Dans deux semaines, nous emmenons 6 entrepreneures et entrepreneurs de notre incubateur pour 2 jours de Masterclass chez Eric Larchevêque, le fondateur de la licorne Ledger et célèbre investisseur de Qui veut être mon associé ?, l’émission de M6.
Eric a lancé cette proposition à l’automne en réservant quelques dates avant la fin de l’année qui n’ont pas tardé à trouver preneur. Suite à la première masterclass, il a posté une présentation rapide et quelques photos sur Linkedin et Instagram.
Cette proposition est alléchante. Une entrepreneure a toutefois fait remarquer sur Instagram que ce n’était pas à la portée financière des porteurs de projets qui se lancent.
Eric a alors eu la magnifique répartie : “comme beaucoup de sujets autour de l’entrepreneuriat, la question n’est pas de savoir combien ça coûte, mais combien ça rapporte.”
Il y a longtemps que je veux aborder le sujet de la valeur, et cette anecdote m’en donne une belle occasion. Qu’est-ce que la valeur ? Quelle différence entre prix et valeur ? Quelle est son importance ? Comment la rechercher ?
A lire et relire
Dans cette rubrique, je vous propose de relire quelques articles anciens que je regroupe par thème.
Le pitch ou présentation de son projet est essentiel à la réussite de l’entrepreneur. Voici quelques conseils à ce sujet :
Comment fixer le prix ?
Au début d’une création d’entreprise, fixer le prix de ses produits ou services est un des exercices les plus difficiles pour les entrepreneures et entrepreneurs.
Pour beaucoup ce passage est délicat et révèle leur attitude vis-à-vis de l’argent (UPI#113).
De nombreuses approches peuvent être utilisées pour fixer le prix. On peut citer les principales :
calculer le coût de revient de fabrication du produit ou service sans rien oublier (et ce n’est pas simple), puis ajouter les différentes marges qu’il faut laisser aux intermédiaires et sa propre marge. Les pratiques de marges sont différentes d’un secteur à l’autre et il faut se renseigner.
si le produit est déjà très présent sur le marché, on peut se positionner par rapport à la concurrence, soit pour être le moins cher, soit au contraire pour se positionner en haut de gamme. C’est là une question de stratégie qui n’empêche pas qu’il faut ensuite vérifier que le prix choisi soit compatible avec les marges nécessaire.
quand le prix est principalement déterminé par l’offre et la demande (exemple le marché de l’immobilier), c’est à dire quand les produits ou services sont des pièces uniques, le prix dans l’absolu n’a pas de sens. Si la demande est plus forte que l’offre, les prix peuvent monter très haut et si au contraire, il n’y a pas de demande les prix peuvent s’effondrer.
pour les services, le prix peut s’évaluer à partir du coût horaire de la prestation sans engagement de résultat, ou au contraire de façon forfaitaire par rapport à un résultat à atteindre. Le choix entre ces deux approches dépend de la difficulté du problème, de l’expertise de l’équipe et de l’attente des clients. La différence sur le résultat financier entre les deux approches peut être très importante.
dans certains cas, il est intéressant de définir une gamme de prix en enlevant ou en ajoutant des options ce qui permet d’élargir le panel de clients pouvant accéder à l’offre, et d’offrir un choix aux clients.
la prise en compte de la psychologie du client est utilisée en particulier dans le Business to Consumer, où les prix sont souvent affichés juste en dessous des comptes ronds, 49,90 € ou 99,99 € par exemple.
La prise en compte de la valeur perçue ou de la valeur de la marque intervient aussi dans la détermination du prix, mais nous y reviendrons plus loin.
La pyramide de Maslow
Le psychologue américain Abraham Maslow a proposé dans les années 40, une théorie de la motivation connue sous le nom de pyramide des besoins ou pyramide de Maslow.
Celle-ci explicite 5 niveaux de motivation (besoins physiologiques, besoins de sécurité, besoins d’appartenance et d’amour, besoins d’estime, et besoins d’accomplissement de soi). Chaque niveau ne peut être atteint que si le niveau inférieur est significativement pourvu. Lorsque l’homme a faim, il ne pourra s’intéresser à autre chose que la nourriture.
Cette théorie est souvent utilisée en marketing. Il est important de positionner son offre au regard de ces degrés de motivation si l’on veut atteindre le client avec les meilleures chances de réussite. Lorsqu’une entreprise propose des produits ou des services correspondants aux niveaux supérieurs de la pyramide, il est important de vérifier que la cible a bien comblé ses aspirations correspondantes aux niveaux inférieurs.
Savoir à quel niveau de la pyramide on s’adresse permet aussi d’ajuster son discours de la meilleure façon.
La pyramide de Maslow est déclinable pour le commerce entre entreprises, mais aussi en interne pour le management des salariés.
Quel est le lien entre la pyramide de Maslow et la valeur ?
L’individu valorise toujours le plus haut degré de la pyramide où il se trouve. Pour un individu en manque de sécurité, une offre visant à renforcer son appartenance n’est que de faible valeur, car ce qui l’intéresse vraiment et pour lequel il est avide de solution, c’est la sécurité. De même, une offre concernant ses besoins primaires ne retiendra pas son attention, car ceux-ci sont déjà pourvus. La valeur perçue sera faible.
Plus une entreprise se positionne sur des services ou des produits visant les plus hauts niveaux de la pyramide, plus ceux-ci sont difficiles à élaborer, sont coûteux à produire et dégagent une marge supérieure pour l’entreprise. La Grande Épicerie du Bon Marché est une épicerie, mais elle ne cherche pas à satisfaire les besoins primaires du premier niveau. Elle s’adresse plutôt au besoin d’estime de soi. Celui qui consomme à la Grande Épicerie n’a pas faim. Il cherche une expérience gastronomique en compagnie de ses amis et veut montrer que pour lui l’argent n’est pas un sujet quand il s’agit de prendre du plaisir.
L’innovation est un des moyens de monter dans la pyramide de Maslow.
L’ordinateur est aujourd’hui une commodité qui permet d’être en relation avec ses proches et le monde et qui permet de satisfaire certains des besoins primaires par l’intermédiaire d’achats rendus très simples. Il reste assez bas dans la pyramide.
Enead est une startup mancelle qui développe des ordinateurs très haut de gamme aux designs uniques et jamais vus. Cette offre vise clairement à satisfaire l’estime de soi et le plaisir de posséder un objet unique.
En montant dans la pyramide, l’entreprise se distingue de ses concurrents et va donc être en mesure de proposer des produits attractifs sans sacrifier ses marges.
Lorsque nous accompagnons des créateurs, un travail important consiste à les aider à gravir la pyramide. Très souvent, les entrepreneurs et entrepreneures pensant avoir découvert une solution à un problème veulent en faire bénéficier le plus grand nombre. Ils cherchent donc à rester dans les premiers niveaux de la pyramide.
Cependant, au lancement d’une entreprise, il est très difficile d’être compétitif car la production d’un produit est chère dès lors que les quantités sont faibles. Notre travail est de les amener à considérer une offre plus exclusive, qui ne sera pas accessible à tous, mais qui portera d’autres attributs susceptibles de parler aux niveaux supérieurs de la pyramide. Tout le monde n’est pas prêt pour ce chemin, mais c’est pourtant souvent la seule solution.
Une fois l’entreprise ayant trouvé son marché avec le haut de gamme, il sera toujours temps de redescendre en gamme. Le plus bel exemple de cette stratégie est celui de TESLA qui a démarré par des roadsters à 120 000 $ avant de proposer des petites berlines à 45 000 $.
La chaîne de valeur
Assis au zinc d’un bar, vous commandez un café. Ce geste simple a pourtant mobilisé une chaîne de valeur assez longue.
Des agriculteurs ont transpiré dans un pays lointain pour cultiver et récolter les grains de café. Les grains sont ensuite passés dans une usine pour être lavés, séchés et décortiqués. Les grains ont été négociés sur le marché mondial par des grossistes dont le métier s’apparente à celui des traders. Les grains ont été convoyés en Europe par un logisticien avant d’être torréfiés et emballés dans une usine spécialisée. Les paquets sont alors partis dans le circuit de distribution des grossistes avant d’être livrés au bar de votre rue. Le barman a alors mis tout son dévouement à préparer le meilleur café qui soit avant de le servir avec un sourire.
Les chaînes de valeur peuvent être longues et complexes et comporter parfois des dizaines d’intermédiaires. Le positionnement dans la chaîne peut générer une valeur très différente et il est donc important de se positionner au meilleur endroit.
Pour reprendre l’exemple du café, le trader qui achète et revend la matière première détient une position clé. Il impose sa loi au producteur et fait varier le prix en jouant sur les stocks qu’il propose à la vente. Il prend une part importante de la valeur de la chaîne. Le torréfacteur de par son savoir-faire est aussi un acteur très important de la valeur en particulier pour les cafés haut de gamme. Enfin, l’acteur qui prend la plus grande part de la valeur est le cafetier qui met le produit à la disposition du client. Suivant la politique marketing du commerçant, la valeur peut encore être multipliée. Grâce à son marketing, Starbucks parvient à vendre son café 3 fois plus cher qu’un cafetier traditionnel. De même, le cafetier des Champs-Élysées profite de son emplacement hors normes pour augmenter significativement son prix.
Quelque soit le marché sur lequel on veut se positionner, il est essentiel de bien étudier la chaîne de valeur, car toutes les positions ne sont pas également enviables. Dans UPI#15, nous abordons l’exemple des plateformes qui représentent un excellent positionnement pour capter de la valeur.
Les sous-traitants de production sont coincés entre les producteurs de matière première et les donneurs d’ordre. Leur principal levier de compétitivité reste le prix. Ces entreprises doivent être gérées au centime pour perdurer, car leurs marges sont très faibles. Pour sortir de cette position peut enviable, il faut innover.
En 2005, Damien Marc, reprend le bureau d’études de son père qui est positionné sur la conception innovante de visserie pour l’aéronautique. Pour monter dans la chaîne de valeur, il investit dans une usine de production. Afin d’éviter le piège du sous-traitant décrit plus haut, Damien Marc s’appuie sur ses compétences d’ingénieur en électronique et informatique pour créer une usine ultra moderne entièrement automatisée qui devient rapidement une référence visitée par nombre d’entreprises. Mais cela ne suffit pas à Damien Marc. Il crée une autre société Keyprod qui développe et commercialise un système de suivi des machines basé sur l’intelligence artificielle. Il se positionne ainsi grâce à l’innovation sur une activité à très forte valeur ajoutée qui lui permet en plus de sortir du seul secteur de l’aéronautique.
La stratégie de la recherche d’une meilleure valeur dans la chaîne est payante pour assurer la pérennité et la rentabilité des entreprises.
La proposition de valeur
La semaine dernière, je recevais un commercial qui venait me proposer un système d’affichage dynamique pour les locaux de notre pépinière.
Il insistait sur sa proposition de valeur, unique sur le marché, de plus de 1500 chaînes de contenu à diffuser en plus de notre contenu. N’étant pas intéressé par cette proposition, j’essayais de lui faire comprendre notre besoin, qui était seulement un logiciel ergonomique de programmation du contenu.
Quand nous sommes arrivés au prix, je découvre qu’il s’agit d’un abonnement par mois et par écran. Ce modèle économique habituel dans les propositions SaaS est certainement générateur de valeur pour l’entreprise. J’ai essayé de faire comprendre à ce commercial que ce modèle était par contre un frein pour le client. Pour un petit nombre d’écrans, le tarif grimpe en flèche pour une valeur qui n’est pas différente. Au lieu de favoriser l’achat, le modèle économique le freine. Ce que l’entreprise n’a pas compris, c’est que la création de valeur doit être gagnant-gagnant. Lorsque le client comprend que seul le fournisseur est gagnant, le rejet de la proposition est fort.
En moins d’une heure cette entreprise a commis deux erreurs importantes qui lui feront certainement rater la vente. Faire une proposition de valeur qui n’a pas de valeur pour le client, et utiliser un modèle économique qui détruit la valeur pour le client.
La proposition de valeur doit être pensée du point de vue du client. A l’énoncé de celle-ci, le client doit comprendre que cela correspond à son besoin et que le “value for money” est bon. Trop souvent les entreprises définissent leur proposition de valeur pour elles-mêmes. C’est ce que m’a dit l’entreprise en question: “il faut bien qu’on gagne notre vie”. Certes, l’entreprise doit gagner sa vie, mais si le client à la sensation d’être un pigeon, pas sûr qu’au final l’entreprise soit gagnante.
Au delà d’être gagnante pour le client, la proposition de valeur doit être claire. Je vois tellement d’entreprises dont les sites web ne permettent pas en quelques secondes de comprendre quelle est la proposition de valeur.
Pour caricaturale qu’elle soit cette vidéo n’est pourtant pas fictive. J’ai souvent assisté à ce type de pitch, où le fondateur est dans son monde et ne cherche pas à savoir si son interlocuteur comprend sa proposition de valeur.
Ce type d’entrepreneur confond la proposition de valeur et la description technique du produit. Pourtant ce n’est pas la technique qui crée la valeur, mais la façon dont la technique répond au besoin de client. La proposition de valeur s’exprime avec des mots qui font écho à la douleur du client et à la façon dont celle-ci est atténuée voire annulée.
Pour travailler sur sa proposition de valeur, il existe des outils très simples comme le Value Proposition Canvas.
Positionner sa valeur en s’appuyant sur le pourquoi
Le travail le plus important de l’entrepreneur est de positionner la valeur de son entreprise le plus haut possible. En faisant cela, il s’assure de pouvoir fixer des prix lui laissant une marge confortable et donc d’améliorer la rentabilité de son entreprise.
Comme nous venons de le voir, plusieurs approches sont à sa disposition : se positionner le plus haut possible sur la pyramide de Maslow, occuper une position favorable sur la chaîne de valeur, avoir une proposition de valeur gagnant-gagnant pour le client et l’entreprise, et communiquer clairement sur celle-ci.
Comme le dit Simon Sinek dans sa fameuse conférence TED, les gens achètent non pas ce que vous faites, mais pourquoi vous le faites. La proposition de valeur doit donc être présentée en commençant par les motivations profondes de vos actions, les croyances qui vous animent et qui justifient toutes vos actions.
Le client s’il adhère au système de valeurs qui vous motive pour agir sera beaucoup mieux préparé à recevoir votre proposition de valeur et à acheter votre produit ou service.
La minute d’informations
Je me permets de partager ici des informations ou activités sans liens obligatoires avec le thème de l’article, mais dans lesquelles je suis impliqué.
Vendre son innovation, ce n’est pas magique !
Matinée de l’innovation,
Mardi 12 décembre, de 8h à 10h, Maison de la Technopole, Laval
Concevoir une innovation, c’est déjà beaucoup de travail : validation du besoin et de l’adéquation avec le marché, pivots, définition du concept, recherche de financements, développement d’un prototype, tests, …
Et contrairement à ce que l’on peut entendre : la commercialiser, ce n’est pas magique.
Mais ce n’est pas sorcier non plus !
Lors de cette matinée, qui s’adresse en priorité aux entreprises qui ont développé une innovation (produit, service, …) qui en est au stade de la commercialisation, nous vous proposons de découvrir et d’expérimenter des outils pour vous aider à définir la stratégie commerciale la plus adaptée à votre innovation et à votre entreprise.
Intervenante : Estelle Rousselot, dirigeante fondatrice de l’agence VITALITA, spécialisée dans la créativité commerciale.
Programme : Présentation introductive, et atelier d’expérimentation de plusieurs outils pour définir la stratégie de commercialisation de son innovation. Et comme toujours, échanges et convivialité seront au rendez-vous !