pose-toi les bonnes questions !”
Thierry ne comprend pas et Arsène lui décrypte le comportement de chacun de ses coéquipiers, jusqu’à ce que Thierry comprenne que le problème c’est lui. Il doit adapter son déplacement au jeu et à la personnalité de chacun de ses partenaires.
Se poser les bonnes questions, voir les situations sous le bon angle, prendre du recul pour avoir l’image complète, se mettre en position méta (en observateur extérieur d’une situation dans laquelle on est impliqué) sont autant de façons de commencer à résoudre un problème.
Le mentor de l’entrepreneur comme le coach du sportif est là pour aider son poulain à se poser les bonnes questions. Progresser passe donc forcément par l’acceptation d’être coaché.
C’est possible
12 juillet 1998.
En une heure et demie, la France change de statut. Les foules sont en liesse. Les inconnus échangent dans une grande confraternité. La joie est palpable.
Zinedine Zidane et l’équipe de France ont terrassé Ronaldo et le Brésil. A jamais, la France sera championne du monde de football.
Tony Parker et Thierry Henry expliquent ce que cette victoire a changé chez les sportifs. Comprendre qu’il est possible de gagner, c’est déjà avancer vers la victoire.
Le succès entrepreneurial relève aussi de cette dynamique. Pendant très longtemps l’écosystème français ne décollait pas. Les licornes se comptaient sur les doigts d’une seule main. Il fallait se référer à Xavier Niel pour trouver un entrepreneur ayant vraiment réussi dans le monde de la tech.
Le lancement de la FrenchTech, les financements massifs de bpifrance, le discours présidentiel, ont créé un climat positif autour des startups. Après 2017, les licornes se sont mises à émerger comme des champignons. Les levées de fonds supérieures à 100 M€ ne sont plus exceptionnelles. Même si cette tendance ralentit au vu de la conjoncture, le “mindset” est établi. Il est désormais possible en France de créer des startups à très forte croissance et très forte valorisation.
A une échelle plus modeste, il est souvent dit que les entrepreneurs bénéficient à se retrouver en communautés. C’est en effet en échangeant avec d’autres plus avancés, que chaque entrepreneur peut envisager de franchir ses propres obstacles.
L’effet d’entraînement, le fameux “role model” débloque des freins psychologiques qui sont souvent plus forts que les freins objectifs. Plus celles et ceux que nous côtoyons gagnent, plus nous avons de chances de gagner aussi.
La vulnérabilité est une force
Thierry est adolescent. Il vient de gagner un match 6-0 en ayant marqué les 6 buts. Il sort du terrain sur un petit nuage. Pourtant en apercevant son père, il comprend que quelque chose ne va pas. Celui-ci ne s’attarde pas sur le résultat. “C’est bien mais …” Vous savez le fameux “mais” qui gâche la fête. Dans tous succès, il y a toujours des choses à améliorer pour celui qui est exigeant.
Cette éducation très dure a forgé le caractère du petit Thierry et l’a sans doute poussé dans ses retranchements. Plus tard lorsqu’il fera face à la critique des médias, il avouera que cela n’était pas aussi difficile à recevoir que les critiques de son père.
Évidemment, pas question pour le jeune Thierry de se plaindre, de montrer ses émotions ou de faire état de ses faiblesses. Il s’habitue à donner l’image de quelqu’un de très fort.
Après sa carrière active de joueur, Thierry Henry passe ses diplômes d’entraîneur.
Il découvre alors des jeunes joueurs éduqués tout à fait autrement. “Ils n’ont pas les mêmes codes. Les joueurs là maintenant, ils me rééduquent.”
En partageant plus ouvertement leurs états d’âme, les joueurs de la nouvelle génération ont provoqué une prise de conscience chez Thierry Henry qui affirme : “C'est bien d'être vulnérable. C'est un truc que j'ai réalisé il y a un an, tu imagines ? J'ai eu 44 ans. Être vulnérable, c'est une force”.
Il raconte l’histoire d’un jeune joueur de Montréal, une équipe qu’il entrainait, qui malgré ses faiblesses a osé franchement demander pourquoi il ne jouait pas. Thierry prenant sur lui pour ne pas le traiter durement, lui a expliqué ce qu’il attendait, créant ainsi une relation de confiance. Ce fut ensuite le meilleur joueur de l’équipe.
Être vulnérable, c’est être conscient de ses faiblesses, briser les boucliers de la fierté, s’ouvrir à des personnes de confiance, pleurer, évacuer le stress pour reconstruire ensuite sur un terrain purifié. Être vulnérable, c’est tendre la main pour être secouru, c’est comprendre que l’autre peut nous aider.
Tony Parker raconte qu’avant la finale de l’Euro 2013 avec l’équipe de France, une crise d’angoisse l’a saisi. La pression sur le meneur de jeu qui doit conduire son équipe à son premier titre est à son paroxysme. Il décide alors d’appeler son ami Thierry Henry qui a déjà connu cette pression avant la finale de l’Euro 2000 et celle de la coupe du monde 2006. Thierry l’encourage à être lui-même et les Bleus remportent l’Euro 2013 de basket-ball.
L’entrepreneur n’est pas un sur-homme et l’entrepreneure n’est pas une sur-femme. L’admettre, c’est déjà se préparer aux difficultés et aux échecs. L’admettre c’est s’ouvrir à la possibilité de construire les victoires sur les échecs du passé. Mickael Jordan disait : “I missed 9000 shots, I lost 300 games, that is why I succeeded” (“J’ai raté 9000 paniers, j’ai perdu 300 matches, c’est pourquoi j’ai eu du succès.”)
La confiance est au centre
Être vulnérable permet de dépasser ses faiblesses et donc de construire sa confiance.
Voir les autres réussir ouvre le chemin des possibles et renforce la confiance.
Se poser les bonnes questions permet de comprendre comment résoudre les problèmes et crée de la confiance.
Développer ses compétences élargit le champ de sa confiance.
La confiance peut paraître arrogance mais elle n’en demeure pas moins un ingrédient indispensable de l’aventure entrepreneuriale.
La minute d’informations
Je me permets de partager ici des informations ou activités sans liens obligatoires avec le thème de l’article, mais dans lesquelles je suis impliqué.
La Thèse CIFRE, un outil pour se doter d’une ressource R&D performante
Webinaire, Mardi 8 novembre de 11h à 12h.
La Convention Industrielle de Formation par la Recherche (CIFRE) permet à une entreprise, en partenariat avec un laboratoire de recherche, de recruter un·e doctorant·e pour lui confier des travaux de recherche dans le cadre de sa thèse.
Participez à ce Webinaire pour en savoir plus sur ce dispositif et obtenir les premières réponses à vos questions sur comment en faire un outil de R&D pour votre entreprise.
Au programme :
Thèse Cifre, présentation du dispositif par Valérie Sibille, chargée de mission à l’ANRT (Association Nationale de la Recherche et de la Technologie),
Le dispositif régional « Thèse tandem à une thèse Cifre », par Cécile André, directrice de projets Valorisation de la recherche à la Région Pays de la Loire,
Témoignages d’entreprises ayant eu recours à une thèse Cifre.