#137 Les leçons d'un été enchanté
Image, rêve, simplicité, persévérance, analyse, 5 leçons par 5 athlètes
On nous avait prédit des Jeux Olympiques compliqués avec des problèmes de sécurité au vu des risques insensés pris pour la cérémonie d’ouverture, des problèmes de transport en commun bondés, une image déplorable donnée au monde avec des rats dans les rues de Paris et des grèves.
Ce furent quinze jours magnifiques de ferveur populaire, d’images incroyables, de démonstrations d’une grande maîtrise de l’organisation et au final une formidable carte postale de la France.
Le pire n’est donc jamais certain ! Quelle leçon pour les pessimistes de tout poil !
Il y aurait tant à dire sur les façons de s’inspirer de cette épisode pour révolutionner l’esprit de notre pays et en conséquence résoudre au final assez simplement nos problèmes récurrents.
Mais aujourd’hui, je veux rester sur les leçons que nous ont enseignés les athlètes. Elles sont multiples, souvent les mêmes mais aussi pour certaines tellement fortes et inattendues.
Voici donc ma sélection des plus belles leçons de cette olympiade parisienne à destination des entrepreneurs, des managers et des innovateurs.
A lire et à relire
Dans cette rubrique, je vous propose de relire quelques articles anciens que je regroupe par thème.
J’ai souvent utilisé le sport et les sportifs pour illustrer des vérités de l’entrepreneuriat et de l’innovation. Pour celles et ceux qui ne les auraient pas lus, vous pouvez donc découvrir :
UPI#8 : Faites comme Zidane, travaillez votre roulette
UPI#12 : Et si Thierry Henry avait raison ?, le temps n’a pas le temps pour le temps
UPI#25 : Un coaching avec Denis Troch, confinement, intuition, préparation mentale, management, bon sens
UPI#40 : Allez au bout de vos rêves, un message de Luc Boisnard, entrepreneur, alpiniste et poète
UPI#68 : Sculpteur d’eau, les 5 leçons de management de Laurent Tillie
UPI#69 : Simplicité et indépendance, les leçons d’innovation de Dick Fosbury
UPI#70 : Courage, confiance et collaboration, les leçons de management de Marc Lièvremont
UPI#96 : Confiant mais pas arrogant, 5 leçons de Thierry Henry pour les entrepreneurs
UPI#107 : Mais qu’est-ce que le flow ?, 5 conseils pour atteindre cet état de performance
UPI#118 : Coach ou capitaine, quel est donc le vrai rôle d’un entrepreneur ?
UPI#132 : La singularité, facteur de réussite, enseignements tirés de la vie d’Alain Robert, le “spiderman français”
La force des images par Remco Evenepoel
La course en ligne de vélo nous a offert chez les hommes un final incroyable. Après un magnifique circuit inédit dans Paris et une traversée de Montmartre devant une foule en liesse, l’arrivée était prévue sur le pont d’Iéna entre le Trocadéro et la tour Eiffel.
Remco Evenepoel, l’un des favoris belges de l’épreuve avait réussi à fausser compagnie à ses adversaires et à quelques kilomètres de l’arrivée semblait avoir course gagnée.
La crevaison qui intervient si près du but aurait pu tout changer et faire d’Evenepoel un héros malchanceux. Il n’en sera rien et le champion belge va remporter sa deuxième médaille d’or après celle du contre-la-montre gagnée quelques jours plus tôt. Cet exploit lui permettait déjà d’écrire une page d’histoire de son sport, en tant que premier double champion olympique (route et contre la montre).
Comme si cela ne lui suffisait pas, il va alors mettre en scène son arrivée de façon incroyablement télégénique.
Il ralentit avant de passer la ligne et juste derrière celle-ci, descend de son vélo, le positionne devant lui, lève les bras et laisse éclater sa joie. La magie de cette photo réside dans la présence plein axe de la Tour Eiffel ornée des anneaux olympiques.
Quel sens de la mise en scène ! Quelle lucidité après plus de 200 km de course !
Communiquer c’est imprimer les mémoires, transmettre une émotion, saisir une opportunité fugace et la transformer en image éternelle, ouvrir une brèche pour affirmer un message clair et indiscutable.
En prenant cette pose, Remco Evenepoel s’est mis au diapason de ces Jeux de Paris dont la plus belle réussite est peut-être d’avoir créé des images incroyables et magnifiques, différentes de toutes celles des autres jeux, d’avoir osé mettre en scène les différents sites en utilisant le décor des monuments les plus mythiques de Paris, et d’avoir su sublimer tout cela avec une charte graphique non conventionnelle pour ce genre d’évènement.
Trop peu d’entreprises ne comprennent pas la force des images, la puissance du message véhiculé par une photo et l’absolue nécessité d’une cohérence graphique. Il est vrai que réussir dans ce domaine n’est pas aisé et demande un certain talent. C’est certainement un domaine où il ne faut pas avoir une approche amateur.
On ne parle pas des gens banals pas plus qu’on ne parle des entreprises banales. La communication est un des moyens de se distinguer, de se faire remarquer et au final de marquer les esprits.
Comme Remco Evenepoel, sachez vous distinguer !
On ne réalise que ce qu’on rêve par Félix Lebrun
Les frères Félix et Alexis Lebrun se sont révélés aux yeux du grand public pendant ces Jeux Olympiques où ils ont gagnés trois médailles à eux deux dans les épreuves de tennis de table.
Leurs performances exceptionnelles à leur âge dans ce sport spectaculaire dominé depuis très longtemps par les chinois, leur vie entièrement dédiée au ping-pong dans une famille de pongistes, leur look sérieux de bons étudiants, tout était réuni pour que la presse s’empare de leur histoire et que les français s’attachent à eux.
Dans une interview à l’âge de 11 ans, Félix disait : “L’objectif incroyable serait d’aller aux JO et l’objectif réalisable c’est d’être fort”.
Cette phrase dans la bouche d’un enfant de 11 ans est une formidable leçon pour toutes celles et ceux qui entreprennent quel que soit leur âge.
L’objectif doit toujours être fixé très haut. Une fois défini tout est organisé pour atteindre cet objectif qui paraît impossible.
La leçon est simple : le travail important fourni pour atteindre cette ambition payera forcément et permettra dans tous les cas un excellent résultat. A minima, on “sera fort”.
Michaël Phelps, le plus grand nageur de tous les temps, avant peut-être que Léon Marchand ne le dépasse un jour, ne disait pas autre chose lorsqu’il affirmait : “You dream, you plan, you reach” (Tu rêves, tu te fixes des objectifs, tu les atteins).
Beaucoup d’entrepreneurs n’osent pas se donner des objectifs élevés. Ils ont sans doute peur du ridicule s’ils ne les atteignaient pas, ou peut-être peur du travail que cela demandera de viser haut.
Je me souviens de Kevin, un jeune entrepreneur que nous avons accompagné et qui dès son premier pitch affirmait vouloir remplacer Facebook. Nous étions presque gênés de l’entendre, tellement cet objectif paraissait irréaliste. Je ne sais pas ce qu’il adviendra, mais en tous cas, je peux témoigner que c’est un des entrepreneurs les plus sérieux, les plus bosseurs et les plus persévérants que j’ai rencontré.
Avoir des objectifs ambitieux ne garantit pas de les atteindre, mais ne pas avoir d’objectifs élevés rend certain le fait de rester à un niveau modeste.
Alors, faites comme Félix Lebrun, osez rêver très grand et vous serez au moins fort.
Être soi-même selon Yusuf Dikeç
Yusuf Dikeç, 51 ans, est un tireur au pistolet turc qui a remporté la médaille d’argent de l’épreuve à 10 m mixte.
Yusuf bien que participant à sa cinquième compétition olympique était encore un athlète anonyme. Il a cette fois fait sensation et est devenu l’un des athlètes les plus populaires sur les réseaux sociaux.
En effet, contrairement à tous les tireurs qui portent de nombreux équipements pour effectuer leur tir (tels que le casque ou le cache-œil), Yusuf se présente lui en short, T-shirt avec pour seul équipement ses lunettes de vue. Lorsqu’il se met en position de tir bras tendu, l’autre main est dans sa poche et ses deux yeux sont ouverts.
Cette position très atypique et apparemment décontractée a été reprise sur les réseaux sociaux comme un symbole de “coolitude”, et même utilisée par plusieurs athlètes pour célébrer leur victoire et en particulier par Armand Duplantis le perchiste suédois après son formidable record du monde.
Des T-shirt et d’autres éléments ont été imprimés par des fans qui ont voulu déposé cette image pour se l’approprier. Yusuf a dû réagir et déposer lui-même cette position iconique à l’institut de la propriété intellectuelle turc, en vue sans doute d’une exploitation commerciale de son geste.
Venu tard à la compétition de tir, Yusuf est un gendarme de métier. Il possède la particularité rare d’être un tireur naturel c’est-à-dire sans œil directeur. Il peut donc tirer les deux yeux ouverts.
Au lieu de se conformer aux usages de sa discipline, il profite donc de ses qualités naturelles, de son métier et pratique son sport en toute simplicité. Cela ne l’empêche en rien de réussir.
Être soi-même, faire ce qui nous convient, rechercher la simplicité sont autant d’attitude qui paraissent évidentes mais qui ne sont pourtant pas toujours suivies.
Nous sommes souvent comme la jeune gymnastique chinoise Zhou Yaqin qui en voyant les deux italiennes à ses côtés sur le podium mordre dans leur médaille a timidement fait de même sans comprendre ce qu’elle faisait.
Copier pour se conformer, appartenir à son groupe social ou tout simplement copier en croyant que si les autres font comme cela, c’est que cela doit être bien, n’est pas toujours la bonne façon d’agir, car bien souvent, nous ne sommes pas comme les autres.
Pensez à Yusuf, et soyez vous-mêmes, cela vous réussira.
Ne rien lâcher comme Nadia Barttocleti
Double championne d’Europe du 5000 m et du 10 000 m, Nadia Barttocleti se qualifie pour la finale olympique du 5000 m. Elle rencontre les athlètes africaines pour une course qui s’annonce compliquée pour elle.
Elle s’accroche et se retrouve en 6ème position à 200 m de la ligne. Bien que le podium semble hors de portée, elle donne tout, remonte deux concurrentes et vient finir à cette maudite quatrième place. Quelques minutes après, en pleine interview, elle apprend que Faith Kipyegon, l’athlète kényane ayant terminée deuxième vient d’être disqualifiée suite à une obstruction.
Nadia récupère ainsi la médaille de bronze. Son effort démentiel dans la dernière ligne droite est payé de retour.
La joie sera de courte durée. Le Kenya ayant fait appel de la sanction, son athlète est requalifiée et Nadia perd la médaille pour la seconde fois de la soirée. Quelles montagnes russes émotionnelles et quelle déception !
Quelques jours plus tard, finale du 10 000 m face aux mêmes concurrentes africaines. En rien démotivée suite à sa mésaventure sur 5000 m, Nadia reste dans le peloton de tête et se retrouve à nouveau au milieu de six africaines à 200 m de la ligne. Ayant analysé les raisons de son échec et profitant de sa pointe de vitesse déjà démontrée sur 5000 m, elle s’empare cette fois de la médaille d’argent. Quelle magnifique revanche !
Quelle force de caractère faut-il pour se remobiliser ainsi après une immense déception et inverser la tendance quelques jours après seulement.
Dans l’entreprise, lorsque les échecs surviennent alors qu’on pensait l’épreuve évitée, il faut manifester ce courage et cette croyance en ses chances futures pour se remobiliser, remobiliser son équipe, retourner au combat contre les mêmes problèmes après avoir analyser l’échec et cette fois-ci sortir par le haut de la situation.
Comme Nadia, apprenez de vos échecs, et sachez ne rien lâcher pour vaincre après avoir perdu.
Tout analyser pour mieux se concentrer comme Nicola Olyslagers
La sauteuse en hauteur australienne Nicola Olyslagers a remporté à Paris sa deuxième médaille d’argent après celle de Tokyo.
Nicola est connue pour un rituel inhabituel. Entre deux sauts, elle prend des notes dans un carnet vert. Elle note ses impressions, mais aussi la qualité des différentes phases de son saut. A d’autres moments, elle copie des phrases inspirantes qu’elle peut relire au moment opportun.
Au delà de compiler des données dans la durée pour analyser ses performances et les améliorer, cette pratique est aussi une méthode de concentration.
Entre deux sauts, il est facile de sortir de sa concentration, d’être distrait par les sauts des concurrents ou les évènements sur le stade. En prenant ses notes, relisant les citations inspirantes, Nicola focalise son esprit sur le moment présent et ce qu’elle a à faire. Cette pratique apparaît ainsi comme une technique de préparation mentale.
Dans l’entreprise aussi, suivre les indicateurs au quotidien, mesurer le niveau de performance, noter les imperfections, noter les remarques des clients et les idées des salariés est une source importante de progression.
Cela permet aussi de rester focus sur les objectifs et de ne pas se disperser ou perdre le fil.
Le petit carnet vert ou l’appli de notes organisées sont donc de précieux compagnons de l’entrepreneur ou du manager qui veut s’améliorer.
Comme Nicola, notez tout sur votre carnet et analysez-le.
Bonus : le point au buzzer
Comme au concert, où l’on a droit à une dernière chanson après le rappel, je vous offre une dernière leçon tirée de 2 situations de point au buzzer qui ont mal tourné pour les équipes de France de sports collectifs.
Quart de finale du hand-ball masculin, France-Allemagne, il reste 6 secondes, la France mène d’un point. Temps mort.
Au lieu de se concentrer et d’écouter les consignes du coach pour assurer la victoire, les joueurs pris par l’excitation du moment imposent leur point de vue. Dika Mem parle plus fort que les autres et définit la stratégie à suivre.
Une fois sur le terrain, il ne respecte pas la consigne qu’il a lui-même définie, rate sa passe, le ballon est récupéré par les Allemands qui marquent.
La dynamique a changé de camp. Les émotions négatives prennent le dessus. La défaite est évidente.Finale du basket féminin : dernière seconde, la France est menée de 3 points contre les américaines. Gabby Williams tire de loin et marque.
C’est l’égalisation qui offre une prolongation qui permet de continuer à y croire.
L’arbitre décide autrement, car pour quelques centimètres, le pied a franchi la ligne et le panier ne vaut que deux points. La défaite est cruelle.
L’entreprise connaît aussi ce type de situations où le temps presse, où il faut réagir avec sang-froid, prendre les bonnes décisions vite.
Ces deux exemples nous disent ce qu’il ne faut pas faire :
se laisser dominer par les émotions
ne plus respecter les rôles
ne pas appliquer la consigne
manquer d’attention
Que nous sachions appliquer cela au moment voulu