La presse a ses marronniers, les entreprises aussi. Il en est un qui se perd un peu, tout en se transformant en corvée, c’est la carte de vœux.
En 2020, j’ai écrit une fois pour toutes ce que je pensais sincèrement de cet exercice (UPI#2). J’invite les nouveaux lecteurs et celles et ceux qui ont oublié, à relire ce point de vue anticonformiste.
Malgré cela, nous avons produit comme chaque année une carte de vœux avec la mention :
En 2023, ne restez pas à l’étroit, ouvrez le champ des possibles !
En repensant à cette formule, je me suis dit qu’il serait intéressant de la développer pour comprendre ce qu’elle veut réellement dire, et ainsi en faire l’expression approfondie de mes vœux pour chacune et chacun d’entre vous.
Avant de commencer
Un pas dans l’inconnu a passé le cap des 100 numéros soit plus de 600 pages écrites, compte presque 1000 abonnés, et entre dans sa quatrième année.
J’ai envie de continuer, mais j’ai aussi envie de changer des choses. J’ai plusieurs idées, mais je ne vais rien révéler maintenant, car je me suis parfois engagé trop vite à faire des choses que je n’ai pas encore tenues (oui, je sais, je vous dois un livre !).
Je suis par contre tout à votre écoute pour connaître vos attentes et vos suggestions à propos de cette Newsletter.
Substack, l’outil que j’utilise pour produire et diffuser “Un pas dans l’inconnu” était à ses débuts lorsque j’ai commencé en 2020. Il est en train de s’imposer comme un vrai leader (et l’arrêt de Revue par Twitter le 18 janvier va renforcer cela). Il s’enrichit de fonctionnalités que pour le moment je n’exploite que très peu. Il y a peut-être là des pistes d’évolution. Pour celles et ceux qui ne l’ont pas encore essayée, vous pouvez aussi installer l’application Substack pour améliorer votre expérience de consultation des Newsletters.
Je serai heureux de vous retrouver régulièrement tout au long de cette nouvelle année qui s’annonce très riche et passionnante. Merci de me suivre.
Quand je visite un château, ou un bel immeuble du XIXème siècle, je suis frappé par les hauteurs sous plafonds ! Quel contraste avec nos habitations modernes standardisées qui verrouillent notre horizon à 2,50 m !
Tout le monde ressent dans son corps le confort apporté par le volume et éprouve a contrario de la gêne dans les espaces étroits. Cette impression est pratiquement universelle, bien que depuis assez longtemps nous soyons contraints de vivre dans des volumes limités.
Ce qui est vrai pour notre corps l’est beaucoup moins pour notre esprit ! Nous nous complaisons plus facilement dans l’étroitesse de nos esprits, que dans celle de nos maisons ! Nous ressentons assez peu l’étroitesse de nos propres points de vue !
Nous nous accommodons assez bien de pensées étriquées, de visions à courtes vues, de positions conformistes. Nous sommes souvent fermés aux idées neuves, disruptives, aux cultures minoritaires ou alternatives, aux innovations dérangeantes et aux personnes différentes. Pourquoi cela ?
Toutes et tous étroits
Si j’ai utilisé le “nous” dans les phrases précédentes, ce n’est pas par hasard ou par complaisance. C’est une vérité : nous sommes toutes et tous étroits.
Certaines ou certains tentent peut-être déjà de se défendre, car ils ou elles se pensent ouverts. Se défendre ou se cabrer à l’écoute d’une affirmation est déjà une forme d’étroitesse.
La diversité des idées est immense au point d’en être quasiment infinie. Mais, notre largeur d’esprit est, quant à elle, bien limitée par de nombreux facteurs dont les principaux sont :
la culture dans laquelle nous avons été éduqués, qui définit un référentiel de pensée et un cadre de coutumes,
notre passé qui nous a forgé une expérience singulière de diverses situations, laquelle influence très fortement notre réponse future à une nouvelle occurrence de ces situations,
nos croyances limitantes si bien dénommées, résultat de notre vécu émotionnel,
nos préjugés qui sont des raccourcis, des prêts-à-penser que nous utilisons par facilité, paresse ou confort,
notre ignorance qui nous empêche d’envisager la complexité d’une situation,
notre expertise qui nous laisse penser que nous savons,
notre égo qui n’accepte pas la contradiction,
notre peur de l’inconnu qui refuse d’envisager ce que nous ne maîtrisons pas.
Ces divers paramètres qui façonnent notre étroitesse d’esprit étant très différents d’une personne à l’autre, il est assez simple de comparer l’ouverture d’une personne avec celle d’une autre, et de classer les gens selon leur degré d’ouverture au regard d’une situation donnée.
Dès que l’on côtoie un panel diversifié, on comprend très vite que nous sommes toujours l’étroit de quelqu’un et le large de quelqu’un d’autre.
L’ouverture d’esprit est une notion fondamentalement relative. Comprendre que nous atteignons toujours à un moment notre point d’étroitesse, est très important pour progresser et travailler notre ouverture.
Confortable mais toxique
Nous sommes toutes et tous étroits ! Et alors ? Est-ce mal ?
Au premier abord, l’étroitesse est un confort, ce qui explique facilement pourquoi nous avons tant de mal à l’admettre et essayer de la dépasser.
Nos convictions qu’elles soient justes ou non, nous évitent de réfléchir. Nous pouvons les réutiliser à l’infini pour traiter les situations qui se présentent et nous avons ainsi l’impression d’une certaine efficacité. Ce confort peut être si important que même lorsque nos convictions montrent leur inadéquation dans une situation particulière, nous avons tendance à être de mauvaise foi et incriminer les autres ou les circonstances. En effet reconnaître que nos convictions sont prises en défaut, impliquerait un travail fatiguant et surtout déstabilisant de remise en cause.
L’étroitesse proposée par la culture de mon groupe social ou la culture de mon entreprise est confortable car elle est partagée. Nous pensons tous pareils et nous nous comportons tous de la même façon. Cela rassure et renforce notre esprit grégaire. S’extraire de cette uniformité nous demande trop d’efforts et comporte le risque du rejet. Nous préférons la lâcheté, et plus le temps passe, plus la vision proposée dans le groupe devient la seule vérité. Plus rien d’autre n’est envisageable, la route devient de plus en plus étroite.
N’avez-vous jamais rencontré ces entreprises avec un très faible turn-over, peu de croissance et donc peu de recrutement, où l’ancienneté moyenne est supérieure à 20 ans ? Pour la plupart, ces entreprises semblent solides puisque tout est tellement bien rodé. Elles sont cependant d’une fragilité incroyable face à des circonstances exceptionnelles. La pensée commune créée par un long vécu collectif au sein d’un groupe fermé, l’inexpérience de situations nouvelles, la reproduction infinie de postures anciennes, l’accumulation sédimentaire de ressentis non exprimés, la léthargie produite par le ronronnement quotidien sont autant de facteurs totalement paralysants lorsqu’il faut agir. Les crises actuelles qui s’enchaînent sont de puissants révélateurs de la faiblesse de telles entreprises.
L’étroitesse entretient l’étroitesse et l’amplifie. A force d’avancer sur un chemin étroit, celui-ci ne cesse de se rétrécir au point de devenir impraticable.
L’étroitesse conduit à une impasse.
Sans solutions
J’écoutais récemment un énième débat sur notre système de santé. Au vu de tous les rapports, audits, analyses faites, il semble bien évident que celui-ci se dégrade à grande vitesse. Un médecin sur le plateau n’envisageait de solutions qu’au travers d’une augmentation des moyens et d’une re-concentration des pouvoirs dans les mains des médecins au détriment de l’administration. Voilà un bel exemple de pensée étroite. Le même médecin était d’ailleurs réfractaire à la possibilité de confier davantage de responsabilités à d’autres personnels médicaux afin de décharger les médecins.
Le montant annuel des dépenses de santé s’élève à environ 300 milliards soit autant que le budget total de la France. Augmenter encore ce montant sans rien changer d’autres est-il vraiment la solution ? On peut raisonnablement en douter !
Je me souviens d’une entrepreneure qui chaque année avait la même approche commerciale, la même organisation, les mêmes produits et faisait les mêmes chiffres d’affaires et surtout les mêmes pertes, convaincue que ça allait marcher un jour. Même motif, même punition !
Dans une situation de crise, l’approche étroite ne peut conduire à une solution.
Si faire la même chose qu’habituellement permettait de sortir de la crise, alors les crises ne seraient pas des crises !
Il n’y a pas de magie : rester entre soi, brasser encore et encore les mêmes idées ne peut faire émerger une solution.
Ne rien vouloir changer sous prétexte que cela remet en question des prérogatives verrouille les situations et accentue les problèmes.
L’étroitesse prive de solutions.
Ouvrir le champ des possibles
Après avoir bien plombé l’ambiance pour vous convaincre que l’étroitesse, ce n’était pas vraiment très positif, voyons comment il est tous les jours possible d’élargir son horizon.
Comme c’est un peu le sujet de cette Newsletter, j’ai déjà beaucoup écrit autour de ce thème. Je vais donc vous rappeler quelques pistes déjà traitées avant d’en développer une nouvelle.
Les entreprises mènent toutes chaque année des projets récurrents : la convention commerciale, la participation au salon du secteur, les promotions du BlackFriday, l’intégration des nouveaux embauchés, etc… Ce type de projet qui revient d’année en année (mais c’est aussi valable pour la réunion du lundi qui revient de semaine en semaine) est le terrain de jeu favori de l’étroitesse. Dans la réunion de préparation, il y a systématiquement quelqu’un qui sort la phrase mythique “on a toujours fait comme cela”. Dans UPI#6 j’explique en détail pourquoi il est si difficile de changer les choses et ce faisant je donne des pistes pour le faire.
Vouloir sans cesse revivre certaines expériences sous prétexte qu’elles étaient réussies n’est pas vraiment la meilleure façon de vivre pleinement. Dans UPI#29 je décortique ce processus mental limitant et je donne des clés pour en sortir et avoir ainsi un travail motivant.
Le succès peut être une porte ouverte à l’étroitesse. Une entreprise habituée à gagner va s’enfermer dans des certitudes, des croyances et s’endormir sur ses lauriers. Dans UPI#14 je décrypte cette situation à l’aide d’exemples tels que Nokia, et je propose 8 pistes pour garder une vision large malgré le succès.
Une façon très efficace de lutter contre l’étroitesse est d’être dans l’apprentissage permanent de nouvelles choses. Dans UPI#18 je décris 7 façons d’apprendre qu’il faut exploiter au maximum : apprentissage par l’observation, par la répétition, par l’engagement, apprendre en étant poussé dans la piscine, en passant à l’échelle, auprès d’un leader, en faisant un pas dans l’inconnu. Dans UPI#30 je montre comment les loisirs peuvent être un formidable champ d’apprentissage de compétences utiles pour son activité professionnelle. Dans UPI#58 j’explique qu’une façon continuelle d’apprendre est de consacrer du temps à la veille.
La sagesse des auteurs anciens est souvent une source inépuisable de conseils. Dans UPI#19 j’analyse 6 fables de La Fontaine qui nous aident à traverser une période de crise en changeant nos attitudes.
L’innovation est victime de l’étroitesse. Dans UPI#21 je définis les 3 cadres limitant le processus d’innovation et je propose des pistes pour en sortir. Je donne ensuite les 4 règles de vie pour “sortir du cadre”: sortir de son bureau, écouter et parler avec des gens différents, apprendre toujours, s’émerveiller de tout. Dans UPI#42 j’explique que l’innovation est avant tout un état d’esprit avant d’être une méthodologie.
La créativité est assurément un antidote à l’étroitesse. Contrairement à une croyance limitante commune, la créativité peut s’apprendre. C’est ce que j’explique dans UPI#34 où je donne 5 conseils pour devenir créatif. Dans UPI#81, je raconte 6 exemples de créativité qui change la vie.
Le rêve est un terrain qui repousse l’étroitesse. Il faut cependant que le rêve puisse se concrétiser et pour cela croire que c’est possible, comme Luc Boisnard, l’entrepreneur qui a gravi l’Everest nous l’explique dans UPI#40. Dans UPI#5, je présente toutefois quelques dangers encourus à la poursuite de rêves non maîtrisés.
L’espoir qui conduit à l’action est un formidable moteur pour élargir les horizons. Dans UPI#47 je raconte l’extraordinaire histoire de Nando Parrado qui a fait sauter plusieurs verrous très puissants pour sauver sa vie.
Paradoxalement la simplicité est une des façons d’élargir sa vision. Notre étroitesse résulte souvent d’une complexité héritée qui nous semble normale. Rechercher la simplicité devient alors une clé très puissante du changement comme je le détaille dans UPI#50. En rajoutant à la simplicité, une très grande indépendance d’esprit, Dick Fosbury a révolutionné le saut en hauteur (UPI#69).
Notre cerveau marche parfois en pilotage automatique. C’est lui qui nous conduit à certains comportement étroits. Dans UPI#60, j’analyse ce phénomène que j’appelle les “tunnels du cerveau”. Comprendre ce fonctionnement nous aide à le repérer et à lutter contre.
La porte ouverte sur l’infini de la connaissance est le questionnement permanent. L’étroitesse ne pose pas de questions car elle sait avec certitude ou ignore avec aplomb. La question est donc une arme de destruction massive contre l’étroitesse (UPI#67).
Lutter contre l’étroitesse n’est pas une activité intellectuelle. Cela passe par l’action (UPI#77) et surtout la prise de risque. Dans UPI#75, je donne 4 conditions pour réussir cette prise de risque. La croyance que le risque va payer est souvent autoréalisatrice. Dans UPI#92, je partage 2 nouveaux exemples qui illustrent la puissance de ceux qui croient en leur réussite, en dépit de la folie de leurs projets. La confiance est clairement une armure contre l’étroitesse.
Oser la singularité
J’ai participé récemment à la cérémonie des voeux du préfet et du président du département. Ce moment rassemble tout ce que le département compte de personnalités du monde politique, économique ou associatif. Au bout d’un moment, je réalise que je suis le seul à ne pas avoir de veste. Pendant quelques secondes j’éprouve une sensation de gêne jusqu’à ce que je me reprenne en me disant qu’il n’y pas de honte à être soi-même.
Nous avons toutes et tous une singularité qui nous caractérise. Et pourtant, dans le monde du travail, il est si fréquent de jouer un rôle, d’enfiler un costume qui n’est pas le nôtre, d’épouser des idées qui ne nous correspondent pas, de valider des projets auxquels nous n’adhérons pas, de faire mine d’être d’accord pour ne pas apparaître comme l’empécheur de tourner en rond.
La mise de la singularité sous cloche engendrée par une forme de pression sociale est la meilleure façon de favoriser la prospérité de comportements étroits.
Les gens que nous admirons (artistes, grands entrepreneurs, sportifs de haut niveau, …) sont ceux qui expriment leur singularité et en font leur marque de fabrique.
Dans les dernières 24h, j’ai découvert trois exemples de personnes ayant magnifié leur singularité au mépris des cadres dans lesquelles elles se trouvaient :
à 16 ans, Meily Chen, une lycéenne sarthoise écrit son premier livre “La confiance fait tout”. A 18 ans, elle est à la tête de Mursty, un business de coaching pour aider les gens à écrire leur livre. Depuis quand une lycéenne écrit des livres de développement personnel et lance un business de coaching ? Ce n’est pas dans les attendus sociaux et pourtant Meily l’a fait.
à 25 ans, Thibaut Pitolin est à la tête d’un groupe d’entreprises dans le domaine de l’immobilier et en particulier d’Immorentier un site web qui propose d’accompagner les novices qui veulent dégager des revenus avec de l’immobilier. Fils d’employés modestes, Thibaut travaillait lui-même à l’usine il y a quelques années encore. Il vit aujourd’hui à Dubaï et ses sociétés font des millions de chiffres d’affaires1. Rien dans son arrière-plan ne prédestinait Thibaut à être ce qu’il est.
à 44 ans, Matt Formston, aveugle à 95% depuis l’âge de 5 ans, vient de réussir à surfer sur les plus hautes vagues du monde à Nazaré2. Il est clair qu’on n'attend pas d’un aveugle de faire de tels exploits en surf.
En 2023, je vous invite à investiguer votre singularité, la laisser s’exprimer en commençant par de petites choses. Ce sera la meilleure façon d’ouvrir le champ des possibles comme le dit Matt Formston : “Quand tu essaies vraiment tout s’ouvre devant toi”.
Bonne année 2023 !
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