Aujourd’hui je suis tombé sur un article qui explique que le «jeu risqué» est dorénavant recommandé par les pédiatres, car il présente plus d’avantages que de risques réels de blessures.
Une véritable bouffée d’air frais.
Notre société est obsédée par l’effacement du risque à tous les niveaux. Cela en devient pesant je trouve. Retrouver une forme de réalité de la vie qui ne cherche pas à tout contrôler est nécessaire, si l’on veut affronter sereinement les dangers réels qui nous attendent.
L’entrepreneuriat et l’innovation sont par essence des activités confrontées au sujet du risque et ce sujet est donc un filigrane permanent de cette Newsletter.
Je l’ai déjà abordé directement (UPI#75), mais j’y reviens en proposant de réfléchir à des approches du risque moins évidentes que celles auxquelles on pense généralement à propos de l’entrepreneuriat, de l’innovation et du management.
Avant de commencer
Le jour du deuxième épisode de “Qui veut être mon associé ?” saison 4, j’ai fait un post Linkedin pour partager le dernier article de cette Newsletter qui décortiquait le pitch d’Anthony Bourbon.
Il a été commenté par Anthony lui-même et aussi par Eric Larchevêque, puis c’est parti viral. Au moment où j’écris ce nouvel article, mon post a atteint près de 300 000 vues.
Ceci a généré plus de 70 nouveaux abonnés que je salue et remercie. Soyez les bienvenus.
Pour vous et pour toutes celles et ceux arrivés récemment, je vous incite à aller fouiller dans les archives, car vous y trouverez sans doute un article sur les sujets qui vous intéressent et sur les questions que vous vous posez. Contrairement à d’autres, les articles de ma Newsletter ne sont pas éphémères, car ils ne traitent pas d’actualité mais de sujets de fonds qui restent pérennes.
Bonne lecture.
Un pas dans l’inconnu. Le titre de cette newsletter est une incitation permanente à la prise de risque.
Le liste des dangers encourus par le fait d’entreprendre ou d’innover est longue, et le sujet de cet article n’est pas de les passer en revue en expliquant comment les appréhender, ni de répéter qu’il faut être courageux pour réussir.
Ce qui m’intéresse ici est de développer trois attitudes de prise de risques pas souvent abordées ou encouragées et de montrer les bénéfices qu’elles peuvent engendrer.
Dans les numéros précédents, j’ai déjà abordé quelques-unes de ces attitudes risquées mais pourtant porteuses de bienfaits :
le risque de faire plus que ce qui est nécessaire : UPI#91
le risque de la bienveillance : UPI#43
le risque d’être soi-même : UPI#41
le risque de la confiance : UPI#11
Faire ce qu’on ne sait pas faire
Il est évident que lorsque nous essayons de faire ce que nous ne savons pas faire, le risque est maximum.
Au delà d’échouer par incompétence, nous risquons de subir les critiques de tous ceux qui nous reprocheront de nous être lancés dans une aventure hors de notre portée.
Je suis toujours frappé de constater combien ce risque est honni des décideurs. Il n’y a qu’à lire les offres d’emploi pour se convaincre qu’il est impossible de postuler quelque part sans avoir déjà exercé la fonction recherchée. Les recruteurs veulent quelqu’un qui a déjà exercé le même poste ailleurs avec succès.
En ce moment, avec une partie de mon équipe nous produisons deux clips musicaux. Jamais de ma vie, je n’aurais imaginé cela possible, tant mes compétences dans ce domaine sont inexistantes. Il y a deux ans nous avons réalisé une exposition d’artistes et il y a dix ans, nous avons ouvert un commerce de centre-ville.
Pour tous ces projets, nous n’étions ni expérimentés, ni compétents, ni légitimes. Aucun d’entre eux ne rentrent dans les attributions habituelles d’une organisation comme la nôtre.
Tout manager raisonnable et soucieux de préserver son image n’aurait donc jamais fait cela. Je l’ai pourtant fait sans hésiter. Certains penseront sans doute que je suis inconscient et d’autres encore plus nombreux que je suis présomptueux, voire prétentieux.
Les avantages à une telle prise de risque sont pourtant nombreux.
apprendre : en faisant ce qu’on ne sait pas faire, on n’a d’autre choix que de se former. Personnellement, je n’aime pas vraiment me former avant d’avoir l’occasion de pratiquer. Je préfère de beaucoup être obligé de me former parce que j’ai quelque chose à faire. Confronté à la réalité de l’action, l’apprentissage est plus rapide et a plus de sens.
Apprendre est un essentiel vital. Cependant, si l’on y est pas forcé, la routine nous pousse à faire ce que nous savons faire et donc à cesser d’apprendre. Toute personne désireuse de rester vivante devrait donc se mettre au défi de faire des choses qu’elle ne sait pas faire.redevenir enfant : lorsqu’on maîtrise un sujet au point d’être blasé, il est difficile d’en voir la beauté, d’en apprécier les joies et de s’émerveiller. En découvrant un champ nouveau, un espace que l’on ne connaît pas, on ne peut qu’être surpris, que retrouver son âme d’enfant qui pose sans cesse des questions. Cette posture qui aide aussi à retrouver une certaine humilité autorise la naïveté qui enlève bien des pressions.
Quand je suis passé de physicien à banquier du jour au lendemain, sans formation préalable, j’ai eu l’impression de redevenir petit, de regarder les autres en levant les yeux, et j’ai dû ouvrir des livres et poser des questions bêtes. L’égo en prend un coup, mais c’est très sain.
s’entourer : lorsqu’on ne sait rien mais qu’on doit faire, la meilleure décision est alors de s’entourer. Pour réaliser nos clips, au delà bien sûr de s’appuyer sur l’expertise des artistes, nous avons pris deux stagiaires en master dans le domaine culturel et ayant à titre personnel des connaissances et une expérience dans le domaine de la musique. Bien que stagiaires, ils sont là pour nous apporter quelque chose tout en apprenant eux-mêmes. Quand nous avons ouvert notre commerce, nous avons fait appel à des experts en merchandising et échangé avec des commerçants. Nous avons ensuite recruté un manager avec quinze ans d’expérience dans le commerce. A leur côté et en pratiquant nous avons tellement appris.
prendre plaisir : personnellement je prends énormément de plaisir à découvrir un nouveau métier. Je sais que ce n’est pas le cas de tout le monde et que beaucoup ont peur de cela. Je crains, mais il faudrait sans doute le démontrer, que cette peur soit plus le résultat d’un conditionnement de notre éducation que d’un état naturel de nos prédispositions.
Au delà du plaisir de découvrir, le plaisir de réussir ce qu’on ne savait pas faire est jouissif. Au plaisir de la nouveauté, s’ajoute la fierté d’avoir dépassé ses incompétences.donner confiance : contrairement à ce qu’on pense, la confiance ne se développe pas en faisant plus de ce qu’on sait déjà faire, mais en réussissant à faire ce qu’on ne sait pas faire. C’est pourquoi le manager soucieux de développer la confiance de ses collaborateurs, doit toujours s’assurer de leur confier des tâches qui dépassent leurs compétences établies en s’assurant bien sûr qu’ils aient les moyens de se former.
Voir grand
Je rencontre beaucoup d’entrepreneurs au début de leur aventure, mais aussi des entrepreneurs déjà bien établis.
Je suis souvent frappé par le fait qu’ils ont une vision souvent étriquée de leur projet ou de leur entreprise. Ils se projettent rarement au-delà de ce qu’ils peuvent voir. Je veux dire par là, qu’ils ne visualisent que ce pour quoi il y a un chemin d’accès identifiable. Tout ce dont on ne sait pas a priori comment on va faire pour y arriver est exclu d’emblée.
Cette approche souvent qualifiée de raisonnable ou de pragmatique, sans aucun doute apprise à l’école ou dans notre famille, est une croyance limitante.
De même que prendre le départ d’une course en pensant qu’on va perdre est souvent une prophétie autoréalisatrice, ne voir qu’un objectif modéré ne permet certainement pas de réussir quelque chose de grand.
Début 2023, alors que le West Data Festival, notre évènement sur l’intelligence artificielle et la data pour tous, n’en était qu’à sa quatrième édition et n’avait rassemblé que 750 personnes, je fixais comme objectif d’atteindre les 4000 participants en 2026. Je n’avais alors pas la moindre idée de comment cela serait possible, et je ne peux toujours pas le décrire précisément, même si en avançant, les solutions apparaissent petit à petit. (d’ailleurs, la sixième édition est dans un mois et vous êtes invités à y participer. Le programme est passionnant et cela nous aidera à atteindre notre objectif ! Merci d’avance. Celles et ceux qui souhaitent y participer, écrivez-moi et je vous donnerai un code de réduction. )
Voir grand offre des opportunités intéressantes :
dépasser ce qui était normalement accessible : il y a très peu de cas dans la vie où l’on dépasse très significativement les objectifs fixés. Au delà de la limite psychologique que constitue un objectif écrit et partagé, celui-ci dimensionne en réalité tous les moyens alloués et donc conditionne de facto le potentiel de réussite. En visant 1000 personnes à un évènement, on ne louera pas une salle de 5000 places !
obliger à penser autrement : en voyant grand, on comprend vite qu’on ne peut raisonner comme on a l’habitude de le faire. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est impossible de faire mieux que ce qu’on a jamais fait en reproduisant inlassablement ce qu’on a toujours fait. Voir grand exige d’innover, de changer de paradigme, d’évoluer dans une autre sphère. Cela pousse immanquablement au delà de sa zone de confort.
intéresser d’autres catégories de personnes : les petits projets n’intéressent pas les gens qui ont des moyens ou des talents. Attirer des investisseurs ou des employés très compétents demandent des projets ambitieux. La taille et l’ambition d’un projet définit a priori le cercle des personnes à qui on va pouvoir parler. Comme la réussite d’un projet dépend grandement du réseau que l’on va mobiliser autour, un grand projet a souvent et paradoxalement plus de chances de réussir qu’un petit.
Être authentique et même vulnérable
Les entrepreneurs sont les héros modernes.
Les leaders politiques déçoivent, en particulier dans leur capacité à changer le monde, les sportifs et les artistes sont adulés et servent éventuellement de modèles, mais seuls les entrepreneurs apparaissent capables de significativement impacter la vie des gens et résoudre les problèmes du monde.
La “mythologie” des entrepreneurs à succès s’enrichit tous les jours d’histoires bien mises en scène par les entrepreneurs eux-mêmes ou leurs copywriters en quête de visibilité sur les réseaux sociaux. Les entrepreneurs légendaires dont les moindres paroles sont reprises en cœur par les consultants de tous poils servent de “role model” aux étudiants désireux de prendre leur vie en main.
La réalité est pourtant tout autre. Être entrepreneur comporte son lot de difficultés, de doutes et de moments difficiles à vivre.
Plutôt que de vouloir apparaître invincible, inébranlable et en total contrôle, il vaut mieux prendre le risque d’apparaître authentique et vulnérable.
Dans “Qui veut être mon associé ?” les candidates et les candidats les plus sincères, les plus vulnérables sont généralement celles et ceux qui sont le mieux accueillis et ils sont souvent financés.
Bien sûr l’émission doit faire de l’audimat et le choix des projets n’est pas anodin. Mais pour assister très régulièrement à des pitchs de startups, la réalité est la même. Les entrepreneures et entrepreneurs qui veulent répondre à tout, ne veulent pas admettre de ne pas savoir quelque chose, ou ne veulent pas avouer une faiblesse de leur projet, trouvent rarement grâce aux yeux du jury.
Admettre sa fragilité, être authentique, savoir être vulnérable présente pourtant quelques avantages :
créer du lien : la personne avouant ses imperfections, laissant entrevoir ses failles, et reconnaissant ses incompétences, touche les émotions de ses interlocuteurs qui vont plus facilement développer de l’empathie et donc de l’écoute. Il ne s’agit pas de manipuler les gens en jouant sur leur corde sensible, mais simplement d’être sincère sur sa situation.
obtenir de l’aide : les gens conscients de leurs faiblesses et prêts à les assumer sans honte recherchent plus facilement de l’aide. En exposant ses difficultés plutôt que d’essayer de les résoudre seuls, il y a de grandes chances que les solutions trouvées soient plus efficaces.
provoquer l’engagement : les études montrent que les leaders authentiques créent de l’engagement chez leurs collaborateurs. Ils inspirent la confiance, et établissent une forme de transparence source de motivation pour les personnes qui travaillent avec eux. A l’inverse, les individus toujours distants, cachés derrière leur costume de leader sont difficiles à cerner et peuvent induire une suspicion quant à leurs intentions véritables.
Le risque, un élément essentiel de la vie
La vie est naturellement risquée. Sans le chercher, nous sommes régulièrement exposés à des risques. On pourrait penser que cela nous suffit.
Paradoxalement pourtant, si nous attendons seulement les risques qui nous tombent dessus, la vie peut être fade.
Choisir les risques que l’on prend est une façon de se sentir vivre. C’est en se jetant dans l’inconnu d’une situation, que nous vivons des expériences nouvelles, que nous découvrons des potentiels insoupçonnés et que nous nous créons des souvenirs pour l’avenir.
Les risques sont d’une incroyable variété. Ils ont tous le point commun de créer une situation de balance entre un échec potentiel et une récompense enrichissante.
La vie qui vaut la peine consiste souvent à considérer que la récompense rapporte plus que le risque ne coûte.
Faire ce qu’on ne sait pas faire, voir grand et être authentique sont trois risques que nous pouvons prendre presque tous les jours, tant ils se présentent souvent dans le contexte du travail.
Sachons repérer les moments où ces risques se présentent et ayons le courage de nous y engouffrer. La récompense sera à la hauteur !