Il y a quelques mois, une chroniqueuse de l’émission Quotidien sur TMC affirmait sans sourciller que les français produisaient chaque année 223 millions de tonnes de déchets liés à leur activité sexuelle (préservatifs, sextoys, lubrifiants).
Ce propos a fait la risée des réseaux sociaux qui ont fait remarquer que plus de 3 tonnes de déchets de ce type par français, cela faisait quand même beaucoup ! Pour se défendre la chroniqueuse indiquait que ce chiffre provenait d’une étude anglaise1. Outre le fait qu’elle semble ne pas avoir compris le sens original du texte, la chroniqueuse a commis une erreur commune, en particulier chez les journalistes, l’erreur d’ordre de grandeur.
De nombreuses personnes sont peu à l’aise avec les chiffres et ne peuvent donc exercer un regard critique dès qu’il s’agit de manipuler des grandeurs. Il est pourtant essentiel de le faire pour éviter le ridicule, prendre les bonnes décisions et ne pas subir la désinformation.
Qu’est-ce qu’un ordre de grandeur ? Quand est-ce qu’il faut être particulièrement vigilant ? quels sont les domaines où l’entrepreneur doit maîtriser les ordres de grandeur ?
A lire et relire
Dans cette rubrique, je vous propose de relire quelques articles anciens que je regroupe par thème.
Le thème de la décision est essentiel dans la vie de l’entrepreneur, du manager ou de l’innovateur. Je l’ai abordé plusieurs fois pour en éclairer les diverses facettes :
Qu’est-ce qu’un ordre de grandeur ?
Le système de numération décimal s’est naturellement imposé à l’homme du fait du nombre de ses doigts. Même si d’autres systèmes existent (en particulier le système binaire et le système hexadécimal en informatique, ou le système sexagésimal utilisé par les Sumériens dès le troisième millénaire avant Jésus-Christ), le système décimal est universellement utilisé dans toutes les sciences de l’ingénieur, en économie et dans la vie de tous les jours.
Tout nombre est donc compris entre deux puissances de 10. Par exemple :
L’ordre de grandeur d’un nombre est la puissance de 10 la plus proche de celui-ci.
750 000 est de l’ordre de grandeur du million, alors que 300 000 est de l’ordre de grandeur de 100 000.
En remplaçant un nombre par son ordre de grandeur, on se trompe au maximum d’un facteur 5 dans le cas le plus défavorable du nombre qui se situe juste en dessous du milieu de deux ordres de grandeur. Si l’on veut minimiser l’erreur, il vaut mieux faire la coupure au tiers, car dans ce cas l’erreur sera au maximum d’un facteur 3. Dans cette approche, 40 sera de l’ordre de grandeur 100 et non 10.
L’ordre de grandeur d’un nombre constitue donc une estimation très grossière (à un facteur 3 près) mais qui permet malgré tout de se représenter le phénomène en question.
Maîtriser les ordres de grandeur de divers sujets est l’expression d’une bonne appréciation des choses et d’une bonne culture générale. Ceci est très utile pour débusquer la désinformation et estimer rapidement l’ampleur d’un phénomène ou la probabilité d’un autre.
Estimer une quantité à partir des ordres de grandeur
Les ordres de grandeur servent à estimer n’importe quelle quantité qu’on ne connaît pas en décomposant cette quantité en quantités élémentaires pour lesquelles il est facile de donner un ordre de grandeur.
Dans l’exemple cité en introduction, en quoi la bonne maîtrise des ordres de grandeurs aurait pu aider à se rendre compte qu’il y avait un problème ?
Imaginez que vous deviez répondre à la question de la quantité de déchets produits par les français pour leur activité sexuelle. Comment procéder ?
Nous sommes 60 millions de français (valeur connue qui peut donc être utilisée directement) dont on peut penser que seulement un peu plus de la moitié pratique une activité sexuelle si l’on enlève les enfants et les personnes agées.
La consommation (lubrifiant, préservatif) pour chaque acte sexuel est de l’ordre de grandeur de 10 g. L’ordre de grandeur du nombre d’actes sexuels par personne et par an est de 100.
En multipliant ces ordres de grandeur, on obtient alors un ordre de grandeur des déchets produits annuellement, soit 10g x 100 x 30 millions / 2 soit 15 000 tonnes. Nous avons utilisé 2 ordres de grandeur qui peuvent donc être erronés chacun d’un facteur 3. Le résultat peut donc être erroné d’au plus un facteur 9 soit 1 ordre de grandeur. Dans tous les cas et même si on rajoute les sextoys en fin de vie, on comprend bien que l’on est très loin des chiffres annoncés !
Voyons maintenant ce que donnerait un calcul en ordre de grandeur des déchets produits annuellement par les français dans le domaine du bâtiment.
Les déchets du bâtiment proviennent de la démolition totale de bâtiments anciens et des déchets issus de démolitions partielles lors de la réhabilitation. Il y a aussi des déchets produits lors de la construction neuve, mais ceux-ci sont en plus faible quantité et nous les négligeons à ce stade.
Pour évaluer le tonnage de déchets, on va travailler à partir des surfaces bâties. L’ordre de grandeur de la taille d’un logement est assurément 100 m². Il y a 60 millions de français et la taille moyenne d’un foyer est de 2 personnes. Cela fait donc 30 millions de logement, soit 3 milliards de m², auquel il faut ajouter 10% (ordre de grandeur) pour les résidences secondaires.
Il faut aussi prendre en compte les immeubles de bureaux (20 millions d’employés fois 10 m² par employé (ordre de grandeur) soit 200 millions de m²), et les immeubles d’enseignements (800 000 naissances par an fois 20 ans d’enseignement fois 10 m² par personne (ordre de grandeur) soit 160 millions de m²).
Pour ce qui est des autres types d’immeubles de travail de grande taille (usines, hôpitaux, gares, aéroports, bâtiments agricoles, …), leurs tailles varient entre 10 000 et 100 000 m² (ordre de grandeur). Ces activités regroupent 20% de l’emploi soit environ 6 millions de personnes. Le ratio est d’environ 1 employé pour 100 m² (ordre de grandeur) dans ce type d’activité, qui occupent donc au total 600 millions de m².
Il reste encore les immeubles d’activités de loisirs (gymnases, stades, églises, musées, salles de spectacles, etc…). L’ordre de grandeur moyen de la surface de ces immeubles est compris entre 1 000 m² pour les plus petits et 100 000 m² pour les plus grands. Il y a 10 000 villes (ordre de grandeur) dans lesquelles existent de tels immeubles et dans chacune d’elles il y a 10 (ordre de grandeur) immeubles. On a donc 10 000 x 10 x 50 000 m² soit 5 milliards de m².
L’ordre de grandeur total du bâti français de tout type est donc de 10 milliards de m².
Les bâtiments sont rénovés tous les 30 ans environ et donc la part des surfaces réhabilitées ou démolies est de 3% du bâti chaque année, la démolition totale ne représentant qu’au plus 10 % (ordre de grandeur) du total des réhabilitations. L’ordre de grandeur de déchets produits par m² rénové est de 100 kg et de 1 tonne par m² démoli.
L’ordre de grandeur des déchets produits par le bâtiment chaque année est donc de 10 milliards de m² fois 3% fois 100 kg, soit 30 millions de tonnes pour la réhabilitation et 10 milliards de m² fois 0,3 % fois 1000 kg soit 30 millions de tonnes pour la démolition. Le chiffre réel est de 46 millions de tonnes réparties en 23 millions de tonnes pour la démolition, 17 millions de tonnes pour la réhabilitation, et 6 millions de tonnes pour la construction neuve.
On voit donc la puissance du calcul par ordre de grandeur pour estimer des grandeurs que l’on ne connaît pas et qu’il est difficile de deviner a priori.
Le principe général de ce type de calcul est de partir des chiffres qu’on connaît ou qu’on peut estimer facilement en descendant à un niveau de détail qui les rend accessibles.
Application au business-plan
Établir un business-plan ou plus exactement un prévisionnel financier à insérer dans un business-plan n’est ni un exercice divinatoire ni un calcul détaillé de contrôleur de gestion.
Une fois défini son produit ou service, le prix de celui-ci, sa cible, son modèle de vente, il s’agit de prévoir le chiffre d’affaire sur les 5 prochaines années ainsi que les charges afférentes dont on déduit le résultat.
On constate souvent dans les mauvais business-plan, que ces chiffres sont établis en prenant un pourcentage du marché global concerné. Cette approche est stupide sur plusieurs points.
Le marché global trouvé dans des statistiques n’est utile que pour évaluer le type de business que vous lancez, et montrer aux potentiels investisseurs si vous vous attaquez à un marché de niche ou au contraire à un marché à plusieurs dizaines de milliards.
Encore faut-il bien choisir le marché étudié. Si vous souhaitez lancer un nouveau concept de biberon en e-commerce, le marché total du e-commerce ou la croissance annuelle du e-commerce n’ont aucun rapport avec votre marché qui est celui du biberon (e-commerce et boutiques de détail). Dans ce cas précis, l’évolution du chiffre des naissances sera bien plus pertinente que le marché global des articles de puériculture.
Mais comment donc estimer ses ventes ?
C’est la même démarche que celle expliquée plus haut sur les ordres de grandeur. Suivant le canal de vente que vous avez choisi, il faut partir de la base et modéliser l’action commerciale pour reconstruire les chiffres d’affaires.
Si vous avez décidé d’une approche terrain avec un commercial qui fait la route, il faut calculer le nombre de RV possibles dans une journée, en intégrant la densité de la cible sur un territoire donné pour tenir compte des temps de trajets entre deux RV, mais aussi en prenant en compte les pauses, les aléas, le temps nécessaire à traiter les devis après les RV et celui nécessaire à prendre les RV (temps souvent sous-estimé). Une fois le nombre de RV maximum par mois ainsi obtenu, il faut estimer un taux de transformation. Plutôt que de tirer celui-ci du chapeau, il vaut mieux soit se baser sur un chiffre moyen connu dans le secteur ou mieux sur votre propre expérience de prospection dans la période de lancement du produit.
Pour les ventes e-commerce, il faut là aussi se baser sur des taux de transformation observés sur des expériences faites, en fonction du montant investi en publicité. Mais il faut aussi, évaluer le temps passé à créer du contenu, répondre à la communauté, faire les paquets, gérer les retours clients, etc…
En partant des chiffres connus ou estimés de chaque étape du processus commercial, il est possible de reconstruire un prévisionnel, qui s’il n’est ni certain ni juste est au moins explicable et justifiable.
Construire un prévisionnel nécessite de connaître aussi les montants des dépenses telles que le salaire moyen des types d’employés qu’il faudra embaucher, le prix des loyers au m², les frais des conseils (experts-comptables ou avocats), le prix de la logistique d’envoi d’un colis, le cours des matières premières, le coût des adwords, celui de l’hébergement des données dans le cloud, etc…
Lorsque vous avez rempli votre tableau prévisionnel avec les estimations de chaque poste, vient alors le verdict avec une projection du chiffre d’affaires et du résultat sur plusieurs années. C’est là que la connaissance des ordres de grandeur aide pour apprécier le réalisme du business-plan. C’est ainsi que les professionnels (experts-comptables, investisseurs, accompagnateurs de créateurs) évaluent en un clin d’œil le réalisme d’un prévisionnel.
Vous êtes seul et lancez une activité de coach. Votre prévisionnel indique que vous atteignez 500 000 € de CA la troisième année. Il y a surement un loup ! Les meilleurs coachs et consultants sont dans l’ordre de grandeur de 10 000 € de CA par mois.
Vous lancez une entreprise industrielle pour fabriquer et vendre la poubelle innovante que vous avez mise au point et votre business-plan montre un CA prévisionnel de 100 000 € la cinquième année. Il y a là aussi un problème. Les entreprises ayant un outil de production industriel ne sont viables que pour des CA dans l’ordre de grandeur du million d’euros, voire de la dizaine de millions d’euros.
Il existe des ratios utiles pour évaluer rapidement la viabilité d’une entreprise. Par exemple le ratio CA/nombre d’employés varie fortement en fonction du type d’activité. Pour une entreprise de service employant du personnel peu qualifié (sécurité, service à la personne, nettoyage), ce ratio se situe autour de 30 à 40 k€. Pour les ESN (entreprises de services du numérique), il se situe plutôt entre 50 et 70 k€. Pour les sociétés d’ingénierie, il approche plutôt 100 k€. Dans les entreprises de négoce qui ne produisent rien, ce ratio grimpe vite pour atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros, voire le million d’euros ou plus suivant le type de produits vendus. Pour les entreprises industrielles, ce ratio est moins significatif, car la part de la main-d’œuvre dans le CA peut être assez faible en fonction du degré d’automatisation de la production et de la valeur ajoutée réellement produite. Elle se situe généralement entre 100 et 500 k€.
Tout prévisionnel d’entreprise s’écartant significativement de ces ratios types est soit non viable (si les ratios sont inférieurs aux ratios types) soit suspect s’ils sont significativement supérieurs aux ratios types. Seules des innovations majeures dans le produit et dans le business model permettent de gagner un ordre de grandeur sur le ratio CA/employé. Et c’est très rare. Le domaine de l’édition logiciel par exemple permet des ratios très élevés, car une fois amortie la mise au point, le modèle économique d’abonnement permet des gains élevés avec un coût de main d’œuvre bas. Microsoft par exemple a un ratio CA/employé de plus de 1,4 M€.
Deux détails qui comptent dans un business-plan
On voit très souvent dans les prévisionnels, deux fautes qui révèlent une certaine incompréhension des ordres de grandeur et qui ne font pas bonne impression, même si elles ne sont pas rédhibitoires non plus.
Il n’est pas rare de voir des prévisionnels avec des précisions ridicules. Le CA de la troisième année est annoncé à 753 264 € !!! Quel est le sens d’une telle précision dans un exercice prévisionnel qui comporte tant d’incertitudes ? Il montre certes que vous avez fait des calculs pour trouver un tel résultat, mais dit aussi que vous n’avez pas forcément compris la signification d’un prévisionnel.
Ce que l’investisseur cherche à connaître en lisant votre prévisionnel n’est pas le CA à l’euro près mais la cohérence globale de votre modèle d’affaire et surtout l’ordre de grandeur (toujours lui) de votre ambition. Il veut savoir si votre CA à trois ans se situe dans l’ordre de grandeur de 100 000 €, du million d’euros ou de la dizaine de millions d’euros, et si votre besoin en financement est dans les 100 000 € ou dans les millions d’euros. Ces seules indications peuvent le conduire à refermer votre business-plan !
Je vois aussi souvent des prévisionnels qui évoquent les m€ de CA ou de besoins en investissement. Je ne peux m’empêcher de réagir en voyant cela. Un m€ se lit un milli-euro et signifie un millième d’euro !! Avec cela vous n’irez pas loin. Un million d’euros s’écrit en abrégé 1 M€ ou 1 méga-euros.
De la même façon, un milliard d’euros devrait s’écrire 1 G€ pour giga-euros. Cette abréviation n’est malheureusement pas assez répandue et il est plus souvent écrit 1 Md€. C’est dommage car l’abréviation scientifique G€ éviterait bien des confusions entre millions et milliards.
J’en profite pour rappeler que les abréviations des puissances de 10 correspondant aux ordres de grandeur donc, s’écrivent de façon normée en majuscules ou minuscules. Lorsque vous citez des grandeurs en utilisant des unités de mesure, veillez à bien respecter la majuscule ou minuscule de façon à être bien compris.
Je rappelle ici une règle mnémotechnique simple : les petits ordres de grandeur (jusqu’à 1000) s’écrivent avec une minuscule et les grands (au-dessus du million) avec une majuscule. Vous pouvez réviser les 24 préfixes utilisés pour les ordres de grandeur les plus courants en consultant Wikipédia.
Prioriser grâce aux ordres de grandeur
Lorsqu’il s’agit de prioriser entre deux actions, l’estimation de leur impact à l’aide des ordres de grandeur apporte un élément de décision.
Imaginions que vous souhaitiez entamer une action de réduction de vos émissions de CO2. La première étape sera de lister l’ensemble des sources de CO2 de votre activité et d’estimer par la technique des ordres de grandeur leur contribution à votre bilan carbone.
Vous verrez alors très certainement que celles-ci s’étendent sur plusieurs ordres de grandeur. Dès lors, il est facile de décider par où il faut commencer.
Pour avoir un vrai impact, il faut commencer à s’attaquer à la source principale. Réduire de 10% cette source sera équivalent à réduire de 100% la source d’ordre de grandeur juste inférieur.
Cette approche évidente pour quiconque est habitué à manier ces notions d’ordre de grandeur est pourtant bien mal comprise par nombre de consultants RSE et autres prophètes de vertu qui culpabilisent les personnes qui envoient un email pour dire merci, sous prétexte que cet email inutile émet du CO2. S’attaquer aux petits ordres de grandeur ne réduira en rien le problème du réchauffement climatique. Il faut agir sur les sources principales pour avoir un impact.
Cette approche est également valable pour la réduction des coûts dans l’entreprise, l’amélioration de la qualité, les gains de productivité, etc… Il faut toujours commencer à s’attaquer en premier aux ordres de grandeur les plus élevés, car c’est là que les gains seront les plus impactants. J’ai malheureusement l’impression que cette lapalissade est de moins en moins comprise.
Chaque fois que je regarde un match de football, j’observe que les joueurs qui tirent les corners s’évertuent à placer le ballon juste en dehors de la ligne délimitant la zone où le ballon doit se situer, la règle étant que tant que le ballon vu de dessus recouvre partiellement la ligne, il est dans la zone. Ils pensent ainsi gagner quelques centimètres et se faciliter un peu la tâche.
La distance entre le point de corner et le centre du but étant de 32 m, les quelques centimètres gagnés représentent un millième de la distance et donc une réduction d’un demi-millième de l’effort nécessaire pour propulser le ballon. Je doute que le joueur perçoive cet avantage autre que psychologiquement.
Cette erreur d’appréciation commise par le joueur de football est souvent commise par tout un chacun lorsque nous agissons sur certains paramètres en les croyant déterminants. Nous ferions bien de faire un rapide calcul d’ordre de grandeur pour se rendre compte que l’importance attachée à notre action est en fait ridicule, car celle-ci est non significative.
Évaluer la pertinence d’un devis
Les entrepreneurs peu expérimentés ou les entrepreneurs peu à l’aise avec les chiffres, ont parfois du mal à évaluer la pertinence d’un devis présenté par un fournisseur.
Quand le devis est peu détaillé et se contente de donner un montant qui apparaît comme forfaitaire, il est très difficile d’en saisir la signification, surtout si l’on n’est pas spécialiste du domaine en question.
Comment savoir si un devis de 50 000 € pour le développement d’une appli mobile ou un devis de 30 000 € pour la création d’une charte graphique sont pertinents ?
La méthode habituelle est de consulter plusieurs prestataires et de comparer. A supposer que le cahier soit bien fait et bien compris par chacun des prestataires, cette méthode peut avoir du bon. Il arrive cependant que des écarts importants, un facteur 2 ou 3 voire un facteur 10, troublent le client. Comment est-ce possible que des experts concurrents aient une telle divergence dans l’appréciation d’un travail à réaliser ?
Un tel écart ne peut généralement s’expliquer par une politique tarifaire différente. L’explication est plutôt à chercher dans une compréhension différente du sujet à traiter.
Pour essayer d’y voir plus clair et entamer un dialogue constructif avec les prestataires, il est important de se faire sa propre idée du budget à consacrer à sa demande. L’approche par ordre de grandeur est alors utile.
Le projet comporte-t-il de la fabrication ou seulement du service ? S’il y a de la fabrication, quelle quantité de matière est-il nécessaire, quel est le coût unitaire de la matière ? Quel temps d’usinage ou de façonnage peut-on estimer sur chaque opération ? S’il s’agit de service, combien de jours sont-ils nécessaires pour chaque phase de l’opération ? Pour une application, combien d’écrans y-a-t-il à créer ? etc…
En décomposant le projet en briques élémentaires, il devient plus facile même pour un non-spécialiste d’estimer un ordre de grandeur du coût. Une telle réflexion permet en tous cas de se poser les bonnes questions et d’entamer alors un dialogue constructif avec le prestataire. La négociation d’un devis forfaitaire est impossible. Il faut absolument amener le prestataire à avoir une approche par lot qui permet ensuite de discuter chaque lot pour négocier au plus juste mais aussi pour réduire ses propres exigences qui ont fait grimper excessivement le prix d’un lot.
Maîtriser les ordres de grandeur est une compétence qui s’acquiert au fur et à mesure des projets et fait partie de l’expérience d’un entrepreneur. Il est cependant nécessaire d’y consacrer du temps et de l’énergie pour en acquérir les bases surtout pour celles et ceux qui ne sont pas à l’aise avec les chiffres et que ce travail d’évaluation rebute. C’est un mal nécessaire pour mieux appréhender la gestion de son entreprise.
Pour aller plus loin
Une vidéo de Lawrence Krauss qui explique avec un calcul par les ordres de grandeur, qu’à chaque fois que nous inspirons, nous absorbons une centaine d’atomes d’oxygène expirés par Jules César lors de son dernier souffle !
Merci pour cet article j'ai bien fait de me poser pour lire !
Je vais rectifier pour ma part les mentions 1m€ que j'ai pris l'habitude de voir partout grâce à toi. Mais j'ai l'impression que le 1M€ est parfois confondu avec le milliard